Les capacités exceptionnelles des tardigrades s’expliquent entre autres par une protéine spécifique : Dsup. Des chercheurs ont enfin percé son mécanisme, ainsi que sa potentielle raison d’être.

Les tardigrades n’ont peut-être pas une apparence très glamour, mais ils font partie des êtres les plus fascinants sur Terre. En plus de leur petite taille (moins d’un millimètre), ils sont extrémophiles : ils ont la capacité de survivre même dans les conditions les plus extrêmes, là où tant d’autres espèces mourraient. Une étude conduite par l’Université de Californie à San Diego, et publiée dans eLife le 1er octobre 2019, apporte un nouvel éclairage sur les « super-pouvoirs » de ces oursons d’eau. Les conclusions de l’étude permettent d’attester l’existence d’un bouclier qui se forme autour des cellules.

La capacité de résistance des tardigrades est particulièrement large : les températures extrêmes (du quasi-zéro absolu jusqu’à 150 degrés), les radiations les plus fortes, le vide spatial et toutes sortes de produits chimiques toxiques. Lors d’une expérience scientifique, des tardigrades ont été réveillés sans problème après avoir été congelés plus de trente ans à -20 degrés. Il se pourrait même que ces petits êtres puissent survivre dans l’environnement hostile de la Lune. Les tardigrades semblent presque indestructibles.

Les tardigrades peuvent résister aux radiations, au vide spatial et au froid extrême. // Source : Aditya Sainiarya

Les tardigrades peuvent résister aux radiations, au vide spatial et au froid extrême.

Source : Aditya Sainiarya

Un « bouclier » intégré

Évidemment, ces capacités extraordinaires intéressent les scientifiques, qui enquêtent ardemment sur les raisons d’une telle résistance. Les recherches ont débouché sur la découverte, en 2016, de Dsup — contradiction de damage suppressor. Cette protéine développée exclusivement par les tardigrades empêche que l’ADN soit endommagé par les radiations. Des expérimentations ont permis de constater que ce gène peut également être appliqué sur des cellules humaines cultivées en laboratoire.

Le fonctionnement de Dsup était resté sans réponse jusqu’à maintenant. Grâce à une analyse biochimique, la voile vient de se lever. La protéine des tardigrades s’attache à la chromatine (substance contenant le matériel génétique dans le noyau cellulaire), puis elle forme autour un « nuage protecteur ». Ce dernier protège l’ADN des radicaux hydroxyles, atomes générés par les rayons X.

Ce bouclier n’est pas originellement destiné à protéger des radiations

Mais dans le communiqué de l’université, les chercheurs précisent que ce bouclier n’est pas originellement destiné à protéger des radiations. Ce serait plutôt le résultat d’une évolution adaptative au milieu dans lequel les tardigrades évoluent. Leurs habitats terrestres sont faits de mousse et, lorsque celle-ci s’assèche, elle produit les fameux radicaux hydroxyles. Pour faire face, les tardigrades ont développé un mécanisme de survie : ils entrent dans un état d’anhydrobiose. En clair, par réaction à la déshydratation, leur métabolisme se met en pause, les fonctions vitales sont suspendues. Le nuage protecteur intervient au sein de ce mécanisme.

Percer les secrets des tardigrades n’est pas dénué de but médical. Selon les chercheurs de l’université de Californie, des applications sont possibles à l’être humain. La protéine Dsup pourrait potentiellement être utilisée sur toute une variété de cellules, dans le but de protéger l’ADN. « Dsup pourrait trouver toute une série d’applications, comme dans les thérapies cellulaires et dans les diagnostics où une meilleure survie des cellules est bénéfique », conclut le biologiste James Kadonaga, co-auteur de l’étude.

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