De la vapeur d’eau a été détectée dans l’atmosphère de l’exoplanète K2-18 b, située à 110 années-lumière de notre Terre. Le 11 septembre 2019, la Nasa a fièrement annoncé cette découverte dans un communiqué : pour la première fois, des scientifiques ont repéré cette vapeur d’eau sur une planète située dans la zone habitable de son étoile. Mais a-t-on vraiment détecté des « signes de vie en dehors de notre système solaire » comme on a pu l’entendre ?
« Ce n’est pas un signe de vie »
Aucun signe de vie n’a été détecté par les scientifiques sur K2-18 b, assure Hervé Cottin, astrochimiste, enseignant à l’université Paris-Est Créteil et chercheur au Laboratoire Interuniversitaire des Systèmes Atmosphériques (LISA) contacté par Numerama. « L’observation qui a été faite à partir du télescope Hubble est une première dans la manière de traiter les données, nous explique le spécialiste. C’est une prouesse d’avoir extrait le signal de la vapeur d’eau dans l’atmosphère de l’exoplanète. Mais il y a une dérive dans le fait de tirer le filon de cette idée de première fois, jusqu’à parler de la possibilité de vie. Ce n’est pas un signe de vie. Ce n’est pas non plus la première fois qu’on trouve de la vapeur d’eau dans une exoplanète. »
Comment expliquer l’emballement suscité par cette découverte ? Le scientifique nous explique que l’expression de « zone habitable » a pu y contribuer. « En théorie, cette planète est dans la zone habitable de son étoile, c’est-à-dire la zone où elle pourrait potentiellement avoir de l’eau liquide à sa surface, poursuit Hervé Cottin. Si l’exoplanète est trop près de son étoile, il fera trop chaud pour espérer qu’elle ait de l’eau liquide. Là, c’est la première détection de vapeur d’eau dans l’atmosphère d’une planète de la zone habitable. »
« C’est une mini-Neptune »
Si l’on s’intéresse à la nature de cette planète, on s’aperçoit que K2-18 b ressemble davantage à une sorte de petite Neptune qu’à une grosse Terre. « Il y a une frontière entre ce qu’on appelle les super-Terre (des planètes qui sont un peu plus grosses que la Terre) et les mini-Neptune », nous indique l’astrochimiste. Comment fait-on la différence entre les deux ? « On regarde la densité de la planète, c’est-à-dire le rapport entre sa masse et sa taille. Or, les données de l’étude classent plutôt K2-18 b dans la catégorie des mini-Neptune. C’est une mini-Neptune dans la zone habitable. Le simple fait qu’on soit capable de faire des mesures dans cette atmosphère indique que c’est une mini-Neptune », fait remarquer Hervé Cottin.
Comme d’habitude lors d’une découverte astronomique, les observations ont été présentées dans une revue scientifique, Nature Astronomy. Or, les auteurs de ces travaux n’étaient pas les seuls à travailler sur le même sujet, comme l’indique un autre texte publié sur la plate-forme arXiv.org le 10 septembre. Les données du télescope spatial Hubble, qui ont permis de faire cette découverte, sont publiques.
L’une des deux équipes a visiblement été plus rapide pour traiter les données et les publier dans une revue reconnue — poussant l’autre équipe de chercheurs à pré-publier son propre texte sur une archive ouverte, sans passer par un comité de lecture. Dans une certaine mesure, cette course à la recherche scientifique a pu contribuer à l’emballement autour de cette découverte.
« L’article publié dans Nature Astronomy offre un beau traitement de données sur lequel on ne peut pas discuter, reconnaît Hervé Cottin. Mais il y a un emballement. On dit que l’exoplanète fait 8 fois la taille de la Terre mais on laisse volontairement flou le fait qu’il s’agisse d’une mini-Neptune et pas d’une super Terre. Les communiqués jouent sur la confusion entre le fait que la planète soit dans une zone habitable et le fait que ce serait une planète potentiellement habitable. » Pour qu’une planète soit potentiellement habitable, il faut y trouver de l’eau liquide en surface. « Pour K2-18 b, en théorie il n’y a pas d’eau liquide donc elle n’est pas potentiellement habitable », énonce le scientifique.
Même l’eau liquide ne signifie pas forcément la vie
Même dans le cas où l’on parviendrait à détecter de l’eau liquide sur une exoplanète située dans une zone habitable, il faut rester prudent avant de parler de signe de vie. « N’oublions pas non plus que rien ne dit que s’il y a de l’eau liquide quelque part, il y a forcément de la vie, souligne Hervé Cottin. On présume qu’il faut probablement de l’eau liquide pour que la vie apparaisse, ainsi que de la matière organique et de l’énergie. Mais on ne peut pas affirmer que si ces 3 éléments sont combinés, on aurait à tous les coups de la vie. C’est un axiome : une proposition qui n’est pas démontrée mais qui fonde un raisonnement. »
L’astrochimiste a eu l’idée d’un nouveau mot pour désigner cette confusion qui peut accompagner la publication d’un résultat scientifique : « J’ai eu l’idée du mot exobiowashing car ça m’a fait penser au greenwashing, quand on veut rendre ‘écolo’ un sujet pour le rendre plus sexy pour le public. Oui, le résultat est intéressant mais, non, il ne nous rapproche pas du tout de la découverte de la vie. On est loin d’un ‘signe de vie’, il n’y a rien d’extraordinaire à ce qu’il y ait de la vapeur d’eau dans l’atmosphère d’une exoplanète. Que l’on soit capable de la détecter depuis la Terre, par contre, c’est prometteur », conclut-il.
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