Une planète habitable pourrait-elle exister en orbite autour d’un trou noir supermassif ? Le physicien Jeremy David Schnittman, membre du Nasa Goddard Space Flight Center, a tenté de répondre à cette question dans une étude publiée le 24 septembre sur arXiv.org, repérée par MIT Technology Review.
La réflexion du scientifique s’inspire de l’intrigue du film Interstellar de Christopher Nolan, dans lequel (attention, cet article contient des spoilers) « une bande d’astronomes intrépides part explorer un système de planètes en orbite autour d’un trou noir supermassif, en quête d’un monde qui pourrait accueillir la vie humaine », résume-t-il. Est-ce vraiment possible ? Dans son étude, Jeremy D. Schnittman s’intéresse à des « effets astronomiques supplémentaires » pour savoir si une planète habitable tournant autour d’un trou noir peut exister.
Si le Soleil pouvait devenir un trou noir, la vie serait-elle finie sur Terre ?
Parmi les nombreuses questions que suscitent ces objets célestes, l’auteur souligne que l’on se demande souvent ce qui se passerait si le Soleil se transformait soudainement en un trou noir (ce qui n’est pas possible car notre étoile n’est pas assez massive). « Nous savons que la Terre ne serait pas ‘aspirée’. […] En revanche, le Soleil fournit presque toute l’énergie nécessaire pour que la vie survive sur Terre. Sans ce flux de chaleur constant, les océans gèleraient probablement en quelques jours », résume Jeremy D. Schnittman. Alors, peut-on en déduire que l’existence d’une planète habitable, en orbite autour d’un trou noir, n’est pas possible ? « Nous savons que de nombreux trous noirs astrophysiques peuvent fournir leur propre source d’énergie […]. On pourrait donc imaginer que remplacer le Soleil par un trou noir ne signifierait peut-être pas, après tout, la fin de la vie sur Terre », poursuit le chercheur.
Dans Interstellar, les humains ont identifié 3 planètes en orbite autour d’un trou noir supermassif, nommé Gargantua. Ce sont vers ces mondes que les astronautes du film sont envoyés, pour vérifier s’ils seraient bien habitables. Mais « que pourrions-nous savoir a priori sur les environnement de ces planètes, et en particulier, sur la perspective de leur habitabilité ? », se demande le scientifique de la Nasa. Il souligne plusieurs « problèmes physiques » qu’il faut considérer pour pouvoir répondre à une telle question, comme le phénomène d’accrétion (le fait que le trou noir capture de la matière avec l’effet de la gravitation) ou la relativité générale (la théorie de la gravitation d’Albert Einstein).
Comment savoir si une planète peut potentiellement être habitable ? Le sujet intéresse beaucoup la communauté scientifique, comme l’a récemment montré l’engouement pour la découverte d’une exoplanète avec de la vapeur d’eau située dans la zone habitable de son étoile. Pour qu’une planète soit habitable, on estime qu’il faut probablement de l’eau liquide à sa surface. On peut calculer « la température d’équilibre de surface d’une planète » mais ce calcul ne tient pas compte de divers processus physiques.
Plusieurs scénarios et leurs limites
Les trous noirs sont entourés d’un disque d’accrétion très chaud, constitué par la matière aspirée. Une planète en orbite autour d’un trou noir se trouverait donc dans cette zone, où elle serait exposée à d’importantes radiations. Même en réduisant le taux d’accrétion du trou noir (ce qui pourrait rendre l’environnement un peu plus favorable à l’apparition de l’eau liquide sur la planète), cela ne fonctionne pas. La planète serait quand même entourée de radiations très chaudes. De toute façon, ce scénario ne tient pas : si le taux d’accrétion est réduit, le scientifique explique que cela aurait pour effet de faire chauffer le disque d’accrétion à une température qui ne permettrait pas à l’eau liquide d’exister.
Le scientifique imagine ensuite la possibilité qu’il n’y aurait aucun phénomène d’accrétion au niveau du trou noir. Pour être habitable, il faudrait que la planète en orbite ait une autre source d’énergie. Celle-ci pourrait être le fond diffus cosmologique, un rayonnement émis 380 000 ans après le Big Bang. Il faut également tenir compte de la relativité : le temps semble ralentir pour un observateur situé près du trou noir. Interstellar le montre bien : une heure sur la planète Miller, un des mondes visités par les astronautes, correspond à 7 années sur Terre. Cette dilatation temporelle permettrait à une planète en orbite à une certaine distance du trou noir de recevoir assez de chaleur pour qu’elle possède de l’eau liquide. Mais il y aurait encore un problème : cette planète recevrait alors beaucoup trop de rayons ultraviolets.
Ce monde aurait de grandes chances d’être inhospitalier
Comme si cela ne suffisait pas, il y a encore d’autres paramètres à considérer. Par exemple, on présume qu’un trou noir supermassif se trouve en général au centre d’une grande galaxie. La densité d’étoiles est plus importante dans ce noyau galactique. « Pour une planète située dans notre propre centre galactique, le ciel nocturne serait 100 000 fois plus lumineux que celui de la Terre ! », note le scientifique. À nouveau, la planète recevrait d’importantes doses de rayons ultraviolets et rayons X.
Même si Jeremy D. Schnittman n’écarte pas la possibilité qu’une planète habitable puisse effectivement orbiter autour d’un trou noir supermassif, ses conclusions laissent entendre qu’un tel monde aurait de grandes chances d’être peu hospitalier. « Comme dans le film Interstellar, les meilleures histoires de science-fiction sont celles qui peuvent nous pousser à tester les limites de notre propre compréhension scientifique, particulièrement dans les cas extrêmes rencontrés autour des trous noirs », conclut-il.
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