Un radiotélescope, conçu par une équipe néerlandaise, vient d’être déployé sur un satellite chinois. L’objectif : explorer l’âge sombre de l’Univers. Mais le déploiement des antennes n’a pas été de tout repos pour les scientifiques.

La face cachée de la Lune nous est de moins en moins inaccessible. En janvier 2019, l’événement était retentissant : la Chine a réussi l’exploit historique d’y alunir un rover. Depuis, Yutu-2 parcourt cette partie jusqu’alors inexplorée du sol lunaire. Les informations que l’astromobile nous apporte pourront, à terme, faire progresser notre connaissance de la structure de notre satellite. Mais un instrument, dorénavant installé en orbite du côté de la face cachée de la Lune, pourrait également nous en apprenne plus sur l’Univers tout entier.

Dans un communiqué publié le 26 novembre 2019 sur le site de l’université de Radboud, un radiotélescope vient d’être mis en service. Il était installé à bord du satellite chinois Queqiao, situé à 450 000 kilomètres de nous. Ce dernier prend la forme d’une antenne parabolique de 4,2 mètres de diamètre. Les antennes du radiotélescope devaient être déployées il y a déjà plusieurs mois, mais le satellite qui l’embarque sert aussi de relai de communication entre le rover Yutu-2 et la Terre. Or, cette mission étant plus fructueuse que prévu, cela a poussé les scientifiques chinois a repousser la seconde phase d’utilisation de Queqiao.

L’instrument, le Netherlands-China Low Frequency Explorer (NCLE), est le fruit d’une collaboration entre la Chine et les Pays-Bas. Son activation consistait à déployer trois antennes à bord de Queqiao. En plaçant un radiotélescope si loin de la Terre, l’avantage est que l’on peut contourner le problème des interférences atmosphériques, pour un plus grand degré de précision dans les données recueillies.

Vers le saint Graal de la cosmologie

Le NCLE peut sonder les basses fréquences, dans une tranche de 80 kilohertz à 80 mégahertz. Ses antennes porteront leur focus sur Jupiter et le Soleil, forts émetteurs de fréquences très basses. Mais la mission se veut plus ambitieuse encore. Comme l’indique le constructeur néerlandais de l’instrument, le but est de percer à jour le « saint Graal de la cosmologie », à savoir : les premiers instants qui suivent le Big Bang.

Graphique montrant la période de l'âge sombre (dark ages) de l'Univers. // Source : C. Faucher-Giguère, A. Lidz, and L. Hernquist, Science 319, 5859

Graphique montrant la période de l'âge sombre (dark ages) de l'Univers.

Source : C. Faucher-Giguère, A. Lidz, and L. Hernquist, Science 319, 5859

Les scientifiques espèrent que le NCLE, grâce à son emplacement stratégique, offrira des observations inédites sur l’âge sombre de l’Univers, la période qui précède même la naissance des premières étoiles. Les signaux radio qui proviennent de cette aube cosmique sont faibles, raison pour laquelle il est nécessaire de réduire au maximum l’impact des interférences atmosphériques de la Terre et d’utiliser des instruments toujours plus puissants, afin récupérer les données les plus claires et exploitables possible.

Les émissions radio sont l’un des rares indices que l’on peut observer de cette période lointaine. Elles sont à percevoir en quelque sorte comme des résidus archéologiques, sauf qu’en l’occurrence, ces derniers peuvent nous montrer comment les étoiles et les galaxies sont apparues ; si ce n’est nous en dire plus sur ce que sont vraiment la matière noire et l’énergie noire.

Une observation en plusieurs étapes

L’équipe de pilotage du satellite n’a pas déployé le radiotélescope sans difficultés. « Être restées longtemps derrière la Lune a probablement affecté les antennes », indique le communiqué. Le déploiement des antennes avait bien commencé, mais les choses se sont rapidement compliquées. Les scientifiques ont décidé d’interrompre le processus avant que les antennes soient pleinement ouvertes. « L’équipe a décidé de collecter d’abord des données, puis peut-être déployer davantage les antennes plus tard. »

Trois photos montrant l'ouverture de l'une des trois antennes à bord de QueQiao. // Source : Radboud University

Trois photos montrant l'ouverture de l'une des trois antennes à bord de QueQiao.

Source : Radboud University

En conséquence, les antennes sont actuellement plus courtes que prévu. À ce stade, elles sont capables de détecter des signaux radio jusqu’à 800 millions d’années après le Big Bang, soit l’époque où se forment les premiers amas de galaxies. Lorsque les scientifiques décideront que l’ouverture complète des antennes est possible, et si tout se passe bien, alors le radiotélescope pourra enfin pousser son niveau de sensibilité aux tous premiers âges après le Big Bang.

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