La recherche de matière noire ne consiste qu’à confirmer, par des observations indirectes, des hypothèses. Même s’il n’existe pas vraiment de preuve que cette matière existe, elle est nécessaire pour expliquer le modèle standard de la physique. Une découverte annoncée par la Nasa ce 8 janvier 2020 tendrait à confirmer l’une des hypothèses les plus fondamentales : la théorie de la matière noire froide. D’après les auteurs de la trouvaille, de la matière noire existerait sous forme de petits amas. C’est loin d’être un détail.
L’idée d’une matière noire « froide » n’est pas tant une question de température que de vitesse. L’expression fait référence à des particules lentes. Ce serait grâce à ces particules lentes de matière noire que l’Univers est tel qu’on le connaît aujourd’hui. Selon cette théorie, chaque galaxie se serait formée à l’aide de nuages de matière noire. Sauf qu’il y avait jusqu’ici un problème pour confirmer cette sous-hypothèse au sein de la grande hypothèse.
Puisque la matière noire n’a jamais été détectée par observation directe, elle est mesurée de manière indirecte, à travers les autres objets cosmiques. Sa présence est notamment suggérée par la façon dont elle peut changer le mouvement des étoiles, des planètes, des galaxies par sa force de gravité. Ce type de calculs a déjà mis en lumière la présence potentielle de matière noire dans les galaxies de grande taille, sous la forme d’amas. Mais elle est introuvable à de plus petites échelles : a priori, il n’existait pas de petits amas de matière noire.
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Comprendre la matière noire en 5 grandes questionsMatière noire chaude vs matière noire froide : le débat résolu ?
Quand une théorie a une lacune, les scientifiques cherchent des explications rationnelles aux obstacles en adaptant les hypothèses. Pour justifier l’absence de petits amas de matière noire, l’existence d’une matière noire « chaude » a été envisagée. Plutôt que des particules froides et donc lentes, cette mystérieuse matière serait formée de particules chaudes et donc rapides… bien trop rapides pour avoir le temps de se concentrer en petits amas. Raison pour laquelle on ne pourrait trouver des amas de matière noire qu’à de grandes échelles.
La nouvelle découverte, annoncée par la Nasa ce 8 janvier, remet les particules froides sur le devant de la scène. Pour la première fois, des calculs établissent l’existence de petits amas de matière noire. C’est à l’équipe de télescope spatial Hubble que l’on doit ce revirement. Leurs observations fournissent « les preuves les plus solides à ce jour de la présence de petits amas de matière noire froide », selon la cheffe de projet Anna Nierenberg.
Obtenir de telles « preuves » (ou plutôt, indices) était d’autant plus difficile que, par définition, les lieux qui manquent de matière noire sont les plus petites galaxies, les zones qui manquent d’étoiles. Il est donc beaucoup moins aisé de mesurer l’impact potentiel de la matière noire sur les objets cosmiques, quand ceux-ci sont absents ou en faible nombre. L’équipe d’Hubble a élaboré une technique pour dépasser ce problème : plutôt que de cibler les étoiles, les chercheurs ont identifié huit « lampadaires cosmiques » que sont les quasars — régions très lumineuses, faites d’oxygène et de gaz, autour d’un trou noir actif.
Des galaxies comme « loupes géantes »
La suite fait partie des miracles de l’astrophysique : à l’aide du télescope Hubble, ils ont utilisé des galaxies massives comme « lentilles » pour observer les quasars, en les alignant le plus parfaitement possible. Cette lentille galactique fait office de « loupe géante », et elle génère un phénomène où l’image du quasar se quadruple et se déforme. Ces différentes images déformées permettent au chercheur d’évaluer le niveau de matière noire influençant la lumière du quasar. Les chercheurs ont comparé les observations avec les prédictions statistiques.
C’est le résultat de tout ce procédé qui leur a permis d’établir le plus solidement possible la présence de tous petits amas de matière noire. Les taux de concentrations détectés représentent entre un dix millième et un cent millième de la concentration de matière noire formant possiblement la Voie lactée. C’est la première fois, dans la recherche en physique fondamentale, que des concentrations aussi faibles semblent possibles.
Cette découverte, ne se basant pas sur l’observation traditionnelle gravitation / étoile, n’a pu se faire que grâce à Hubble. Il fallait une perception parfaitement nette de la lumière émise par les quasars. « C’est incroyable qu’après presque 30 ans de fonctionnement, Hubble permette des avancées sur la physique fondamentale et la nature de l’Univers dont nous ne rêvions même pas lorsque le télescope a été lancé », se réjouit l’un des chercheurs dans le communiqué.
Le fait est qu’il n’y a toujours aucune preuve de l’existence des particules composant l’hypothétique matière noire. Mais ce type de travaux, et leurs avancées, permettent à cette théorie de gagner toujours plus en solidité. C’est crucial, tant la matière noire semble structurer l’Univers, et notamment les galaxies.
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