Le biologiste russe Denis Rebrikov a toujours l’intention d’utiliser la controversée méthode CRISPR. Il a déjà commencé à travailler sur l’édition de plusieurs ovules humains, a annoncé la revue scientifique Nature dans un communiqué le 18 octobre 2019. En juin dernier, le chercheur avait déjà fait part de ses intentions de faire des tests de modification génétique sur des embryons humains.
Les ovules en question ont été donnés par une femme qui est née sourde. Denis Rebrikov veut mener des tests pour lui permettre de donner naissance à des enfants qui ne présenteraient pas la mutation génétique responsable de sa surdité. Ce n’est pas le même projet que celui que ce chercheur avait évoqué plus tôt cette année : il s’agissait alors d’immuniser contre le VIH de futurs enfants.
Dans un email adressé à Nature, le scientifique revient sur cette expérience en cours, qu’il mène avec un couple de personnes sourdes. Il prétend avoir obtenu et édité les ovules. Des discussions avec 4 autres couples ont aussi été engagées. Denis Rebrikov assure qu’aucune grossesse impliquant un embryon modifié ne sera entamée tant que le ministère de la Santé de la Fédération de Russie n’aura pas donné son approbation. Il a également l’intention de publier les résultats de ses travaux.
Qu’est-ce que la méthode CRISPR, ou le « ciseau génétique » ?
Surnommée le « ciseau génétique », la méthode CRISPR Cas-9 consiste à réaliser une « coupe » dans l’ADN afin d’éliminer un gène donné. Ici, la technique est censée servir à travailler sur le gène « GJB2 », dont la mutation peut être responsable de la surdité. Nature explique que les individus qui sont porteurs de « deux copies mutées de GJB2 » ont besoin de prothèses ou d’implants pour entendre correctement.
Des scientifiques font valoir que la surdité ne représente pas une menace pour la vie des personnes concernées et qu’un tel traitement ne devrait donc pas être nécessaire. « N’importe quel nouveau médicament comporte des risques. […] Et ce n’est qu’aux parents sourds de décider si la surdité justifie de ne pas vouloir la même chose pour leur enfant », rétorque Denis Rebrikov dans son mail à Nature.
Une méthode déjà controversée
Les travaux menés par ce scientifique attirent l’attention. Il faut dire que la méthode CRISPR a déjà fait l’objet d’une précédente controverse. À la fin de l’année 2018, un essai clinique chinois a été porté à la connaissance du grand public : un scientifique, He Jiankui, a modifié génétiquement des embryons humains, contribuant ainsi à la naissance des premiers « bébés CRISPR ». Il prétendait ainsi les immuniser contre le VIH. Ces expériences ont suscité de l’inquiétude : une étude a assuré que les « bébés CRISPR » nés après une modification génétique couraient un risque de mourir plus tôt — ce document contenait cependant des erreurs qui ont invalidé cette conclusion. Denis Rebrikov n’a pas abandonné son projet de travailler lui aussi sur l’édition du gène CCR5, dont une mutation peut protéger les individus d’une infection par le VIH.
« Les lois sont faites pour être changées. Aussitôt que nous aurons démontré que cette technologie est sûre, la loi changera », assure le scientifique. Les questionnements éthiques au sujet de la méthode CRISPR et des modifications génétiques restent ouverts. Les 14 et 15 novembre prochain, une commission internationale se réunira à Londres pour débattre de ce sujet. Elle regroupera l’Académie nationale de médecine et l’Académie nationale des sciences (États-Unis) ainsi que la Royal Society (Royaume-Uni), afin de développer un cadre d’exigences scientifiques et médicales autour des usages cliniques de telles modifications génétiques.
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