« Je pense qu’il y a beaucoup de place sur la Lune. Et nous avons besoin de tous nos partenaires internationaux pour y aller ». C’est par cette petite phrase lâchée lors de la 70ème édition du Congrès international d’astronautique (IAC) que Jim Bridenstine, le patron de la NASA, a donné du poids à la perspective d’une présence européenne lors du retour des États-Unis sur la Lune.
« Si nous pouvons parvenir à nous entendre sur les contributions de toutes les nations et sur la façon dont elles feront partie [du projet], […] il n’y a aucune raison pour que nous ne puissions pas avoir tous nos partenaires internationaux avec nous sur la Lune » a poursuivi sur scène le chef de l’agence spatiale américaine. « Voilà la vision. C’est ce que nous essayons de réaliser ».
À ses côtés se trouvaient les pontes des principales autres grandes agences spatiales : Sergueï Krikaliov, ancien cosmonaute, en charge des vols habités à la Roscosmos (Russie), Sylvain Laporte, directeur général du CSA (Canada), S. Somanath, patron du centre spatial Vikram Sarabhai de l’ISRO (Inde), Jan Woerner, directeur général de l’ESA (Europe) et Hiroshi Yamakawa, président de la JAXA (Japon).
Rebondissant à la question qui avait été posée à Jim Bridenstine, Jan Woerner n’a pas fait mystère de la volonté de l’Agence spatiale européenne de voir ses astronautes arpenter le sol lunaire. « Nous pouvons travailler ensemble, c’est pourquoi nous discutons aussi avec la NASA de la présence d’astronautes européens à la surface de la Lune. Il s’agit bien entendu d’une intention européenne ».
« Oui, nous voulons avoir des Européens à la surface de la Lune » — Jan Woerner
La NASA est en train de concevoir un vaisseau spatial — dénommé Orion et une station spatiale — appelée Lunar Orbital Platform-Gateway (LOP-G) — dans le cadre de son projet de retour sur la Lune. Il faut toutefois noter que quelques pays travaillent aux côtés des USA pour lui apporter une aide technique. C’est notamment le cas de la Russie, de l’Europe, du Japon et du Canada.
Au niveau du Vieux Continent, rappelle l’agence spatiale française — le Centre national d’études spatiales (CNES) — il est question d’une contribution à travers les modules de service ESM (European Service Module) des futurs vaisseaux américains Orion, ainsi qu’au module ESPRIT de LOP-G destiné notamment aux télécommunications de la station. Les modules du LOP-G doivent être déployés entre 2022 et 2026.
La station spatiale sera en orbite autour de la Lune et c’est à travers elle qu’auront lieu les différentes missions Artémis. Artémis-2 doit être la première à emmener un équipage jusqu’à LOP-G, tandis que Artémis-3 sera celle qui fera descendre des astronautes sur le sol lunaire. Artémis-2 doit survenir en 2022 ou 2023, tandis qu’Artémis-3 est planifiée pour 2024. En théorie.
Les Américains se donnent la priorité
Pour des raisons éminemment politiques et de prestige national, il paraît improbable que Washington accepte un équipage multinational pour composer la première vague des astronautes qui attendra la Lune. Celui-ci devrait en toute logique être exclusivement américain. Mais pour les voyages suivants, des astronautes européens, canadiens, indiens, japonais et même russes pourraient participer.
Jusqu’à présent, la Lune n’a été visitée que par douze personnes. Deux points communs les rassemblent : il n’y a que des hommes et ils sont tous Américains. Quatre d’entre eux sont encore en vie : Buzz Aldrin (Apollo 11, en 1969), David Scott (Apollo 15, en 1971) Charles Duke (Apollo 16, en 1972) et Harrison Schmmitt (Apollo 17, même année). Depuis cette dernière mission, le sol lunaire n’a plus été foulé par l’Homme.
Parmi toutes ces nations, une absence de taille peut être relevée : la Chine. Mais rien de bien surprenant. « La loi nous interdit de travailler avec la Chine », a rappelé Jim Bridenstine. Bien sûr, rien ne dit que ce sera toujours ainsi : après tout, les États-Unis et la Russie sont aujourd’hui de proches partenaires dans le domaine spatial, ce qui était impensable il y a quarante ou cinquante ans.
Rivalités nationales à prévoir
Si l’Inde, le Canada, le Japon et la Russie n’auront pas grand mal à choisir son ou sa championne qui visitera en premier la Lune, cela risque de tourner au casse-tête politique du côté européen. En effet, il faudra composer avec les envies de chaque grande capitale de l’ESA (Paris, Berlin, Rome, Londres et Madrid, par ordre de contribution au budget) de voir leur poulain ouvrir le bal des visites européennes.
Aujourd’hui, l’ESA compte dans ses rangs 7 astronautes : deux Allemands (Alexander Gerst, 43 ans, et Matthias Maurer, 49 ans), deux Italiens (Luca Parmitano, 43 ans, et Samantha Cristoforetti, 42 ans), un Britannique (Timothy Peake, 47 ans), un Danois (Andreas Mogensen, 42 ans) et un Français (Thomas Pesquet, 41 ans). Ce Corps européen des astronautes a été constitué pour l’essentiel en 2009.
Au regard du calendrier, donc, et des exigences américaines, il ne devrait donc y avoir aucun Européen sur la Lune avant 2024. Peut-être faudra-t-il attendre quelques années avant de voir un Européen ou une Européenne aller sur le satellite, en fonction des places disponibles : il paraît en effet peu vraisemblable que les Américains laissent beaucoup de places aux pays partenaires.
En se projetant dans dix ans, Thomas Pesquet aura 51 ans. Un âge loin d’être disqualifiant pour aller dans l’espace. À titre d’exemple, Peggy Whitson est la femme la plus âgée ayant séjourné dans l’espace. Elle avait 57 ans lorsqu’elle est revenue sur Terre lors de sa toute dernière mission. En outre, Thomas Pesquet aura accumulé davantage d’expérience : il aura par exemple fait au moins un deuxième voyage spatial.
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