La surface de Vénus est si peu accueillante que cette planète, voisine de la Terre, est difficile à explorer. Sa face obscure l’est encore plus. La Nasa porte un regard attentif à un projet de l’université américaine de Buffalo : un vaisseau spatial avec des ailes.

En avril 2019, la Nasa dévoilait son programme Innovative Advanced Concepts (NIAC). Le projet : financer 18 projets technologiques avant-gardistes qui pourraient révolutionner l’exploration spatiale. On y trouve par exemple des expérimentations pour concevoir des engins capables d’approcher du Soleil ; ou un sous-marin pour Titan, la lune de Saturne. Parmi tous ces concepts, un autre s’est dévoilé un peu plus ce 11 novembre : BREEZE, un vaisseau spatial pour explorer Venus. L’université de Buffalo, aux États-Unis, a détaillé son projet dans un article.

Si Mars ne vous paraît pas être une planète hospitalière avec ses températures très basses, ses pierres coupantes comme du verre et les radiations, ce n’est rien à côté de notre autre voisine, Vénus. Elle est l’une des quatre planètes telluriques du système solaire (avec Mars, la Terre et Mercure). Elle est donc rocheuse, avec un noyau, un manteau, une croûte. Ce n’est pas pour autant que sa surface est habitable. Plus proche que nous du Soleil, elle est décrite par la Nasa comme « un monde sombre d’intense chaleur et d’activité volcanique ». Son atmosphère est dense, en partie toxique en dessous d’une certaine altitude et ses températures sont si hautes (autour de 460°C) qu’elles peuvent faire fondre du plomb.

Image montrant un prototype 3D du vaisseau Breeze, destiné à explorer Venus par les airs. // Source : CRASH Lab, University at Buffalo

Image montrant un prototype 3D du vaisseau Breeze, destiné à explorer Venus par les airs.

Source : CRASH Lab, University at Buffalo

Des ailes modulables pour naviguer autour de Vénus

L’un des obstacles à l’exploration de Vénus, ce sont justement ses hautes températures. Des sondes ont déjà été envoyées par la Nasa et l’ESA, mais elles ont dû se contenter d’un survol plutôt lointain de la planète. Malgré leurs belles découvertes, il serait encore plus intéressant de pouvoir se rapprocher davantage de la surface… sauf qu’aucun rover actuel ne pourrait s’y poser. Il fonderait comme glace au Soleil.

Qui plus est, la « face nocturne » de Vénus, plongée dans la nuit, a été très peu observée. L’existence d’une telle face est causée par la lente rotation de la planète, 243 jours pour une révolution, contre 225 jours pour tourner autour du Soleil. Résultat, non seulement estimer un « jour vénusien » est complexe, mais une partie est presque perpétuellement dans l’obscurité — donc forcément très différente de la partie la plus observable. Du peu qu’on en connaît, grâce à la sonde Venus Express, les vents et les nuages s’y comportent bizarrement, ce qui mériterait d’être approfondi.

C’est pour combler tous ces vides dans nos connaissances que BREEZE serait utile [voir image du prototype 3D en haut de l’article]. Développé par le laboratoire « Crashworthiness for Aerospace Structures and Hybrids (CRASH) » de l’université de Buffalo, ce vaisseau est destiné à littéralement « voler » dans l’atmosphère vénusienne. Pour ce faire, les chercheurs se sont inspirés de la nature, et plus précisément des raies pastenagues. BREEZE est doté d’ailes modulables, imaginées à partir des nageoires pectorales de ces raies. Cette spécificité de conception pourrait permettre au vaisseau d’être pilotable facilement par les astronomes et d’affronter les turbulences causées par les vents violents de la planète.

Breeze mettra quatre à six jours pour faire le tour de Vénus

L’autre avantage de BREEZE : des panneaux solaires. Ils pourront alimenter son fonctionnement, autant que ses instruments — ceux pour collecter, par exemple, des échantillons de l’atmosphère ou pour étudier la météo. L’alimentation énergétique solaire serait être une aubaine pour enfin explorer, en détail, la face obscure. Les prévisions des chercheurs de l’université de Buffalo sont que BREEZE mettrait quatre à six jours pour faire le tour de Vénus, se rechargeant pendant deux à trois jours sur la face éclairée. Les jours restants, le vaisseau spatial pourrait explorer la face obscure.

La structure volante de BREEZE sera utile pour se rapprocher au plus près de la surface de Vénus, si peu accessible autrement. Le vaisseau se déplacerait effectivement à une altitude de 50 kilomètres, puis il plongerait encore davantage à la fin de sa mission. À noter que l’on pourrait très bien parler de BREEZE au pluriel, puisque l’université de Buffalo envisage plutôt d’envoyer plusieurs de ces vaisseaux explorer simultanément Vénus. L’équipe estime également que leur technologie — encore en développement — serait utile pour explorer Titan (la lune de Saturne) tout comme les environnements sous-marins de la Terre.

Habiter dans les nuages de Vénus ?

Il serait proprement inenvisageable d’installer une colonie humaine directement sur le sol de Vénus. En revanche, Vénus a été autrefois une sorte de sœur jumelle de la Terre (jusqu’à un changement, il y a 750 millions d’années). Dorénavant, son atmosphère a conservé quelques similarités avec notre planète en ce qui concerne la température et la pression. Il n’en fallait pas moins pour que la science-fiction envisage le projet d’y installer des cités aériennes. L’une des meilleures incarnations d’un tel récit est Le Sultan des Nuages, de Geoffrey A. Landis, paru en France chez Le Bélial’ en 2011 (9€ sur Amazon). On y retrouve un mélange entre des dirigeables et des sous-marins, où des humains habitent bel et bien, naviguant dans les airs de Vénus.

Cette novella appartient au registre de la « Hard SF », car elle est fidèle à de nombreux aspects vérifiés scientifiquement. C’est bien pour cette raison que des scientifiques eux-mêmes estiment qu’il faudrait coloniser Vénus, peut-être même avant d’envisager Mars. Deux physiciens ont imaginé en 2018, dans The Conversation, la possible installation de ballons dirigeables dans les airs de la planète. Ils se basent sur un projet que la Nasa a bel et bien dans ses cartons, répondant au nom de HAVOC (High Altitude Venus Operational Concept).

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