« Une protection anti-ondes sous la forme d’un duo bienveillant » : c’est ainsi que Petit Bateau a fait la promotion, le 26 juin dernier, d’un bonnet et d’une couverture qui rejoignaient le reste de sa collection de vêtements pour bébés. Dans une publication sur Facebook, la marque a accompagné ce spot publicitaire, qui dure une vingtaine de secondes, d’un hashtag #bebeenmodeavion.
La communication du groupe repose sur l’idée que de tels vêtements ou accessoires, enfilés sur un bébé, permettraient de l’isoler efficacement contre les ondes Wi-Fi. Les risques prétendument associés à ces ondes seraient alors limités. 99,5 % des ondes « émises par la wifi [sic] et les objets connectés » seraient bloquées par ces équipements, avance Petit Bateau.
« Des études le montrent » : quelles études ?
L’efficacité de ces accessoires pour lutter contre les ondes a rapidement été mise en doute. Interpellée sur Twitter, la marque Petit Bateau a répondu que « des études montrent que l’exposition quotidienne aux ondes notamment durant la grossesse et la petite enfance pourrait avoir un impact sur le développement de l’enfant ». À quelles études la société fait-elle référence ? Il s’agit d’un rapport de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation), publié en juin 2016. Ce document s’intéresse à « l’exposition des enfants aux radiofréquences ».
Dans cette étude, l’Anses incite à faire « un usage modéré et encadré des technologies sans fil » car les enfants sont plus fragiles que les adultes du fait de leur croissance : ils ont des «spécificités morphologiques et anatomiques », comme « leur petite taille » ou leur poids, par exemple. Leurs « aires cérébrales les plus proches de la boîte crânienne » pourraient être davantage exposées que celles des adultes. « Pour toute personne de taille inférieure à 1,30 m, les valeurs limites d’exposition réglementaires sont moins adaptées », note l’Anses.
Que valent les (très onéreux) vêtements anti-ondes ?
Deux ans après la publication du rapport auquel se réfère Petit Bateau, l’Anses s’est intéressée à un autre sujet : une étude sur l’hypersensibilité électromagnétique publiée en mars 2018 s’attarde sur l’efficacité des vêtements et accessoires « anti-ondes ». Le document montre que cette tendance n’est pas nouvelle et que tous ces produits ont un point commun : ils sont « présentés, de manière plus ou moins argumentée, comme des dispositifs qui procureraient aux utilisateurs de ces technologies une protection contre les champs électromagnétiques en réduisant les expositions ». Ces produits « hétéroclites » sont surtout vendus à prix d’or : environ 70 euros pour un bandeau de grossesse, 250 euros pour une veste à capuche ou encore 200 euros pour un pot de peinture anti-ondes de 5 litres.
Dépenser de telles sommes suffit-il vraiment à protéger des ondes ? « L’utilisation d’un accessoire vestimentaire (casquette, bandeau, etc) réduit faiblement et très localement l’exposition d’une personne aux champs électromagnétiques », conclut l’Anses. L’agence explique que ce sont les ouvertures dans ces produits qui ne permettent pas de « réduire l’exposition globale » d’une personne de manière efficace.
Les risques des radiofréquences sur l’enfant : possibles mais pas avérés
À l’issue de son étude de 2016, l’Anses écrivait déjà qu’en l’état actuel des connaissances, il n’est pas possible de « conclure à l’existence ou non d’effets des radiofréquences chez l’enfant » sur le comportement, les fonctions auditives, les effets tératogènes (perturbation du développement embryonnaire) et le développement, le système reproducteur, les effets cancérogènes, la toxicité systémique (une toxicité qui ne s’arrête pas aux effets provoqués par un contact entre le corps et le dispositif).
Ce rapport évoque « un effet possible des radiofréquences chez l’enfant sur les fonctions cognitives et le bien-être ». Dans le cas des fonctions cognitives, les études suivent une méthodologie « bien maitrisée » mais, pour le deuxième cas, l’Anses attire l’attention sur un risque de confusion. Les effets sur le bien-être pourraient être « liés à l’usage du téléphone mobile plutôt qu’aux radiofréquences qu’ils émettent ». Dans tous les cas, ce rapport ne conclut qu’à l’existence de risques possibles des radiofréquences sur les enfants : ce ne sont pas des effets avérés, de même qu’ils ne sont pas écartés.
Cette conclusion s’inscrit dans la continuité de ce que l’Anses écrivait déjà pour résumer un précédent rapport publié en 2013, à savoir qu’aucun effet sanitaire avéré n’a été démontré. La commercialisation des vêtements anti-ondes ne peut donc répondre qu’à un principe de précaution (comme s’en justifie d’ailleurs la marque sur Twitter). Encore faudrait-il que l’efficacité de ces accessoires soit confirmée : pour l’instant, l’Anses la met sérieusement en doute.
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