Dans l’histoire de la planète, cinq extinctions de masse ont déjà eu lieu. La sixième est peut-être en cours. Cette idée s’impose de plus en plus dans la communauté scientifique, face à un taux de disparition des espèces toujours plus rapide et bien au-delà de la normale. L’année 2019 est d’ailleurs marquée par la publication, en mai dernier, d’un rapport choc de l’IPBES : selon cette organisation réputée, pas moins de 1 million d’espèces sont à l’heure actuelle menacées d’extinction.
Si la planète compte probablement des dizaines de millions d’espèces, le danger qui pèse sur la biodiversité est tout sauf négligeable. Pour en prendre la mesure, les chiffres à l’échelle de la décennie des années 2010 sont parlants. Le référencement des extinctions est proposé en ligne par l’Union internationale pour la conservation de la nature. Cette organisation propose une « Red List », consultable sur son site internet.
Il est possible de paramétrer cette liste en fonction du statut des espèces, des zones géographiques et des années. Si l’on entre des données pour la terre entière, entre 2010 et 2019, les chiffres qui apparaissent sont frappants. Au total, ce sont 476 espèces qui se sont éteintes lors de la décennie :
- 435 espèces sont entièrement éteintes.
- 41 espèces sont éteintes dans la nature (cela signifie qu’elles perdurent toujours dans des parcs et divers lieux protégés).
Ces chiffres sont à lire en ayant en tête que le « taux normal » des extinctions, hors période d’extinction de masse, est d’une espèce par an, avant l’humanité. Relevons également que, parfois, les espèces peuvent avoir disparu un peu avant leur année de disparition officielle, mais il faut du temps pour que les scientifiques soient définitivement certains que plus aucun individu n’existe. Déclarer une espèce comme éteinte est une ultime résignation, quand toutes les recherches se sont avérées infructueuses. Les chiffrent à l’échelle d’une décennie spécifique relèvent donc d’une estimation… d’autant qu’il existe des espèces non-encore répertoriées qui disparaissent elles aussi.
Un mammifère disparu à cause du changement climatique
C’est en 2016 que, pour la première fois, un mammifère a été déclaré éteint avec pour cause certaine le changement climatique. Le petit rongeur Melomys rubicola a été aperçu pour la dernière fois par un pêcheur en 2009. Le scénario est le même que pour bien d’autres extinctions passées et à venir, mammifères ou non : la destruction de l’habitat. En l’occurrence, face à la montée des eaux due au réchauffement, l’île sur laquelle vivait le rongeur a perdu une grande partie de sa végétation, faisant disparaître 97 % de l’habitat de Melomys rubicola.
Une grenouille répondant au doux nom de Toughie fut déclarée morte, également en 2016, signant avec elle la fin de toute son espèce, dont elle était la dernière représentante. Elle était pourtant unique au monde : ses pattes donnaient l’impression d’être trop grandes par rapport à son corps, lui donnant un petit air pataud amusant. Un escargot nommé George est lui aussi décédé, le 1er janvier 2019, en marquant la fin de son espèce (Achatinella apexfulva, des escargots tropicaux très colorés) après des années de destruction de son habitat forestier à Hawaï.
Quand une espèce a disparu, il n’y a pas de retour en arrière
En 2012, c’est George le solitaire qui a rendu son dernier souffle. Il était le dernier représentant de l’une des 13 sous-espèces de tortues des Galapagos. Peu de temps après, des scientifiques ont toutefois découvert plusieurs individus qui descendaient des mêmes ancêtres que lui, avec des correspondances partielles dans l’ADN. Cette trouvaille a fait naître, depuis, l’espoir de redonner vie un jour à l’espèce de George — voire de se rendre compte qu’il en perdure encore d’autres individus.
L’enjeu est bien là : quand une espèce a entièrement disparu, sans plus aucun représentant, elle ne pourra pas naturellement renaître. Lorsque nous évoquions cet été les conséquences désastreuses des feux causés par la déforestation en Amazonie, l’écologue Philippe Grandcolas nous précisait que même une reforestation ne permet de réellement raviver un écosystème local détruit : « Quand on reforeste une région où il y a un vide total de forêt autour, on ne retrouve pas la biodiversité forestière : 95 % des animaux et des plantes qui vivaient dans ces espaces seront définitivement perdus. La plupart des espèces ne sont pas capables de revenir à distance, car très sédentaires. » La destruction des habitats est une menace pour la biodiversité autant que le changement climatique et la pollution.
Quand une espèce en est à son clap de fin, il n’y a pas de retour en arrière possible. Les disparitions croissantes sont rapides, là où, à l’échelle planétaire, la création de nouvelles espèces se fait lentement au gré de l’évolution des gènes, des environnements. En revanche, chaque extinction d’espèce perturbe quasi-immédiatement et profondément tout l’équilibre des écosystèmes (des prédateurs en manque de proies et inversement, par exemple). D’où la nécessité de tout mettre en œuvre pour sauver les derniers individus survivants d’une lignée.
Toujours plus d’espèces en voie d’extinction
En plus de toutes ces espèces déclarées éteintes, d’autres ont vu le péril pour le survie croître constamment au fil de la décennie. Si l’on regarde à nouveau la fameuse Red List selon les paramètres du danger d’extinction et non plus de l’extinction, alors entre 2010 et 2019, ce sont 12 192 espèces qui ont été nouvellement classées comme en danger ou en danger critique, auxquelles on peut rajouter plus de 7 000 classées comme vulnérables. Et ce sont seulement celles ajoutées pour cette décennie, selon cette liste spécifique ; car l’IPBES en évoquait, rappelons-le, 1 million en danger.
Les marsouins de Californie sont par exemple passés à 600 en 1997 à 10 individus dans les années 2010. Plus tragique encore, car l’extinction semble inéluctable : il ne reste plus que deux rhinocéros blanc du Nord, en Afrique. Le dernier mâle est mort en 2018… et les femelles survivantes sont trop âgées pour être inséminées. L’espèce disparaîtra lors de la prochaine décennie.
À toutes ces espèces que nous avons brièvement évoquées, il s’en rajoute bien d’autres, dont les noms et les descriptions ne vous parleront pas mais dont l’existence apportait un équilibre particulier à leur écosystème et faisait partie, plus simplement encore, de la richesse de la vie sur Terre.
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