En août 2019, l’affaire avait amusé : la sonde spatiale Beresheet s’était crashée sur la Lune avec des centaines de tardigrades à son bord. La grande question était alors de savoir s’ils étaient toujours vivants et pour combien de temps. Au-delà de la situation cocasse, cela signifie que l’humanité a relâché des formes étrangères de vie biologique sur un autre corps céleste. Pour éviter que ce type de contaminations soit récurrent, la Nasa prend la question très au sérieux. L’agence a publié un rapport officiel, ce 17 octobre 2019, dans lequel elle affirme la nécessité de sa « protection planétaire ».
Les recommandations ont été émises par un comité indépendant, le Planetary Protection Independent Review Board (PPIRB). À la Nasa, il existe tout un département dédié à ce sujet : le Bureau de la Protection Planétaire. Sur son site internet, cette mission est définie comme la pratique de protéger les corps du système solaire de toute contamination par la vie terrestre, mais aussi de protéger la Terre de formes de vie qui pourraient être ramenées d’ailleurs. En jeu, une « exploration responsable ».
Mieux réguler le secteur privé
Le rapport fourni par le PPIRB alerte sur des règles obsolètes, qui n’ont pas été mises à jour depuis les débuts de l’ère spatiale. Elles ne sont donc plus adaptées à la teneur actuelle des missions. Face au retour sur la Lune pour s’y installer plus durablement, et l’objectif d’aller sur Mars ensuite, les « politiques de protection planétaire doivent être mises à jour régulièrement et rapidement pour être effectives ».
Cela implique de revoir entièrement les règles, au regard des techniques les plus modernes, pour qu’elles soient adaptées à nos connaissances scientifiques. Le rapport signale par exemple que jusqu’à maintenant, la méthode d’évaluation des spores (risquant d’être embarqués sur un engin spatial) est assez limitée. Il serait plus judicieux, selon les nouvelles recommandations, d’utiliser de techniques modernes éprouvées comme le séquençage génomique et l’analyse des risques.
Selon le rapport, il est crucial de prendre en compte le rôle que joue dorénavant les entreprises privées dans le spatial. Le comité recommande que la Nasa, le gouvernement, le Congrès et l’Administration fédérale de l’aviation travaillent main dans la main afin d’obliger le secteur privé à intégrer les règles de protection planétaire de manière systématique et transparente. Le problème s’était posé en 2018 avec SpaceX : l’entreprise d’Elon Musk avait envoyé en grande pompe une Tesla dans l’espace, avec à son bord Starman, un mannequin-astronaute. Ce lancement a été effectué sans aucune évaluation préalable des contaminations possibles d’environnements extra-atmosphériques.
Un meilleur équilibre pour la recherche
En plus de toutes ces nouveautés, un aspect encore plus basique n’est pas pris en compte dans les règles de protection planétaire : l’exploration habitée. Dans les textes réglementaires, les modalités de protection sont actuellement orientées autour des missions robotiques. Il n’y est pas fait mention des potentielles visites humaines sur des corps célestes comme Mars. Pour les membres du comité, cette définition est beaucoup trop restreinte. De nouveaux protocoles doivent être envisagés pour toutes les situations : missions robotiques, missions non habitées, missions habitées.
« Nous voulons être préparés dans ce nouvel environnement »
Dans cette optique, les recommandations indiquent également qu’il est nécessaire de dépasser la vision uniforme des corps célestes. Pour l’instant, la Lune est classée en catégorie 2 — les engins ont peu de contraintes de stérilisation ; là où Mars est classée en catégorie 4 — une stérilisation lourde, couteuse et restrictive. Les membres du comité appellent à une reclassification, en « découpant » les corps célestes. Il pourrait y avoir des zones de différentes catégories sur Mars et sur la Lune : telle partie serait strictement préservée pour l’astrobiologie, telle autre partie serait vouée à l’exploration humaine et contaminable. Cette stratégie faciliterait les découvertes tout en assurant la protection de certains lieux. De même, le PPIRB recommande d’effectuer une analyse différentielle des planètes océaniques, car on sait dorénavant que la contamination potentielle peut être différente selon les compositions, et faire ainsi varier les règles.
« Nous voulons être préparés dans ce nouvel environnement, avec des politiques réfléchies et des pratiques qui permettent des découvertes scientifiques tout en préservant l’intégrité de notre planète et des endroits que nous visitons », affirme Alan Stern, qui préside le comité PPIRB. À partir des recommandations, la Nasa va entamer un dialogue interne et avec ses partenaires pour lancer au plus tôt les changements nécessaires. D’autant que le rapport estime que c’est urgent : les nouvelles règles devront être appliquées pour le rover Mars 2020. Cette sonde doit aller sur Mars pour in fine rapporter des échantillons : elle pose donc de nombreuses questions de contamination dans les deux sens.
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