La première image d’un trou noir pourrait aider à mieux cerner la matière noire. Des scientifiques l’ont expliqué dans un article de la revue Physical Review Letters, publié le 10 juillet 2019. La façon dont tournerait M87*, le premier trou noir photographié, permet aux chercheurs de fixer de nouvelles limites de la masse que pourrait avoir la matière noire, résume un communiqué.
L’existence de la matière noire (aussi appelée matière sombre) est un postulat : cette matière invisible serait présente dans l’univers. Sa présence a été supposée pour expliquer la stabilité des galaxies : ces dernières tournent si vite qu’elles devrait se défaire, comme l’explique le CERN (le laboratoire européen pour la physique des particules). La matière invisible donne certainement aux galaxies la masse dont elles ont besoin pour rester stables. La nature de cette matière est sujette à de nombreux débats. L’un des modèles, dit de la « matière noire ultra-légère » (FMD, pour « Fuzzy Dark Matter »), postule que la masse de la matière est particulièrement faible. C’est de ce scénario dont il est question dans cette nouvelle étude.
Que peut encore nous apprendre cette image ?
Les trous noirs, eux, sont des objets célestes « à la fois simples et mystérieux », comme le rappellent les auteurs. Un trou noir est une zone de l’espace très dense : son champ de gravitation est si intense qu’aucune matière qui y pénètre ne peut s’en échapper, pas même la lumière. En avril dernier, l’un de ces objets a été imagé pour la première fois : on a enfin vu le halo du trou noir supermassif M87*, qui se trouve au centre de la galaxie Messier, à 55 millions d’années-lumières de nous. L’objet a été photographié par un vaste réseau de télescopes, l’Event Horizon Telescope ou EHT (les données récoltées étaient si lourdes qu’il a fallu les transporter en avion).
Ce sont les résultats obtenus par l’EHT que les auteurs de la nouvelle étude ont mobilisés. Avec une estimation de la vitesse de rotation du trou noir M87*, ils ont cherché à étudier ce qu’on appelle la superradiance, un rayonnement lumineux émis par des atomes.
Une « sonde » pour étudier la matière noire
Revenons aux trous noirs. Géométriquement, un trou noir est délimité par une frontière appelée l’horizon des événements. C’est le point de retour au-delà duquel rien ne peut sortir. En dehors de cette région, on trouve une autre zone appelée l’ergorégion (chez les trous noirs en rotation, car tous ne tournent pas). À cet endroit, la rotation du trou entraîne l’espace et la matière. Des particules de cette zone peuvent s’échapper, emportant avec elles de l’énergie du trou noir en rotation. C’est un processus de superradiance et c’est grâce à lui que les scientifiques ont cherché à étudier les caractéristiques de la supposée matière noire. Les trous noirs peuvent servir de « sonde » pour mieux comprendre l’état de cette matière.
Le trou noir devrait tourner plus lentement
L’émission de ces particules peut ralentir la vitesse de rotation d’un trou noir, expliquent les auteurs. « Si ce processus peut se produire, il le fera, quoiqu’il advienne. Si un trou noir est mesuré avec une rotation importante, vous pouvez en déduire que ce processus ne peut pas se produire », résume Peter B. Denton, physicien au laboratoire national de Brookhaven et co-auteur de l’étude, sur Twitter. Or, la photographie de M87* permettrait d’estimer que sa vitesse de rotation est élevée : les chercheurs concluent donc qu’il faut revoir les modèles actuels de la matière noire ultra-légère. Si elle pouvait être aussi massive que le prévoie la théorie, M87* devrait tourner plus lentement, à cause du phénomène de superradiance.
Autrement dit, cette étude contribue à resserrer la « plage de masse théorique de la matière noire ultra-légère », vulgarise le communiqué. Cependant, l’étude présente une limite : les données de l’EHT n’ont pas permis d’estimer précisément la vitesse de rotation de M87*. C’est une étude publiée en avril qui a estimé que cette rotation est très proche de la vitesse maximale possible (environ 270 000 kilomètres par seconde, la vitesse maximale possible étant celle de la lumière). Les scientifiques ne se basent donc que sur des estimations. Ils espèrent néanmoins que d’autres mesures de la rotation de M87*, ou d’autres trous noirs supermassifs, aideront à cerner encore plus précisément la masse de la matière sombre.
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