Après Singapour, l’Inde et les États-Unis, c’est au tour de la Chine de vouloir restreindre le business des cigarettes électroniques. Comme l’a rapporté l’agence Reuters ce 1er novembre, le gouvernement a demandé aux sites de vente en ligne de ne plus commercialiser ces produits.
Un risque sanitaire ?
L’organisme chargé de la régulation du tabac en Chine, China Tobacco, a fait parvenir jeudi 31 octobre une note aux plateformes de e-commerce. Il leur demande de ne plus vendre de cigarettes électroniques sur le Web pour une durée indéterminée. Il explique cette décision par le fait que de trop nombreux mineurs achèteraient des cigarettes électroniques en ligne. Il s’agirait de « mieux protéger la santé mentale et physique » des plus jeunes, d’après le régulateur.
Pour l’instant, les risques sur la santé des jeunes et des adultes sont méconnus. Aux États-Unis, une étude a mis en évidence un peu plus d’un millier de cas de maladies des poumons, qui pourraient être liées à certaines conditions de vapotage. Les scientifiques ne savent cependant pas quelle molécule ou ensemble de molécules serait en cause ; il semblerait que la plupart des cas impliquent des e-cigarettes illégales qui contiennent du THC, une substance que l’on retrouve dans le cannabis.
Les doutes des organismes de santé ont poussé plusieurs gouvernements à vouloir brider le commerce de e-cigarettes.
En septembre, l’Inde a banni les cigarettes électroniques de son territoire, après la publication des premières études réalisées aux États-Unis. Il est désormais interdit d’en vendre, d’en produire, d’en importer ou d’en faire la publicité. Les fabricants qui ne respecteraient pas la loi risquent 1 an de prison et une amende de 100 000 roupies (environ 1 200 euros) et jusque 3 ans d’emprisonnement et 500 000 roupies d’amende (environ 6 300 euros) s’ils sont récidivistes. Paradoxalement, la loi n’interdit pas de consommer ces produits. Si des personnes achètent des e-cigarettes à l’étranger, elles peuvent vapoter en Inde librement. Le ministère de la santé indien avait expliqué qu’il craignait notamment « l’aspect attractif des produits, disponibles dans de multiples saveurs (…), spécifiquement pour les jeunes et les enfants ».
La santé des adolescents est aussi beaucoup mise en avant aux États-Unis. Des organismes de santé publique et le président Donald Trump avaient ainsi demandé à ce que la vente des recharges aromatisées cesse car elles pousseraient les jeunes à plus vapoter. Les goûts fruités accentueraient, selon eux, l’image d’un produit inoffensif et ludique. En réaction, des chaînes de magasins comme le géant américain Walmart ou Walgreens ont retiré de la vente les produits aux goûts sucrés, dont les goûts faisaient allusion à des gâteaux.
La même chose s’est passée à Singapour, qui a banni les e-cigarettes début 2019, officiellement pour protéger les jeunes.
De quoi faut-il protéger les adolescents ?
Les jeunes consommateurs sont un public important pour les marques de cigarettes électroniques, mais ce ne sont pas toujours des fumeurs qui souhaitent arrêter. L’e-cigarette peut être vu comme un produit « tendance » ; les marques ont d’ailleurs longtemps capitalisé sur cet aspect-là. Elles étaient promues par de jeunes influenceurs. On les a retrouvées sur des réseaux sociaux comme Instagram ou sur des vidéos YouTube, largement plébiscitées par un public adolescent, à grands coups de hashtags.
Les cigarettes électroniques génèrent à priori moins de cas de maladies graves que les cigarettes classiques. Mais un non-fumeur n’aurait aucun intérêt à encourir le moindre risque. L’ex-dirigeant de JUUL avait d’ailleurs appelé les non-fumeurs à ne pas consommer ses produits.
Le Health promotion board, l’agence gouvernementale chargée de la santé à Singapour, a réalisé en 2018 une étude auprès de 600 personnes mineures. 70 % d’entre elles ignoraient que les e-cigarettes contenaient de la nicotine et des produits chimiques pouvant causer à terme des maladies respiratoires et autres pathologies médicales.
Un avenir incertain pour les marques de cigarettes électroniques
Depuis quelques mois, le quotidien des fabricants de e-cigarettes est bien moins glamour. JUUL prévoit par exemple de supprimer 500 emplois d’ici la fin de l’année 2019. Et cela ne risque pas d’aller en s’arrangeant, pour cette marque comme pour ses concurrentes.
La Chine compterait à elle seule plus de 300 millions de consommateurs de tabac. C’est l’un des plus gros marchés au monde pour les fabricants des cigarettes et e-cigarettes. Des marques s’y sont lancées comme RELX Technology, fondée par des anciens de la section locale d’Uber, ou SnowPlus. JUUL a aussi tenté d’y faire son entrée sur des plateformes de revente comme Alibaba — au bout de quelques jours, la marque avait disparu du pays mais elle ne s’est jamais expliquée sur le sujet.
RELX Technology et SnowPlus savent qu’elles sont sur la sellette. Les deux entreprises ont fait savoir à Reuters qu’elles se plieraient aux exigences du gouvernement chinois. Toutes les sociétés concurrentes semblent pour le moment adopter cette posture de défense.
En France, le vapotage est interdit dans certains lieux, comme au travail, dans les écoles ou les transports en commun. On peut en revanche consommer des cigarettes électroniques en toute légalité ailleurs. Nous avons contacté le ministère de la santé au sujet des risques que poseraient ces produits. Il n’a pour le moment pas répondu à nos sollicitations.
Fin septembre, Roger Genet, directeur général de l’Anses (agence nationale chargée de la sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail), s’exprimait sur le sujet au micro de France Info. Selon lui, il n’y aurait « pas de problème sanitaire en France ». Les produits vendus par des marques autorisées seraient différents de ceux commercialisés aux États-Unis. Ces derniers sont par exemple à base de vitamine E ou THC. Ils sont interdits en France, même s’ils peuvent être vendus au travers de circuits illégaux.
Roger Genet s’avouait malgré tout incapable d’affirmer que les cigarettes électroniques vendues dans l’Hexagone ne présentaient aucun risque. « Concernant l’exposition à toutes les substances contenues [dans les produits], je vous mentirais si je vous disais que nous avons des études [complètes], confiait-il. Faire une étude combinatoire des 1 200 molécules contenues dans ces produits serait bien entendu impossible sur le plan scientifique. »
Il avait précisé qu’une enquête était en cours, notamment pour identifier d’éventuelles hospitalisations liées aux e-cigarettes.
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