On connaissait déjà l’existence de Virgo en Italie et Ligo aux États-Unis. Dorénavant, il faudra aussi compter sur Kagra au Japon pour la détection des ondes gravitationnelles qui se propagent à travers l’espace-temps à la vitesse à la vitesse de la lumière. En effet, le pays du Soleil levant est en train d’achever la construction d’un nouvel observatoire dans son sous-sol pour traquer ces oscillations spatiales.
Où se trouve le nouvel observatoire ?
Le détecteur a été installé au Japon dans le centre du pays, non loin d’un village qui se nomme Kamioka. C’est d’ailleurs cette bourgade qui a façonné le nom de l’installation, car il s’agit en fait un acronyme signifiant « KAmioka GRAvitational wave detector », soit le détecteur d’ondes gravitationnelles de Kamioka. L’observatoire se trouve à proximité d’une autre installation dédiée aux neutrinos : Super-Kamiokande.
De prime abord, il peut sembler tout à fait paradoxal de construire un équipement aussi pointu dans un pays régulièrement frappé par de puissantes catastrophes naturelles, à commencer par les séismes et les typhons. Pour surmonter cette difficulté, l’institut pour la recherche sur les rayons cosmiques de l’université de Tokyo, en accord avec les autorités, a opté pour une installation sous terre.
D’après le CNRS, qui participe à la traque des ondes gravitationnelles, l’enterrement de Kagra (Virgo et Ligo, eux, se trouvent en surface) présente deux avantages : d’abord, il permet à l’instrument d’échapper aux tempêtes qui pourraient balayer la surface. Rien de bien surprenant jusqu’ici. En revanche, l’autre raison est moins intuitive: le dispositif serait ainsi protégé des vibrations sismiques.
Quand on connait la sismicité du Japon ainsi que la position des lignes tectoniques qui traversent le Japon et la localisation de Kagra face aux mouvements des plaques, il y aurait des raisons légitimes de douter : à la moindre secousse, on pourrait craindre un effondrement de la mine dans laquelle est installé l’observatoire ou qu’elle désaxe ou abime les instruments de mesure.
Mais selon une actualité de la revue Nature, la principale menace qui pèse sur Kagra n’est pas un séisme mais… la fonte des neiges. La roche composant le sous-sol de la région est poreuse et facilite l’infiltration de l’eau. La situation est telle qu’il a fallu ajouter un revêtement étanche et un système de pompe qui peut évacuer 1 000 tonnes d’eau par heure ! Une situation qui nécessitera peut-être l’arrêt provisoire de Kagra.
Quand entrera-t-il en fonctionnement ?
Sa mise en route opérationnelle est imminente. Le CNRS indique que l’installation est « presque prête » et qu’elle doit rejoindre au mois de décembre 2019 « la prise de données O3 qui a démarré le 1er avril dernier et à laquelle participent déjà Virgo et les deux détecteurs LIGO ». Cette campagne d’observation, la troisième, doit durer un an et bénéficie d’améliorations pour la sensibilité des détecteurs.
La construction de Kagra aura mis pratiquement dix ans, le chantier ayant démarré en 2010. L’installation elle-même a une forme de « L », avec chacun des bras mesurant 3 kilomètres de long. Comme pour Ligo et Virgo, c’est en faisant circuler un laser infrarouge dans chaque bras de l’installation qu’il est possible de détecter une onde gravitationnelle, en détectant toute variation entre les lasers de chaque bras.
Particularité de Kagra par rapport à Ligo et Virgo, la présence de miroirs fonctionnant à une température cryogénique, c’est-à-dire inférieure à -150°C, de façon à « diminuer le bruit thermique – l’un des facteurs limitant la sensibilité des interféromètres », précise le CNRS. Il s’agit-là d’une « avancée significative » dans ce secteur de la recherche, qui sera utile pour la prochaine génération des détecteurs.
En attendant, poursuit le CNRS, ce nouvel instrument va améliorer la localisation des sources d’ondes gravitationnelles dans l’univers et la compréhension des caractéristiques des signaux détectés. En effet, en fonctionnant avec Ligo et Virgo, Kagra permettra de trianguler des évènements et savoir plus précisément d’où ils viennent et déterminer avec plus de certitude leur nature.
Afin de maximiser les chances de détection des oscillations dans l’espace-temps, un protocole d’accord a été signé le 4 octobre 2019 entre les trois observatoires. Le texte « encadre leur collaboration scientifique », en ouvrant la voie aux recherches communes, au partage des données scientifiques et à l’élargissement futur de la collaboration, en cas d’arrivée de nouveaux partenaires.
Que sont les ondes gravitationnelles ?
Les ondes gravitationnelles correspondent à des oscillations de la courbure de l’espace-temps. Pour faire une analogie simple à saisir, elles se propagent un peu comme les vaguelettes qui s’étendent à la surface d’un lac quand on y jette une pierre. Sauf que là, elles ne se propagent pas que sur un plan (la surface du lac, en somme), mais dans toutes les directions à la fois.
Ces oscillations ont été théorisées il y a un siècle par Albert Einstein dans le cadre de la théorie de la relativité générale. Toutefois, du fait de leur vitesse de propagation (elles filent à la vitesse de la lumière) et de la très faible intensité de la gravitation, elles demeurent très difficiles à détecter. Ce n’est que le 14 septembre 2015 qu’une vibration a été enregistrée par les chercheurs de la collaboration Ligo-Virgo .
Et c’est parce que l’intensité des ondes gravitationnelles est très faible qu’il a fallu guetter un évènement exceptionnel pour les repérer sur les instruments : en l’espèce, c’est la fusion de deux trous noirs, situés à 1,3 milliard d’années-lumière (ce qui veut dire qu’elles ont voyagé dans l’espace plus d’un milliard d’années à la vitesse de la lumière !) et pesant chacun une trentaine de masses solaires, qui en est la cause.
Depuis cette date, plusieurs autres détections ont eu lieu. L’immense majorité concerne des fusions de trous noirs — le terme exact est coalescence –, mais il y a aussi eu une fusion de deux étoiles à neutrons. Ces astres ont la particularité d’avoir des dimensions très réduites et une densité très élevée, à la suite de leur effondrement, causée par la fin de leur combustion nucléaire, qui compensait jusqu’alors leur propre poids.
Il existe également plusieurs autres détections dont l’origine n’a pas été confirmée avec certitude — notamment des fusions hybrides entre un trou noir et une étoile à neutrons par exemple –, car les mesures ont peut-être été parasitées par un évènement terrestre. D’ailleurs, il est arrivé à quelques reprises que des observations aient dû être infirmées, après une erreur d’analyse.
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