Lorsque Google a confirmé avoir atteint la suprématie quantique, IBM a vite fait part de son désaccord. Dans une publication datée du 21 octobre 2019, l’entreprise a contesté cette avancée, que l’équipe de Google a présentée dans un article scientifique validé par la revue Nature.
« Les récentes avancées de l’informatique quantique ont abouti à deux processeurs à 53 qubits [ndlr : l’analogue quantique du bit] : l’un de notre groupe IBM et un appareil décrit par Google dans un article publié dans la revue Nature. L’article soutient que leur appareil a atteint la ‘suprématie quantique’ et qu’un ‘super calculateur de pointe aurait besoin de 10 000 ans pour effectuer une tâche équivalente’. Nous soutenons qu’une simulation idéale de la même tâche peut être effectuée sur un système classique en 2,5 jours et avec une fidélité encore plus grande », écrit IBM dans ce communiqué.
Qu’est-ce que la « suprématie quantique » ?
La question soulevée par l’expression de « suprématie quantique » est la suivante : pourrait-on résoudre à l’aide de l’informatique quantique des tâches qui seraient particulièrement difficiles pour un ordinateur classique ? Dans leur article, les scientifiques de Google estiment que leur expérience permet bien de l’atteindre. Le texte présente Sycamore, un processeur quantique qui est parvenu à effectuer un calcul en 200 secondes (au lieu des 10 000 années nécessaires à un supercalculateur, comme le relève IBM).
Que reproche IBM à Google ? La société avance deux arguments principaux, que Thomas Coudreau, professeur de physique et membre du Laboratoire Matériaux et Phénomènes Quantiques, détaille à Numerama. « Le premier porte sur l’existence d’une technique alternative, qui pourrait permettre d’atteindre le même résultat en 2,5 jours. Cette affirmation est bien valable. Leur deuxième critique est de récuser l’expression de suprématie quantique. IBM la critique en disant qu’elle signifierait que les ordinateurs quantiques domineraient l’ensemble des techniques de calcul », résume le spécialiste.
« Le résultat de Google ne met pas en danger les calculateurs actuels »
Cet autre affirmation faite par IBM semble plus fragile. « Le problème avec ce deuxième argument, c’est que personne ne croit ça ! Personne ne s’imagine que les ordinateurs quantiques seront les seules méthodes de calcul. Le résultat de Google ne met pas en danger les calculateurs actuels », explique Thomas Coudreau.
Le communiqué de la Nasa qui a annoncé la publication de l’étude précisait d’ailleurs que l’équipe de Google a travaillé sur une tâche particulière, sans application générale. « Les arguments [d’IBM] ne changent rien à la nouvelle annoncée par Google : on a bien un système qui démontre un avantage quantique, poursuit Thomas Coudreau. Dans une certaine configuration, un système quantique permet d’obtenir des résultats plus rapidement. »
Même si IBM émet des réticences, il faut également reconnaître à Google que l’article publié par son équipe de recherche est prudent, estime notre interlocuteur. « Évidemment, il y a toujours des compétiteurs. Il ne faut pas oublier qu’entre Google et IBM, il n’y a pas qu’un lien entre deux laboratoires de recherche, ce sont aussi deux entreprises », rappelle Thomas Coudreau.
La communauté scientifique semble donc réserver assez largement un bon accueil à l’avancée dont se félicite Google. « Le calcul de Google est convaincant. Globalement, c’est un résultat qui est célébré, il représente le début de quelque chose. L’ordinateur quantique de Google ne va pas résoudre tous les problèmes, mais c’est un résultat majeur », conclut le spécialiste.
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