Est-il possible d’implanter des souvenirs qui n’ont en réalité jamais existé ? Ce principe rejoindrait le concept d’« inception », popularisé à travers le film éponyme de Christopher Nolan. L’inception consiste à intégrer dans l’esprit de quelqu’un une idée qui n’y était pas à l’origine. Bien que l’on soit très loin de la réalité cinématographique, des scientifiques ont implanté de faux souvenirs chez des oiseaux. Et dans les conclusions publiées le 4 octobre 2019 dans Science, ils expliquent que cette procédure a permis aux volatiles d’apprendre à chanter.
L’étude se penche sur une espèce d’oiseaux en particulier : le diamant mandarin. Ce dernier apprend à chanter par la pratique, en mémorisant ce qu’ils entendent de leurs géniteurs, puis en le répliquant progressivement. Cet apprentissage se déroule dans une région précise du cerveau des oiseaux, nommée HVC (pour high vocal center). Et cette zone est elle-même alimentée par le cortex moteur, qui envoie des informations au HVC.
Pour procéder à une « inception », les chercheurs ont utilisé la méthode optogénétique, consistant à stimuler des cellules spécifiques grâce à la lumière. Par ce biais, ils ont pu influer sur l’activité neuronale pour manipuler les informations transmises au HVC, la fameuse région où se fait l’apprentissage du chant.
Apprendre à chanter par « inception »
L’équipe de recherche, basée à l’école médicale de l’université du Texas, est spécialisée sur la façon dont la mémoire change le comportement, que ce soit sur les interactions sociales ou la parole. Avec cette expérience, ils espéraient ainsi mieux comprendre ce lien — pour éventuellement en trouver des applications médicales destinées aux humains.
Ils ont inséré un encodage de souvenirs dans le cerveau d’un groupe d’oiseaux n’ayant aucune expérience d’apprentissage par imitation. Et le résultat est une réussite. Les petits sujets à plumes ont pu apprendre à chanter par l’implantation de syllabes, ou plus précisément de leur durée. Les longueurs de note correspondaient au niveau de lumière reçue (par la technique optogénétique). En clair, plus les neurones étaient longuement activés en recevant de la lumière, plus longue était la note apprise, et inversement.
Si les chercheurs se sont concentrés sur le circuit neuronal des longueurs de note, ils estiment qu’en perfectionnant la méthode, il est tout à fait envisageable d’influer sur d’autres circuits, comme la hauteur des notes. En procédant à la fameuse « inception » dans plusieurs circuits, il est potentiellement possible d’intégrer la mémoire d’un seul et même chant complet.
L’étude met en lumière une autre découverte. À la fin du processus d’apprentissage, les scientifiques ont coupé la communication entre le cortex moteur et le high vocal center : résultat, l’oiseau pouvait malgré tout chanter à partir des syllabes apprises. Cette constatation signifie qu’une fois les souvenirs formés, ils sont stockés dans une autre zone. Il reste encore de nombreuses explorations à conduire pour tout comprendre au mécanisme.
Comme l’indique le communiqué des résultats de l’étude, mieux comprendre la relation neuronale entre la mémoire et le comportement pourrait faire avancer la recherche médicale sur les troubles de la parole. Cela permettrait effectivement de viser des gènes essentiels endommagés pour les réparer ou reconstruire les circuits. Les oiseaux de l’espèce diamant mandarin ont été choisis pour cette expérience justement parce que leurs étapes d’apprentissage par imitation sont similaires à ce que l’on retrouve chez l’être humain.
Sur le sujet des troubles de la parole : découvrez notre reportage sur Euphonia, une technologie de reconnaissance vocale qui pourrait changer la vie des personnes handicapées.
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