Les ciseaux génétiques CRISPR font régulièrement parler d’eux depuis leur invention en 2012. Cet outil fonctionne à partir d’une protéine grâce à laquelle on peut éditer des parties spécifiques de l’ADN. Par cette technique, on modifie ainsi le patrimoine génétique — ce qui permettrait potentiellement de corriger certaines maladies. Le problème est que ce sont des ciseaux encore aujourd’hui très imparfaits. Une toute nouvelle méthode vient de naître, que les chercheurs annoncent comme bien plus efficace. Ils viennent de publier leurs résultats prometteurs dans Nature, ce 21 octobre 2019, et ils nomment leur invention tout simplement prime editing, que l’on peut traduire par édition primaire ou édition de base.
David Liu et Andrew Anzalone, deux chercheurs du Broad Institute de Harvard et du MIT, sont à l’origine de cette nouvelle invention. Ils estiment qu’elle apporte un degré de précision jamais atteint jusqu’à maintenant. Si cela se confirme, ce ne serait pas anodin : la précision, en matière génétique, est cruciale. L’une des limites de CRISPR est justement que les ciseaux génétiques peuvent avoir des effets secondaires à cause de leurs altérations — par exemple une modification génomique qui n’était pas celle ciblée à l’origine par l’enzyme. Cette incertitude sur les conséquences d’une manipulation CRISPR est ce qui rend cette technique encore très polémique chez les scientifiques, même à un niveau éthique.
Moins d’effets secondaires dangereux
L’invention de Liu et Anzalone serait assez proche de la fonctionnalité « chercher et remplacer » que vous trouvez dans un traitement de texte : si le code génétique humain était un texte de milliards de lettres, grâce à leur technique vous pourriez remplacer une seule lettre dans tout cela. CRISPR était déjà un outil performant pour chercher et cibler les gènes, mais il était beaucoup moins bon pour remplacer ou supprimer sans faire de dégâts. C’est sur ce point que l’amélioration a lieu.
Les chercheurs ont modifié l’enzyme Cas9, celle qui était jusqu’ici au centre de l’action CRISPR. Ils l’ont fusionné avec une autre protéine, la rétrotranscriptase. Comme pour Crispr-Cas9, l’enzyme qui résulte de cette fusion va être guidée par une molécule ARN (complémentaire de l’ADN) afin de cibler une zone très spécifique du génome. Mais ensuite, cela ne fonctionne plus comme des ciseaux, car l’ADN ne sera pas coupé. Il va plutôt être entaillé. Et à l’intérieur de cette entaille, la section génétique va être entièrement réécrite.
Les chercheurs ont hybridé l’enzyme d’édition génétique
Le fait de ne pas couper le brin d’ADN permet d’éviter les effets secondaires néfastes. L’ADN est en effet composé de deux brins, une double hélice, et ce n’est pas sans conséquence : ces hélices sont en quelques sortes jumelles, complémentaires. Si l’une est atteinte, la cellule va s’adapter et se réparer en se basant sur l’autre. Mais si vous coupez le brin en deux, comme avec Crispr-Cas9, alors la cellule perd ses référentiels, elle peut faire des erreurs, causer des dommages ; raison pour laquelle on estime qu’il y a une part d’incertitude avec CRISPR. Or, la nouvelle technique prime editing tient compte de cette complexité.
Rappelons que l’enzyme est hybride, car, comme nous le disions, elle est la fusion de deux enzymes — Cas9 et rétrotranscriptase. Donc, pour faire simple, son action consiste donc à modifier d’abord un brin avec sa partie Cas9. Ensuite, la partie rétrotranscriptase modifie le second brin en incitant la molécule à utiliser l’altération du premier brin comme référentiel (toujours sur ce principe de jumelage). Grâce à cela, une large gamme de changements ultra précis sont possibles, sans laisser derrière des mutations non voulues, hasardeuses, ou mauvaises.
L’édition primaire pourrait réparer 89 % des mutations néfastes
Pour l’instant, il n’est pas possible d’affirmer que cette technique peut être effectivement utilisée sur des humains : la technique reste en phase expérimentale. Mais les résultats sont plus qu’encourageants, voire même une grande réussite si l’on en croit le papier publié dans Nature. Les chercheurs ont en effet testé le prime editing sur des cellules humaines in vitro… débouchant sur 175 modifications génétiques parfaitement réussies sur des cellules atteintes de maladies jusqu’alors très difficiles à éditer.
Si cet outil finit par être entièrement validé, sa capacité de reprogrammation ultra précise et très flexible pourrait permettre de « réparer » 89 % des maladies basées sur une mutation néfaste du génome humaine — des mutations qui entraînent, par exemple, la mucoviscidose ou des maladies neurodégénératives.
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