La fumée de cigarette électronique peut-elle provoquer des maladies graves ? C’est la vaste question à laquelle essaient de répondre de plus en plus d’études sur le vapotage. La plus récente date du 7 octobre 2019 publiée dans le PNAS (de l’Académie des Sciences aux États-Unis), et affirme avoir observé que « la fumée de cigarette électronique cause des adénocarcinome pulmonaire [une tumeur, ndlr] et une hyperplasie de l’urothélium de la vessie chez les souris ».
Les chercheurs de l’université de médecine de New York* ont exposé 40 souris à de la fumée de cigarette électronique provenant de produits contenant de la nicotine, pendant un an. Parmi elles, 9 ont développé des adénocarcinome pulmonaires, qui sont des tumeurs malignes (soit 22,5 % des sujets observés), et 57,5 % ont développé une hyperplasie (une augmentation anormale du nombre de cellules dans un organe ou tissu) de la vessie. À l’inverse, ces lésions étaient « extrêmement rares » sur les sujets-témoins exposés uniquement à l’air (une souris sur 18 a développé une tumeur maligne), ainsi que sur les sujets exposés à de la vapeur d’e-cigarette sans nicotine (0 sur 18).
Pour réaliser cette étude, les 40 souris ont été exposées à de la fumée de cigarette électronique venant d’un produit à haute concentration de nicotine, 36mg/ml (en France, la limite est fixée à 20mg/ml, mais outre Atlantique elle peut aller jusqu’à 50mg/ml), à raison de 4 heures par jour, 5 jours par semaines, pendant 54 semaines.
L’étude a forcément des limites : d’une, elle ne concerne que des souris, et les auteurs savent que « les modèles d’expériences sur des animaux concernant la cancérogénicité de la nicotine » sont « controversés » car ne fournissent souvent pas des résultats similaires. De facto, elle ne tire pas de conclusions assurées sur les risques de la fumée de cigarette électronique sur les humains. « Notre étude montre que les e-cigarettes sont cancérogènes chez les souris », résume Moon-Shong Tang, professeur et premier auteur de l’étude, auprès du site Inverse.
De l’autre, les souris ont été enfermées pendant 4 heures non-stop par jour et entourées de fumée d’e-cigarette, ce qui est un environnement bien plus « chargé » que des conditions d’utilisation classique de ce produit.
Les débats autour de la cigarette électroniques sont complexes
« Alors que l’on sait très bien que la fumée de cigarette est une énorme menace pour la santé des êtres humains, on ne sait pas encore si la fumée de cigarette électronique présente des risques pour les humains, c’est pour cela qu’il faut investiguer ça de très près.» La dernière phrase du résumé de l’étude pose les bases importantes pour comprendre la complexité du sujet.
La cigarette est un fléau (7 millions de personnes meurent chaque année) et, par comparaison, la cigarette électronique est, à ce jour, unanimement considérée comme beaucoup moins dangereuse. Mais alors que le vapotage est devenu une pratique répandue depuis une dizaine d’années, les études sur les conséquences sur la santé sont toujours infimes, ce qui pose problème. Aujourd’hui encore, le discours majoritaire est que « la cigarette électronique est 95 % moins dangereuse que la cigarette », comme l’a répété le ministère de la Santé britannique fin 2018. Mais cela n’explique pas les potentielles conséquences du vapotage sur la santé.
« Ce problème mérite des études plus poussées dans le futur.»
Depuis quelques mois, certaines autorités commencent à s’inquiéter. L’OMS a affirmé au détour d’un rapport publié à l’été 2019 que la cigarette électronique était « incontestablement nocive », mais sans pouvoir citer aucune preuve concluante, faute d’études sur le sujet. Aux États-Unis, où l’e-cigarette JUUL a été plébiscitée par un très jeune public, Donald Trump a lancé une offensive sans précédent sur les cigarettes électroniques, ordonnant l’interdiction de tous les produits aromatisés sauf goût tabac. Les raisons de ce bannissement restent pourtant floues : il s’agirait avant tout d’endiguer le vapotage chez les non-fumeurs et chez les adolescents. De même, un millier de cas de maladie des poumons a été recensé aux États-Unis en quelques mois, mais il s’agirait très majoritairement de maladies liées à du vapotage de produits à base de THC, illégaux ou modifiés. 3,2 % de la population adulte américaine vapoterait.
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L’étude de Moon-shong Tang et son équipe s’inscrit donc dans un paysage complexe, et ses auteurs le savent. C’est ainsi qu’ils concluent : « Il convient de noter que la fumée de cigarette est l’agent le plus dangereux auquel sont exposés les humains et que la fumée de cigarette électronique pourrait, ou ne pourrait pas, être un danger pour eux. Le public ne doit pas penser que les risques sont similaires. Nos données suggèrent simplement, en se basant sur des expériences et des modèles, que ce problème mérite des études plus poussées dans le futur.»
* La liste complète des auteurs est : Moon-shong Tang, Xue-Ru Wu, Hyun-Wook Lee, Yong Xia, Fang-Ming Deng , Andre L. Moreira, Lung-Chi Chen , William C. Huang et Herbert Lepor
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