À supposer qu’ils existent, comment pourrait-on réussir à détecter des trous de ver ? Des physiciens ont proposé une méthode pour tenter de repérer ces objets hypothétiques, dans une étude publiée le 10 octobre 2019 au sein de Physical Review D. Une prépublication complète du texte est consultable ici.
« L’objectif de ces travaux […] est d’établir un lien clair entre les trous de ver et les observations astrophysiques », écrivent les auteurs. En partant du principe que les trous de ver ne pourraient exister que dans des « conditions extrêmes », ils supposent qu’il faudrait les chercher à proximité des plus grands trous noirs de l’espace, par exemple ceux qui se trouvent au cœur des galaxies. C’est pourquoi ils s’intéressent aux mouvements d’une étoile qui gravite autour du trou noir de la Voie lactée.
Qu’est-ce qu’un trou de ver ?
Bien que l’existence des trous de ver n’ait jamais été démontrée, ces objets fascinent des scientifiques et le grand public. L’intrigue du film Interstellar repose ainsi sur l’existence d’un trou de ver apparu à proximité de Saturne. « Par définition, un trou de ver relie sans heurt deux espace-temps différents », décrivent les scientifiques. En d’autres termes, les trous de ver formeraient une jonction entre deux zones de l’espace et/ou du temps, comme des sortes de portes des étoiles. Ces objets théoriques qui ont besoin de métaphores science-fictives pour être décrits seraient des raccourcis, permettant peut-être de voyager dans d’autres systèmes (voire d’autres univers).
Pour rechercher un éventuel trou de ver, les chercheurs décident de se tourner vers Sagittarius A* (Sgr A*), une source d’ondes radio fortement soupçonnée d’être le trou noir de la Voie lactée. « Nous étudions le mouvement de l’étoile S2 qui gravite autour du trou noir supermassif Sgr A* au centre de notre galaxie et démontrons que des données futures, dans un proche avenir, nous indiqueront si ce trou noir abrite un trou de ver », expliquent les auteurs.
Si un trou de ver existe bien au niveau de Sagittarius A*, les auteurs estiment que « les étoiles en orbite autour de lui dans ‘l’autre espace’ [ndlr : de l’autre côté du trou de ver] devraient affecter les orbites des étoiles dans notre univers ». L’accélération de S2, une étoile d’environ 14 masses solaires, est principalement expliquée par le trou noir Sgr A*. Cependant, une étoile qui serait située de l’autre côté de l’hypothétique trou de ver (et qui serait en orbite autour de lui) exercerait un effet sur S2.
Autrement dit, s’il y a deux étoiles, chacune se trouvant d’un côté du trou de ver, elles devraient exercer une influence gravitationnelle l’une sur l’autre. « Le flux gravitationnel passerait à travers le trou de ver », précise Dejan Stojkovic, professeur à l’université d’État de New York à Buffalo et co-auteur de l’étude, cité dans un communiqué. Si l’orbite de S2 autour du trou noir paraissait modifiée, par rapport à ce qui est normalement attendu, cela pourrait vouloir dire qu’il y a bien un trou de ver avec une étoile en orbite autour de lui de l’autre côté.
Une hypothèse à vérifier dans 10 ou 20 ans ?
C’est pour cela que les physiciens disent que si « Sgr A* est un trou de ver avec des étoiles lourdes en orbite de ‘l’autre côté’, nous pourrons en voir les effets dans un proche avenir ». Il faudrait d’abord récupérer des données sur l’étoile S2 pendant une longue période, ou trouver des techniques qui permettraient de suivre avec précision son déplacement. Pour les auteurs, ces améliorations pourraient arriver d’ici 10 ou 20 ans.
Quoiqu’il en soit, il s’avère que cette démonstration théorique ne pourra pas prouver avec une totale certitude l’existence d’un trou de ver. Pourquoi ? Rien ne dit qu’une variation dans l’orbite de S2, à supposer qu’elle soit observée, ne puisse pas être expliquée par d’autres phénomènes. On pourrait penser, par exemple, qu’il s’agirait de l’influence d’un autre trou noir qui pourrait être situé dans l’environnement de S2.
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