Un surplus d’énergie est émis depuis le centre de notre galaxie, la Voie lactée. On connaît depuis longtemps ce surplus et il a un nom : Galactic Center GeV Excess. La nature de ces rayons gamma exclut la possibilité qu’ils proviennent du trou noir supermassif. Leur source est une énigme jusqu’ici inexpliquée par l’observation directe, mais une modélisation était censée avoir clôt la question en 2015. Le modèle justifiait le surplus par un pulsar. Des chercheurs du MIT viennent de rouvrir le débat, en publiant une étude, ce 11 décembre 2019, dans Physical Review Letters.
Les rayons gamma sont au plus haut niveau énergétique dans le spectre électromagnétique. Ils sont toujours émis par des sources puissantes, comme des supernovas, des pulsars, des quasars. C’est une première piste pour expliquer cette concentration de rayons gamma au centre de la Voie lactée. Une autre hypothèse est qu’ils proviennent d’une sorte de « nuage de matière noire » (dixit le MIT), dont les particules pourraient bel et bien produire ce surplus d’énergie en s’entrechoquant.
Une faille dans le modèle de 2015
En 2015, à partir des données fournies par le Fermi Gamma-ray Space Telescope, une équipe de scientifiques a établi un modèle dont les résultats semblaient exclure la matière noire. Ils concluaient avec une certaine certitude que la source de cette énergie était un pulsar. Ce type d’objets astronomiques correspond à des étoiles à neutrons, mais avec ceci de particulier qu’elles tournent très rapidement sur elles-même. Une révolution totale peut durer quelques millisecondes. Contrairement à ce que leur nom indique, les pulsars n’émettent pas réellement des « pulsations ». Il s’agit de pics de chaleur, à leurs pôles, qui provoquent l’émission intermittente de rayonnement gamma.
Cette étude de 2015 était dirigée par la physicienne Tracy Slatyer. En 2019, elle remet elle-même en cause ses précédents résultats. Il n’y a rien d’incohérent dans cette démarche, cela fait tout simplement partie de la méthode scientifique : même lorsqu’un modèle aboutit à une explication cohérente, on continue à en chercher d’éventuelles contradictions, à le mettre à l’épreuve de l’expérimentation. Dans le cas présent, heureusement. La seconde étude, intitulée « Revival of the Dark Matter Hypothesis », indique que le modèle utilisé n’était finalement pas fiable à cause d’une erreur cruciale dans sa conception mathématique.
L’équipe de chercheurs dirigée par Tracy Slatyer a mis à l’épreuve le modèle en y intégrant des faux signaux de matière noire. Ces rayonnements gamma étaient alors, malgré tout, interprétés comme provenant d’un pulsar. Il s’avère que le modèle associe n’importe quel rayon gamma à un pulsar, ce qui n’est évidemment pas crédible. Cela signifie que ce système d’analyse qu’ils ont conçu en 2015 est incapable de détecter la matière noire, il n’en tient tout simplement pas compte. C’est ce que les chercheurs appellent un « effet de mauvaise modélisation ». Cette faille change tout. Les résultats établissant la source du Galactic Center GeV Excess comme un pulsar tombent à l’eau.
Si c’est bel et bien de la matière noire, les implications sont énormes
Dans le communiqué du MIT, Tracy Slatyer indique que la constatation de cette erreur rouvre en grand la porte à une explication par la matière noire : « C’est excitant parce que nous pensions avoir éliminé la possibilité qu’il s’agisse de matière noire. » Le travail des chercheurs consistera maintenant à mieux comprendre les raisons de la faille dans leur modèle. Ils vont aussi continuer à explorer les raisons de ce surplus énergétique. S’il s’avère que la matière en est la raison… les implications sont énormes. « Si c’est vraiment de la matière noire, ce serait la première preuve d’une interaction entre la matière noire et la matière visible à travers d’autres forces que la gravité », précisent les chercheurs du MIT.
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