Les troubles de la mémoire causés par la schizophrénie sont réputés impossibles à traiter. Mais en expérimentant sur des souris, des chercheurs ont peut-être trouvé une solution pour des médicaments personnalisés.

La schizophrénie reste aujourd’hui l’une des maladies chroniques les plus complexes à élucider autant qu’à soigner. Ce trouble mental est un fléau : il touche 21 millions de personnes dans le monde. Des chercheurs ont publié leurs résultats de recherche prometteurs, le 9 octobre 2019, dans le journal Neuron : ils ont réussi à annuler un symptôme central de cette maladie.

L’utilisation de médicaments antipsychotiques est utile pour traiter la paranoïa ou les hallucinations provoquées par la schizophrénie. Mais les troubles de la mémoire, eux, sont depuis longtemps le symptôme que la médecine n’arrive pas à résoudre. Elle a des conséquences désastreuses, puisque cela affecte la capacité à raisonner, à prendre des décisions. Cela touche également la perception et l’humeur. Ce versant cognitif, pour l’instant impossible à traiter, est aussi grave que le versant psychotique.

La schizophrénie touche 21 millions de personnes dans le monde. C'est une maladie qui trouve son origine dans le cerveau. // Source : Pixabay

La schizophrénie touche 21 millions de personnes dans le monde. C'est une maladie qui trouve son origine dans le cerveau.

Source : Pixabay

La solution est dans un gène qui influe sur un autre

Les troubles de la mémoire en cas de schizophrénie sont associés chez certains patients à la mutation d’un gène spécifique : SETD1A. Ce dernier est important dans l’organisme, puisqu’il libère une protéine capable d’influer sur les autres gènes. Sa mutation liée à la schizophrénie se développe neurologiquement plusieurs années avant que la maladie soit diagnostiquée.

Les chercheurs se sont concentrés dans leur étude sur le comportement de ce gène dans des souris de laboratoire, chez lesquelles SETD1A produit moins de protéine que la normale. Les souris présentaient donc des troubles de la mémoire et des soucis de perception proches de la schizophrénie.

« La mémoire des animaux s’est grandement améliorée »

Le principal problème est qu’aucune méthode n’existe pour manipuler le gène SETD1A. Les chercheurs ont donc dû creuser et faire preuve d’imagination… avec succès. L’étude montre un lien entre un autre gène, nommé LSD1, et SETD1A. Quand LSD1 est éteint, il annule les effets négatifs de SETD1A. En agissant sur LSD1, il est donc possible d’influer sur SETD1A… et sur les symptômes qui découlent de sa mutation. « Après quelques semaines à administrer un inhibiteur à LSD1, la mémoire des animaux s’est grandement améliorée », souligne le docteur Jun Mukai, co-auteur de l’article scientifique.

Représentation des axones des souris où le traitement a été expérimenté. // Source : Jun Mukai/Gogos lab/Columbia's Zuckerman Institute

Représentation des axones des souris où le traitement a été expérimenté.

Source : Jun Mukai/Gogos lab/Columbia's Zuckerman Institute

Les conclusions sont même encore meilleures qu’une simple amélioration de la mémoire déficiente : les axones (fibres nerveuses transportant l’information génétique) évoluaient selon le même modèle que celui observé dans le cerveau d’une souris en parfaite santé. Appliquer un inhibiteur sur le gène LSD1 agit donc directement sur les mécanismes moléculaires liés aux déficits de la mémoire reliés à la schizophrénie.

Une bonne piste pour des médicaments personnalisés

Non seulement cette étude permet de mieux comprendre le comportement du gène SETD1A et son rôle dans l’organisme, mais elle ouvre aussi de nouvelles pistes de traitement. La schizophrénie est difficile à comprendre, car elle n’a pas qu’une seule cause génétique, mais plusieurs, qui se combinent et peuvent différer légèrement d’un patient à l’autre. Cette découverte, même si elle se confirme, ne pourra pas soigner la maladie elle-même, mais peut déboucher sur des médicaments personnalisés.

L’équipe veut commencer à l’étudier sur des cellules humaines. « Plusieurs inhibiteurs sont en phase de test clinique préliminaire pour traiter la leucémie et d’autres formes de cancer. Nous explorons s’ils pourraient être repensés pour traiter aussi les patients atteints de schizophrénie », indique un chercheur.

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