En novembre 2018, la sonde spatiale Voyager 2 entrait dans l’espace interstellaire. Dans plusieurs articles publiés dans Nature Astronomy, les astronomes dévoilent les premières données confirmées par la sonde.

En 1977, la sonde Voyager 2 quittait l’atmosphère terrestre. Son but : explorer les planètes du système solaire. Mais après avoir accompli sa mission, elle a poursuivi sa route spatiale. Son voyage a pris un nouveau tournant le 5 novembre 2018 : la sonde est entrée dans l’espace interstellaire. Avec Voyager 1, c’est seulement la deuxième fois qu’un engin construit par les humains à franchir le cap. Ce 4 novembre 2019, une série de dix  articles de recherche publiés dans Nature Astronomy dévoilent les premières données transmises par Voyager 2.

On considère que la sonde est entrée dans l’espace interstellaire à partir du moment où elle a franchi l’héliopause. C’est le nom qu’on donne à la frontière de l’héliosphère, une sorte de « bulle »  autour de l’étoile — ici, le Soleil. Dépasser l’héliopause n’est pas une mince affaire : on y trouve le « choc terminal », lieu de confrontation énergétique entre les particules interstellaires et les particules supersoniques émises par les vents solaires. Les collisions génèrent des ondes de choc.

Schéma montrant comment Voyager 1 et 2 ont dépassé l'héliopause. // Source : NASA JPL

Schéma montrant comment Voyager 1 et 2 ont dépassé l'héliopause.

Source : NASA JPL

L’héliosphère a une frontière bien distincte

L’instrument de mesure du plasma (état de la matière constitué de particules chargées) sur Voyager 1 était cassé depuis 1980, tandis que celui de Voyager 2 fonctionne bien. Les astronomes bénéficient d’un nouveau regard plus complet sur l’étape de la traversée de l’héliopause. Ils savent maintenant que cette frontière est bien définie. Il y a bel et bien un moment où l’on passe nettement d’un type de plasma à un autre, même s’il y a bien une fine zone intermédiaire où le plasma des deux zones se confond.

Cela signifie que la transition se fait par étapes, mais bien distinctement. Une fois dans l’espace interstellaire, l’héliopause franchie, il n’y a plus de vent solaire. « La vieille idée que le vent solaire serait graduellement soufflé en allant toujours plus loin dans l’espace interstellaire n’est tout simplement pas vraie », relève Don Gurnett, l’un des scientifiques ayant traité ces données. « C’est incroyable comment des fluides, y compris le plasma, forment des frontières ».

En revanche, si la frontière est bien définie, elle n’en est pas moins poreuse. Voyager 2 a détecté des filets de particules solaires s’échappant au travers de l’héliopause. Voyager 1, sortie par le front de la bulle solaire, en avait détecté beaucoup moins que Voyager 2, sortie par le flanc. Cela signifie que la porosité dépend des régions de l’héliopause.

Les données de Voyager 2 permettent également de confirmer ce que Voyager 1 mettait déjà en évidence : le plasma de l’espace interstellaire proche est bien plus dense et plus froid que celui au sein de l’héliosphère. Voyager 2 a également observé une augmentation de la densité du plasma dans l’héliogaine, la zone qui précède l’héliopause, comme s’il se retrouvait comprimé contre la « paroi » qu’est l’héliopause (les chercheurs prennent l’exemple d’un chasse-neige). Croiser les données des deux sondes met aussi en évidence que le champ magnétique à l’intérieur de l’héliosphère est parallèle à celui qui en est extérieur, ils sont sensiblement similaires.

Autre observation intéressante : Voyager 1 avait pénétré l’héliopause à 119,7 UA (unité astronomique) du Soleil, là où Voyager 2 l’a traversé à 122,6 UA. Pourtant, leur trajectoire et date de lancement sont différents. Cela signifie que deux points sur la surface de l’héliosphère sont à une distance sensiblement similaire, et qu’elle donc symétrique.

Recevoir des données de la part de ces deux sondes relève du miracle, tant elles sont en fin de vie. Elles puisent actuellement dans leurs dernières réserves d’énergie. Elles continueront à observer l’espace interstellaire et à nous transmettre des informations pendant quelques années, jusqu’à s’éteindre à un moment non-défini entre 2020 et 2030. Les scientifiques profitent donc au maximum de ces tout premiers objets humains d’exploration ayant quitté le système solaire ; car il faudra ensuite du temps pour en envoyer d’autres.

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