Si les astronautes sont les héros et les héroïnes de l’exploration spatiale, sur le devant de la scène, leur aventure n’est possible que grâce au travail passionné et acharné de centaines, voire de milliers, d’autres personnes autour du monde.
Numerama est parti à la rencontre de deux ingénieures et un ingénieur des opérations spatiales : Mason Hall, Andrea Boyd et Anita Sengupta. Les deux premiers sont des « flight controllers », qui s’occupent de superviser tout ce qui concerne le vol des astronautes, tandis que la troisième dirige la conception d’instruments d’exploration.
Andrea Boyd : la supervision en temps réel
La Station spatiale internationale est l’affaire de plusieurs nations, les équipes d’ingénieurs ne sont pas toutes de la Nasa. Andrea Boyd est flight controller à l’Agence spatiale européenne (ESA). Elle est ingénieure en mécatronique spécialisée dans les opérations de l’ISS, mais elle est également ingénieure biomédicale pour l’équipage européen.
Dans son travail quotidien, elle gère constamment les interactions entre le sol et les astronautes. Son rôle est de « représenter l’équipage de la station dans la salle de contrôle, mais aussi représenter les scientifiques et ingénieurs au sol auprès de l’équipage ».
Chaque jour, elle s’enregistre sur la console, se connecte à ses collègues en Europe et dans le monde. Puis, en temps réel, elle supervise les opérations spatiales en relation directe et permanente avec les astronautes. « Nous opérons de nombreuses expériences, ensemble, avec l’équipage », explique l’ingénieure. Elle doit également s’assurer du respect des calendriers et de la finalisation des charges destinées à servir aux activités spatiales.
Andrea Boyd est une « trekkie », fan inconditionnelle de la franchise Star Trek. Pour elle, il ne fait aucun doute que « la Station spatiale spatiale est ce qui se rapproche le plus de Starfleet. C’est vraiment au-delà de la politique et de ce qu’il se passe au sol ». Chez les ingénieurs, la communication entre collègues autour du monde est « ouverte », qu’importe les nationalités. « On se fait tous confiance pour aider les humains dans l’espace à faire avancer la science pour que cela soit bénéfique à tous les autres humains sur Terre ».
Dans son métier, il faut énormément de sang froid pour faire face aux événements imprévus et aux alarmes soudaines. Mais heureusement, l’entraînement évite de paniquer : « Pour les alarmes, nous avons passé tellement d’heures dans des simulations et des entraînements que tout le monde reste calme et applique les procédures. C’est une caractéristique des flight controllers ».
Andrea Boyd se rappelle d’un « bon moment à la ‘MacGyver’ », où il a fallu « trouver une solution précaire pour sauver une toute nouvelle expérience », à savoir « retirer un boulon collé, à l’aide d’une crème à raser et d’une scie ». Être flight controller, c’est en effet « être capable de trouver une solution pour n’importe quoi tout en respectant les procédures », confie-t-elle à Numerama.
Mason Hall : accompagner les expériences des astronautes
L’un des lieux clés de l’exploration spatiale se situe en Alabama, aux États-Unis : le Payload Operations and Integration Center (POIC). C’est ici que s’organisent la préparation et l’acheminement des charges utiles sur la Station spatiale internationale (ISS), c’est-à-dire tout le matériel nécessaire aux expérimentations scientifiques et aux activités commerciales à bord.
Mason Hall est l’ingénieur en chef du POIC, chargé de superviser tous les changements apportés aux systèmes embarqués sur la station et aux réseaux de communication espace-sol. Il a récemment mené à bien le projet Ku-600. « Ce projet double la quantité de données que nous pouvons recevoir depuis la station spatiale, nous explique-t-il. Avec mon équipe, nous devions nous assurer que tous les systèmes au sol étaient prêts à recevoir ces données et à les redistribuer ».
Au POIC, les flight controllers tels que Mason Hall font un suivi de A à Z des missions. Ils doivent s’assurer que les charges utiles sont complètes, fonctionnelles et sécurisées pour le jour de l’envol. Cette supervision constante des missions se fait en temps réel durant les opérations spatiales sur l’ISS, mais aussi très en amont avec un travail de préparation, de coordination et de vérification.
« Cela implique de s’assurer que l’équipage est entraîné et prêt ; que l’énergie et les connexions de données fonctionnent correctement ; que toutes les procédures de sécurité ont été suivies ; que le matériel de la charge fonctionne correctement », illustre Mason Hall. Son équipe doit aussi s’assurer en permanence que les communications entre les astronautes et le centre de contrôle ne font face à aucune défaillance — là encore, c’est une question de sécurité.
Avec autant de responsabilités, et la vie des astronautes en jeu, ce métier est stressant. Mais les difficultés n’empêchent pas d’avoir des étoiles plein les yeux. « L’un des moments les plus mémorables de ma carrière s’est déroulé un soir alors que je travaillais dans le centre de contrôle de l’ISS, se souvient Mason Hall. Je regardais l’équipage travailler au sein de la station spatiale, mais je regardais aussi la beauté de la Terre via les caméras externes ».
Quelques instants plus tard, la nuit tombée, il sort du centre pour marcher en plein air et surtout pour lever les yeux aux ciels… Et regarder le petit point brillant de l’ISS. « J’ai réalisé que je connaissais les 6 personnes qui vivaient dans cette étoile brillante dans le ciel et que je jouais mon petit rôle dans cet incroyable voyage qu’est la Station spatiale internationale ». Ce genre de moments lui font « vraiment aimer [son] travail ».
Anita Sengupta : la conception des instruments
De son côté, Anita Sengupta n’est pas en lien avec les astronautes : elle s’occupe de l’invention, de la conception et du pilotage des instruments. Elle a même joué un rôle de premier plan sur la mission d’exploration du rover martien Curiosity.
« J’ai dirigé le développement et la finalisation du parachute supersonique [de 21 mètres de diamètre], qui faisait partie du système d’entrée et d’atterrissage pour poser le rover en toute sécurité à la surface de Mars », dévoile Anita Sengupta. Cette invention technologique était alors révolutionnaire et elle sera réutilisée pour le rover Mars 2020. Autant dire que le travail d’Anita Sengupta a donc laissé une sacrée trace dans l’exploration spatiale.
Toujours au sein du même programme spatial de la Nasa, elle a dirigé la recherche visant à mieux comprendre les « effets du panache de fumée sur le rover et sur le site d’atterrissage, juste avant que le contact avec la surface de Mars ». Cette expérience parmi l’équipe de Curiosity l’a énormément marquée, c’était une « énorme responsabilité en plus d’être très complexe ».
Anita Sengupta a l’habitude des missions de haut vol. Pendant sa thèse, elle a supervisé la qualification opérationnelle (le processus de finalisation) du moteur ionique installé sur la sonde spatiale Dawn. De 2012 à 2017, elle a également travaillé pour l’ISS. Son rôle : diriger le développement du Cold Atom Laboratory. Il s’agit d’un instrument destiné à des expériences de physique quantique utilisant la microgravité de la station spatiale. Le but : générer par laser des atomes ultra-froids appelés condensats de Bose-Einstein.
« Les exigences étaient complexes et sensibles face aux vibrations et au champ magnétique de l’ISS, se rappelle Anita Sengupta. Nous avons atténué ces problèmes par une conception structurelle sophistiquée, un blindage magnétique, des lasers à fibre optique et des lasers à couplage optique ».
Anita Sengupta s’est maintenant éloignée du secteur spatial, mais ses travaux concernent toujours autant l’avant-garde technologique, puisqu’elle est vice-présidente senior des systèmes d’ingénierie de Virgin Hyperloop, l’une des principales entreprises à développer le projet d’un train supersonique.
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