C’est une phrase choc à la mesure de l’échec : la militante écologiste Greta Thunberg a déclaré, à l’issue de la COP25, que « la science est claire, mais la science est ignorée ». La 25e conférence internationale sur les changements climatiques se tenait à Madrid, du 4 au 13 décembre 2019. Elle fut la plus longue de l’histoire, avec deux jours et deux nuits de prolongations, autant qu’elle fut l’une des plus péniblement inutiles. Ce qu’il faut en retenir ? Pas grand-chose, si ce n’est que, comme la COP24, la COP23, et la COP22, la science n’est, au fond, pas réellement prise en compte.
Si un accord a bien été trouvé, à la fin de cette interminable COP25, il est extrêmement minime. Le texte, qui a été adopté à l’unanimité, appelle à des « actions urgentes » mais n’en adopte pour ainsi dire aucune. Le ton du texte est très laconique et se borne même, dans son point n°3, à « noter avec attention l’état du système climatique mondial ». En être encore là en 2019 a de quoi agacer. Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres s’est dit déçu de ce résultat et constate qu’une opportunité a été manquée. La communauté scientifique et les militants écologistes lui donnent largement raison.
Pas d’accord sur les marchés du carbone
L’un des plus grands échecs de cette COP est sans aucun doute l’absence d’accord sur l’article 6 de l’Accord de Paris, dédié aux marchés du carbone. Voilà quatre ans, depuis la COP21, que cet article est discuté sans réellement entrer en vigueur. Quatre ans de tergiversations sans débouchés alors que l’on sait qu’un marché du carbone serait essentiel pour lutter contre l’émission de gaz à effet de serre. Un tel « marché » viserait en effet à mettre en place un système pollueur-payeur drastique et efficace. L’adoption de cette mesure a été repoussée à la COP26, qui se tiendra en Écosse. Les pays les plus pollueurs comme l’Inde ou la Chine n’ont déclaré aucun engagement important, mais peut-être plus marquant encore, des états comme l’Arabie Saoudite, le Brésil et l’Australie sont accusés par les écologistes de vouloir amender l’article 6 pour en réduire les contraintes.
Le dioxyde de carbone représente pourtant bien 77 % des émissions totales émises par l’humanité. Ce gaz à effet de serre contribue activement au changement climatique, il provient de la combustion des énergies fossiles, de l’industrie de la cimenterie, de l’agriculture et de la déforestation par le feu. Si l’augmentation constante des émissions a légèrement baissé en 2019, le consortium scientifique Global Carbon Project indiquait dans son rapport annuel qu’elles vont être amenées à réaugmenter en 2020. « Il est urgent de redoubler d’efforts pour rester sous la barre des ‘bien en dessous de 2° C fixée dans l’Accord de Paris », alertaient alors les chercheurs, à l’appui de leur analyse.
L’Accord de Paris est insuffisant : raison de plus pour essayer de le respecter
En décalant la décision pour 2020, les États poussent les prévisions scientifiques jusque dans leurs plus extrêmes limites. Les Nations unies ont elles-mêmes rappelé, dans un récent rapport ouvrant la COP25, que l’écart entre les politiques actuelles et les urgences est trop grand. À partir de 2020, nous entrons dans une phase charnière : « À l’aube de l’année 2020, nous devons maintenant réduire nos émissions à un taux de 7,6 % par an entre 2020 et 2030. Si nous ne le faisons pas, nous manquerons la dernière opportunité historique de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. »
L’Accord de Paris, adopté en 2015 lors de la COP21, était justement là pour préparer le terrain à cette réduction dans la décennie qui arrive. Et pourtant, même l’Accord de Paris reste assez faible dans ses ambitions et effets positifs potentiels. Une étude scientifique publiée le 4 novembre 2019 dans Proceedings of the National Academy of Sciences indiquait que l’Accord de Paris n’était pas suffisant, même s’il était respecté, pour empêcher l’élévation du niveau de la mer. Dans ce contexte, il apparaît d’autant plus improbable de repousser l’adoption de mesures phares aux calendes grecques.
Les jeunes et les scientifiques sont désabusés
L’échec de cette COP25 est politique, puisqu’aucun accord digne de ce nom n’a pu être établi en l’absence de consensus. Mais ce qui saute encore plus aux yeux, et qui a été relevé par la plupart des observateurs compétents, est le décalage toujours plus profond entre la science et les négociations politiques liées au climat. « Je n’ai jamais vu une telle déconnexion (…) entre ce que la science requière, ce que les gens demandent, et ce que les négociateurs délivrent », déplore auprès de l’AP Alden Meyer, spécialiste en politiques climatiques.
Sur les réseaux sociaux, dans les articles de presse, les déclarations des scientifiques vont dans le sens d’une fenêtre d’opportunité qui se referme toujours plus à mesure que les grandes décisions sont repoussées systématiquement à l’année suivante. Car en réalité, le résultat de la COP25 n’est pas une nouveauté. Les mêmes constats de déception et quasiment les mêmes articles paraissaient déjà pour la COP24 (« pourquoi le nouvel accord sur le climat déçoit »), la COP23 (« le décevant bilan de la COP23 »), la COP22 (« les financements climat repoussés à 2018 »).
Les plus jeunes militants, appartenant à des mouvements comme Youth For Climate, ont également partagé leur inquiétude face à une ignorance totale des faits scientifiques. Dans leurs tweets, ils apparaissent terriblement désabusés face aux débouchés politiques inexistants de la COP25. « Quel type d’avertissement, quel type de preuve scientifique nos dirigeants attendent ? », s’inquiète Luisa Mneubauer, l’une des fondatrices des Fridays For Future.
Cette conférence sur le climat a peut-être pour seule marque historique de mettre en évidence plus que jamais ce décalage ; cette ignorance des faits établis par la science sur l’urgence climatique.
L’instant d’espoir de cette COP25 : le Pacte vert
Le mercredi 11 décembre, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a réveillé cette soporifique COP25 en présentant les grandes lignes de son plan pour mettre en place un Green Deal européen, un Pacte vert en français. Si l’Accord de Paris fixe des réductions de gaz à effet de serre autour de 40 % pour 2030, Ursula von der Leyen n’hésite pas à annoncer viser les 50-55 % pour l’Union européenne.
L’objectif final : la neutralité carbone pour 2050. Ce Pacte vert est en bonne voie pour être adopté, même s’il faudra encore convaincre les pays récalcitrants, à savoir la Pologne, la Hongrie et la République tchèque. La loi climatique européenne n’est donc pas encore en vigueur, loin de là, et certaines ONG estiment même qu’elle reste moins ambitieuse qu’annoncée. Toutefois, l’UE reste la seule puissance mondiale à avoir fait de réelles déclarations fortes portant potentiellement sur du concret. La Banque européenne d’investissement a déjà entériné la mesure de stopper le financement de l’énergie fossile d’ici 2021.
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