L’observation des étoiles et galaxies permet de dresser le portrait d’un univers parsemé de couleurs. Mais si l’on avait pu contempler l’univers à ses débuts, quelle aurait été la première couleur visible ?

La formation de l’univers que nous connaissons a trouvé son origine il y a environ 13,7 milliards d’années. C’était avec le Big Bang, un événement qui n’a rien à voir avec une grosse explosion colorée, comme on pourrait être tenté de l’imaginer. Aujourd’hui, l’univers offre une incroyable palette de couleurs à observer, que l’on s’intéresse à ses galaxies, à ses étoiles ou à ses planètes. Mais quelle était la toute première couleur dans l’histoire de l’univers, celle qu’un observateur aurait pu contempler s’il avait assisté à ses débuts ?

Pour répondre à cette question, il faut comprendre ce qui s’est passé dans les premiers temps de l’univers. Au commencement, pouvait-on vraiment parler de « couleur » ? « Quand on s’intéresse à l’univers lorsqu’il était encore jeune, on a l’habitude de le décrire en parlant d’une soupe primordiale. Elle était très chaude. Les photons ne pouvaient s’y déplacer librement et le rayonnement ne se propageait donc pas. L’univers était ainsi opaque, la lumière ne pouvait pas s’y propager », explique à Numerama Sandrine Codis, astrophysicienne et chercheuse à l’Institut d’astrophysique de Paris.

L'univers photographié par le télescope Hubble. // Source : NASA, ESA, IPAC/Caltech, STScI, Arizona State University

L'univers photographié par le télescope Hubble.

Source : NASA, ESA, IPAC/Caltech, STScI, Arizona State University

Cette situation a évolué car l’univers s’est mis à refroidir. « Avec le refroidissement de l’univers, la lumière a pu commencer à se propager et c’est ainsi qu’on a pu observer ce qu’on appelle le fonds diffus cosmologique, un rayonnement émis environ 370 000 années après le Big Bang », poursuit l’astrophysicienne. Ce rayonnement fossile, qui été étudié par la mission Planck de l’Agence spatiale européenne, est la plus ancienne lumière encore présente dans l’univers. Le site de la mission Planck résume ainsi que l’ « on ne peut voir l’univers au moment du Big Bang, mais uniquement l’univers au moment où la lumière commence à s’y propager librement ».

Des teintes rougeâtres et orangées, dans le spectre visible

C’est à cette étape que l’on peut enfin parler de la première couleur de l’univers. « La tempérante était alors située entre 3 000 et 4 000 degrés Celsius. À cette époque là, si un observateur avait pu regarder ce qui se passait, il aurait pu apercevoir une certaine couleur. Avec ce bain de photons, c’est un rayonnement de corps noir qui a été émis. Dans le spectre visible, cela se traduit par des couleurs rougeâtres et orangées », complète Sandrine Codis.

La plus ancienne lumière de notre univers, détectée par Planck. // Source : ESA and the Planck Collaboration (photo recadrée)

La plus ancienne lumière de notre univers, détectée par Planck.

Source : ESA and the Planck Collaboration (photo recadrée)

Pourquoi le rayonnement du corps noir se traduisait-il par ces couleurs ? « Un corps noir émet de la lumière avec un spectre qui est entièrement dicté par sa température, peu importe la composition du corps en question ou quoi que ce soit d’autre », nous éclaire la spécialiste. Comprendre pourquoi cette première couleur est une teinte rougeâtre, alors que l’univers est en train de refroidir, peut nécessiter de dépasser un présupposé : en général, on associe la couleur rouge à la chaleur.

« Cela peut sembler contre-intuitif : lorsqu’un élément est chaud, sa couleur tend plutôt vers le bleu, tandis que s’il est plutôt froid sa couleur tend vers le rouge », souligne Sandrine Codis. Les étoiles sont un bon exemple pour s’en rendre compte. « On l’observe chez les étoiles jeunes et chaudes qui ont une teinte plutôt bleutée. Les étoiles massives et moins chaudes ont plutôt une couleur proche du rouge », ajoute la scientifique.

Désormais, « il est difficile de n’attribuer qu’une seule couleur à l’univers »

La situation a continué à évoluer, pendant que le refroidissement de l’univers se poursuivait. « Tandis que la température a baissé, on s’est décalé vers des plus grandes longueurs d’ondes et vers les longueurs d’ondes radio. Aujourd’hui, c’est difficile de n’attribuer qu’une seule couleur à l’univers car il y a beaucoup d’astres qui émettent dans des longueurs d’ondes différentes (étoiles, galaxies, disques d’accrétion…) depuis les rayons gamma et X jusqu’aux plus grandes longueurs d’onde », détaille Sandrine Codis. Si l’on sait désormais observer dans toutes les longueurs d’ondes, l’astrophysicienne nous précise que ce n’est pas pour autant que l’origine de ces rayonnements observés est toujours parfaitement comprise.

Les photons ne sont pas les seules particules qui permettent d’observer l’univers. « Certains disent que nous sommes entrés dans l’ère des multimessagers. On regarde aussi l’univers avec d’autres particules comme les neutrinos [ndlr : dont la charge électrique est nulle] ou encore avec des ondes gravitationnelles », conclut l’astrophysicienne.

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