La période de fêtes s’accompagne souvent d’une consommation d’alcool plus élevée que la normale : quelques verres de champagne par-ci au réveillon de Noël, puis d’autres verres par-là le 25 décembre, suivi du traditionnel Nouvel An où l’absorption de boissons alcoolisées diverses et variées s’avère souvent excessive. Cette surconsommation d’alcool n’est pas sans conséquence physique sur notre corps : des gueules de bois aux blackouts, les débouchés peuvent être néfastes pour notre santé.
Le 29 décembre 2019, les deux scientifiques Nicole Lee et Brigid Clancy, spécialisées dans l’étude des modes de consommation d’alcools et de drogues, ont publié un article dans The Conversation décrivant scientifiquement les effets des boissons alcoolisées sur notre corps et notre cerveau. Elles en profitent pour fact-checker quelques mythes sur les soi-disant « remèdes » à la gueule de bois.
Pourquoi avons-nous la gueule de bois ?
Comprendre les raisons de la gueule de bois, c’est aussi comprendre pourquoi la consommation excessive d’alcool fait souffrir votre corps. En cas de gueule de bois, on se sent mal : des crampes, des nausées, de la fatigue, la tête qui tourne. Les explications sont à trouver dans la façon dont l’alcool perturbe notre organisme : qu’importe la nature de l’alcool bu ou les mélanges, les effets biologiques sont globalement les mêmes pour les mêmes quantités. La substance alcoolisée arrive dans votre estomac, puis passe dans l’intestin grêle, avant de pénétrer votre flux sanguin. C’est tout ce processus qui peut endommager nos corps.
L’alcool est une boisson diurétique : cela signifie qu’elle entraîne une augmentation des sécrétions, notamment urinaires. Vous allez bien plus souvent aux toilettes en buvant de l’alcool qu’en consommant la plupart des boissons non-alcoolisées. L’absorption en grandes quantités d’un diurétique provoque la déshydratation. En épuisant tous ses liquides, votre organisme finit par manquer d’eau. Ce n’est pas bon pour le corps. « La déshydratation peut vous faire sentir étourdi, somnolent et léthargique », expliquent les chercheuses.
L’alcool ne fait pas que déshydrater le corps, il irrite aussi la paroi de l’estomac. Cette irritation est la cause des vomissements, voire des diarrhées, en cas de surconsommation. Les « électrolytes sanguins », c’est-à-dire les sels minéraux qui circulent dans le sang, sont également déséquilibrés à cause de l’irritation stomacale : c’est là que l’on trouve l’une des explications à la fatigue et aux crampes causées par une soirée trop alcoolisée.
Les vaisseaux sanguins et le sommeil sont affectés par l’alcool
Les conséquences biologiques relevées par les scientifiques ne s’arrêtent pas là. L’un des résultats bien connus de la gueule de bois est un terrible mal de crâne. Cette migraine provient de la déshydratation et du déséquilibre des électrolytes, mais pas seulement : plus vous enchaînez les verres, dans des proportions excessives, plus vos vaisseaux sanguins se dilatent, ce qui perturbe la circulation dans tout le corps, jusqu’au cerveau.
D’ailleurs, puisque notre focus est porté sur le flux sanguin : en pénétrant dans votre sang, l’alcool l’empêche de produire du glucose, ce qui entraîne un taux de sucre trop faible dans le corps. Raison pour laquelle vous pouvez vous sentir physiquement faible lors d’une gueule de bois, si ce n’est un engourdissement proche de la léthargie.
La liste des effets néfastes sur le corps continue. Votre sommeil subit lui aussi un impact — voilà pourquoi la gueule de bois se poursuit, et s’avère même plus sévère, le lendemain matin après une petite nuit. L’alcool donne d’abord l’illusion que l’on a sommeil, que l’on s’endort plus facilement, mais c’est tout l’inverse : la surconsommation mène à l’interruption du rythme circadien (l’horloge biologique, soit le rythme veille-sommeil, est perturbée) et interfère même avec le sommeil paradoxal (le dernier stade du sommeil).
Dépression, anxiété : l’alcool agit aussi sur le cerveau
Les deux chercheuses rappellent que l’alcool affecte quoi qu’il arrive le cerveau — qu’il y ait surconsommation ou non. Et l’une des conséquences peut avoir un impact direct sur votre humeur : c’est le phénomène de l’« hangxiety », contraction anglophone de hangover (gueule de bois) et anxiety (anxiété).
Quand vous ingérez de l’alcool, quel qu’il soit, la production des neurotransmetteurs GABA (acide γ-aminobutyrique) est boostée. Ce processus « calme le cerveau, et bloque la production de glutamate, une substance associée à l’anxiété. Cette combinaison est ce pourquoi joyeux et détendu pendant la soirée ». Mais le cerveau est une machine complexe et bien huilée. En l’occurrence, c’est un mécanisme d’auto-régulation qui va poser problème. « Votre cerveau aime être en équilibre, donc en réponse à la consommation d’alcool, il produit plus de glutamate et bloque le GABA. C’est là, la clé du sentiment d’angoisse le lendemain matin », expliquent les deux scientifiques.
D’ailleurs, c’est bien pour cette raison que l’alcool peut aggraver une situation de tristesse et de dépression. Vous vous sentirez peut-être plus détendu pendant la soirée, au moment de la consommation, mais votre mal-être sera ensuite démultiplié sur une période bien plus longue que ces quelques minutes de plaisir illusoire.
Plus vous buvez, et plus vous buvez rapidement, plus vous risquez un blackout
Il n’y a pas que l’« hangxiety ». Même quand on boit très peu d’alcool, on a tous et toutes, dans notre entourage, quelqu’un qui a vécu une expérience de blackout : ne plus avoir le moindre souvenir d’une soirée. Cette personne était parfaitement conscience pendant qu’elle buvait, elle pouvait danser, rigoler, tenir des conversations, mais elle ne s’en souviendra pas.
L’explication est simple : au-delà d’un certain niveau d’alcool dans le sang, le cerveau n’a plus la capacité de former de nouveaux souvenirs. « Si vous considérez votre cerveau comme un classeur, les dossiers vont directement à la poubelle, donc quand vous essayez plus tard de les chercher, ils sont perdus », illustrent Nicole Lee et Brigid Clancy. Si la quantité joue un rôle dans les blackouts, la rapidité aussi. Plus vous buvez en le faisant rapidement, plus les risques sont élevés.
Ne mettez pas votre santé en danger : prévoyez de vraies limites
« Il n’y a aucun moyen de guérir une gueule de bois », affirment les chercheuses, en brisant par la même occasion tous les mythes autour des remèdes anti-gueule de bois. «Si vous avez trop bu, vous pourrez pas devenir rapidement sobre. La chose seule efficace, c’est le temps, pour que l’alcool soit éliminé de votre corps. » Les deux scientifiques s’en prennent par exemple à la célèbre légende urbaine consistant à combattre le mal par le mal : boire de l’alcool au petit matin pour combattre les effets de l’alcool. En anglais, cette pratique est nommée « hair of the dog ». Mais elle n’a aucun fondement scientifique.
« Boire le lendemain matin retarde l’apparition des symptômes et donc vous fait vous sentir mieux temporairement. Votre corps a besoin de temps pour se reposer, pour métaboliser l’alcool que vous avez déjà consommé et pour réparer les dommages causés par une nuit de forte consommation. Donc ce n’est pas une bonne idée. » Qui plus est, le besoin de boire constamment un nouveau verre d’alcool peut être le signe d’une dépendance.
Nicole Lee et Brigid Clancy concluent leur article en indiquant qu’une bonne prévention est meilleure que n’importe quoi d’autre. Elles conseillent de fixer à l’avance une limite précise de quantité et vous ne pas y déroger. Pour ce faire, rien de mieux que de compter les verres bus, et de s’arrêter lorsque le nombre pré-fixé est atteint. Elles suggèrent aussi d’éviter la pratique des shots, peu saine pour l’organisme à cause de la rapidité d’absorption et de l’accumulation de verres que l’on ne compte plus.
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