Les mammifères ont évolué en prenant des chemins parfois très différents, mais des points communs ont perduré. La structure neuronale de votre chien a donc quelques mécanismes similaires avec la vôtre. Le sens des quantités en fait partie. Des scientifiques de l’université d’Emory, aux États-Unis, ont publié ce 18 décembre 2019, dans Biology Letters, une étude confirmant que les chiens ont non seulement ce sens des quantités, mais que cela active les mêmes zones dans leur cerveau que dans le nôtre.
Évidemment, les canidés domestiques ne sont pas des experts en mathématiques. Ils ne savent d’ailleurs pas compter jusqu’à 10. En revanche, toute une panoplie d’études avance qu’ils savent compter jusqu’à 5 et qu’ils semblent se rendre compte quand quelque chose cloche dans une mauvaise addition. De manière générale, on sait que dans le règne animal de nombreuses espèces disposent d’une capacité à estimer les quantités — ce qui peut d’ailleurs s’avérer logiquement essentiel à leur survie dans la vie sauvage. Les scientifiques de l’université d’Emory apportent toutefois d’intéressantes précisions, puisqu’ils ont exploré les ressorts neurologiques du rapport qu’entretiennent les chiens domestiques avec les nombres.
Un sens inné chez l’humain comme chez le chien
Pour cette étude, onze chiens de races différentes ont été installés face à un tableau affichant différents nombres de points. Pendant ce temps, leur cerveau était passé au crible à l’aide d’un système IRM. Lors des changements dans le nombre de points, la zone du cerveau s’activant était très nettement le cortex pariétal. Pour s’assurer que cette réaction provenait bien du nombre et de rien d’autre, les points changeaient aussi de taille par moments. Les scientifiques ont alors pu observer que la réaction en cas de changement de taille n’était pas la même que celle en cas de simple changement de nombre, ce qui permet de conclure que le cerveau réagit bel et bien aux nombres dans cette zone.
Si cette observation confirme que les chiens ont un sens des quantités, elle démontre aussi que ce sens est inné… comme chez les humains (même un nouveau-né dispose de la « numérosité »). « Notre travail ne montre pas seulement que les chiens utilisent les mêmes parties du cerveau que les humains pour traiter les nombres et les objets — cela montre qu’ils n’ont pas besoin d’être entraînés pour ce faire », relève le psychologue Gregory Berns, co-auteur de l’étude.
Dans la plupart des précédentes expérimentations, les animaux avaient effectivement reçu un entraînement spécifique. C’était le cas pour des tests similaires où l’on avait déduit que les singes utilisent le cortex pariétal pour comprendre les valeurs numériques. Sauf qu’en préparation des tests, les sujets recevaient des récompenses pour sélectionner les nombres les plus grands. Sans invalider totalement les résultats, cela implique un biais quand au naturel du mécanisme. Les chercheurs de la récente étude sur les chiens insistent donc : leurs chiens ont seulement été entraînés à rester calmes et concentrés face au tableau, rien de plus.
L’apport le plus important de ces travaux de recherche est probablement là : la capacité de « quantification » n’est pas un système spontané, inné, seulement chez les humains, mais aussi pour d’autres mammifères. Les 80 millions d’années qui nous séparent du moment où l’humain et le chien ont dévié dans leur évolution n’auront pas eu raison de ce point commun. « Nos résultats apportent la preuve la plus forte que cette ‘numérosité’ est un mécanisme neuronal partagé qui remonte au moins aussi loin », indique Gregory Berns. Le chercheur aimerait maintenant comprendre l’histoire évolutive ayant développé la capacité unique de l’être humain à porter le sens des quantités à des niveaux aussi complexes que les mathématiques.
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