C’est la Cour des comptes qui le dit : l’une des clés du succès de SpaceX réside dans le pari technologique qu’est la réutilisation de l’étage principal du Falcon 9. Aujourd’hui, le retour sur Terre du lanceur américain ne surprend plus grand monde, sauf pour les très rares fois où cela se passe mal. Mais SpaceX n’est ni la première entreprise ni la seule à s’intéresser à ce procédé : l’Europe y travaille aussi.
Mais il n’y a pas que sur le terrain des lanceurs réutilisables que le Vieux Continent fait parler de lui. L’année prochaine, Ariane 6 prendra son envol pour la toute première fois. Elle commencera alors à succéder à Ariane 5, qui assure depuis 1996 les lancements les plus lourds. Avec succès d’ailleurs : en 23 ans de carrière, Ariane 5 et ses déclinaisons ont fait un quasi sans faute (on ne compte que deux échecs).
Avec la mise en place prochaine d’Ariane 6 et les projets de lanceurs réutilisables, à plus ou moins long terme, il apparaît utile de faire un point sur les projets en cours. Car ils sont bel et bien là. Certains ne sont que des démonstrateurs, comme Callisto et Themis, mais d’autres sont des programmes plus concrets, comme Ariane 6 et Vega C, qui viendront renforcer les capacités d’accès à l’espace de l’Europe.
Ariane 6
Ariane 6 sera le nouveau fer de lance de l’Europe en matière d’accès à l’espace. Son vol inaugural, envisagé pour juillet 2020, a été repoussé à 2022 à cause du covid-19. Bien plus grande qu’Ariane 5 et ses 55 mètres de haut, Ariane 6 culminera à 70 mètres. Mais sa taille n’est pas sa particularité principale. Ce qui interpelle, c’est l’existence de deux versions de la fusée, Ariane 62 et Ariane 64.
La différence se fait sur le nombre de propulseurs d’appoint à poudre P120C utilisés : deux pour Ariane 62 et quatre pour Ariane 64. Par deux ou quatre, ils appuieront le moteur-fusée Vulcain 2, tout en étant aussi la base de la fusée Vega-C. En octobre 2020, l’Europe spatiale a validé la motorisation d’Ariane 6 (Vulcain 2 et 2.1 pour l’étage principal, Vinci pour l’étage supérieur, et les boosters).
Ce souci de mutualiser l’expérience et les technologies acquises au cours des quarante ans de conquête spatiale s’est trouvé au cœur de la conception d’Ariane 6 et de Vega-C. « Il devrait en résulter une réduction significative des coûts de production et d’exploitation », estime le Centre national d’études spatial. Une baisse des coûts qui permettra à l’Europe d’être plus compétitive dans un marché plus concurrentiel.
D’ailleurs, Ariane 6 doit plus généralement mieux répondre aux besoins du marché des satellites, en proposant une version pour les lancements moyens et une autre pour les lancements lourds (11,5 tonnes d’emport pour une orbite de transfert géostationnaire avec Ariane 64, 4,5 tonnes avec Ariane 62). C’est aussi pour cela que l’étage supérieur va avoir une capacité de rallumage, pour manœuvrer en orbite.
Vega-C
Vega-C est le successeur de la fusée Vega, dont le développement ne sera pas plus cher. Sa principale caractéristique est de partager son premier étage avec Ariane 6, qui s’en sert alors comme propulseur d’appoint. D’où l’adjonction de la lettre « C », pour Commun. L’étage P120C joue donc le rôle de moteur universel pour les deux lanceurs. Une manière d’optimiser les développements et, donc, de réduire les coûts.
« Produit en série à plusieurs dizaines d’unités par an, le P120C permettra de rationaliser les coûts des deux programmes », détaille l’agence spatiale française. Mais le premier étage de Vega-C n’est pas seulement conçu pour être partagé avec Ariane 6. Ses performances progressent par rapport à la génération précédente : il développe le double de poussée par rapport à son prédécesseur, le P80.
Par ailleurs, le P120C a une autre caractéristique : il est le plus gros propulseur à poudre monolithique en fibre de carbone au monde. Sa capacité d’emport de propergol solide est de 142 tonnes. Sa conception, qui a débuté fin 2014, est assurée par ArianeGroup et la société italienne Avio, à travers leur coentreprise, Europropulsion. Prévu pour 2020, le vol inaugural de Vega-C surviendra en 2021.
Concernant les autres améliorations notables, que résument le Centre national d’études spatiales, figurent un nouveau deuxième étage à ergols solides (le Z-40) qui est « plus puissant et plus lourd » que la pièce actuelle, et l’étage supérieur à ergols stockables AVUM+ « qui dispose d’une structure plus légère et de plus de carburant ». Enfin, la coiffe s’élargit, passant à 3,3 mètres au lieu de 2,6 mètres.
Dans la mesure où Vega-C s’inscrit dans la gamme des lanceurs légers, ses performances peuvent apparaître relativement modestes par rapport à d’autres fusées. Selon le CNES, Vega-C peut transporter 2,5 tonnes de charge utile en orbite basse (ou 2,2 tonnes en orbite polaire). Cela peut tout aussi bien être un satellite volumineux qu’une série de plus petites charges, en fonction des contrats obtenus.
Vega-E
Si l’avenir immédiat de la fusée Vega s’appelle Vega-C, une nouvelle mouture du lanceur est susceptible de voir le jour aux alentours de 2025 : Vega-E. Le programme est incertain : son avenir dépend des orientations de l’Agence spatiale européenne, note le Centre national d’études spatiales. Si sa conception est validée, Vega « fera partie du paysage européen pour au moins une décennie supplémentaire ».
En cas de poursuite du programme, Vega-E sera une itération de Vega-C, puisque celle-ci a été imaginée d’emblée comme une plateforme modulable. En particulier, il est question de remplacer les deux étages Z9 et AVUM actuels par un nouvel étage supérieur cryogénique. Celui-ci bénéficierait d’un moteur, baptisé M10, mêlant méthane et oxygène liquide. Vega-E se focalisera sur le marché des petits satellites.
Callisto
En 2022, Callisto entrera dans la danse. Callisto ? Il s’agit d’un démonstrateur de lanceur réutilisable dans lequel sont impliquées les agences spatiales de trois pays : la France, l’Allemagne et le Japon. Son acronyme signifie Cooperative Action Leading to Launcher Innovation in Stage Toss-back Operations, soit Action concertée menant à l’innovation du lanceur pour des opérations de retour.
L’objectif est de valider un certain nombre de choix techniques dans le cadre d’un vol d’essai consistant à propulser un véhicule spatial de 15 mètres de haut à 30 ou 40 kilomètres d’altitude. Celui-ci doit montrer sa capacité à réaliser toutes les manœuvres de mise en orbite d’un satellite, puis de revenir sans mal sur Terre sur son pas de tir ou d’une aire d’atterrissage. Et d’être réutilisable 5 fois.
Équipé d’un moteur cryotechnique tournant à l’hydrogène et à l’oxygène. Callisto doit servir une dizaine de fois entre en 2023 pour acquérir de l’expérience dans l’atterrissage vertical automatique. Ce doit aussi être l’occasion d’en apprendre davantage sur toutes les opérations de requalification entre deux vols. Il est prévu que les enseignements appris grâce à Callisto servent ensuite à Themis.
Pour ce projet, précise l’Usine Nouvelle, la France s’occupe du calculateur assurant le programme de vol et d’une partie complémentaire du moteur à hydrogène. L’Allemagne fournit le système d’atterrissage, les gouvernes aérodynamiques pour le pilotage durant la phase de rentrée et une partie du réservoir à hydrogène. Quant au Japon, il apporte le moteur à oxygène et hydrogène et le réservoir d’oxygène.
Themis
Autre démonstrateur technologique, Themis doit occuper une bonne partie de l’Europe spatiale au cours de la décennie 2020. Objectif ? Travailler sur la future motorisation des fusées de prochaine génération de l’Europe. Le projet, en gestation depuis 2015, a franchi plusieurs étapes. Mi-janvier 2021, un contrat a été signé pour préparer des essais dès la fin de l’année en France.
Ce projet mêle le Centre national d’études spatiales (CNES) et l’agence spatiale allemande (DLR), ainsi qu’ArianeGroup, la coentreprise entre Airbus et Safran. Les premiers essais de décollage sont prévus en 2022, mais à très faible altitude. Au cours des années suivantes, des hauteurs de plus en plus grandes doivent être atteintes avec, en 2025, la possibilité de mener des vols intégraux.
Themis doit être l’occasion d’être une plateforme d’essai pour Prometheus. Il est annoncé comme bien cher à construire, polyvalent (en servant à la fois au successeur d’Ariane 6 et de Vega-C), automatisé et ré-allumable. Il doit être opérationnel aux alentours de 2030. Mais Themis doit aussi être l’occasion de démontrer la faisabilité d’un premier étage réutilisable, en profitant des travaux accomplis sur Callisto.
Du côté de ses caractéristiques, Themis est un engin de 30 mètres de haut et 3,5 mètres de diamètre. Il est composé d’un seul étage (il a vocation à être la base technologique d’un futur premier étage qui sera intégré dans un lanceur opérationnel) et s’appuie sur trois moteurs Prometheus. Son réservoir est capable d’accueillir 130 tonnes d’un mélange d’oxygène liquide et méthane.
(mise à jour mi-janvier 2021)
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