Une équipe de Caltech et de l’université de Stanford a intégré une prothèse à des méduses, multipliant leur vitesse par des impulsions électriques. Une drôle d’idée. Franchit-elle la ligne rouge des expériences sur le vivant ?

Les méduses sont, par nature, une espèce aux multiples capacités fascinantes. Elles constellent les océans, au sein desquels elles se meuvent avec une facilité déconcertante. Et si elles nous aidaient, justement, à explorer les océans ? Le mercredi 29 janvier 2020, une étude parue dans Science Advances détaille une étonnante expérience : des chercheurs de Caltech et de l’université de Stanford ont créé des « méduses cyborg », c’est-à-dire bioniques.

Ces chercheurs ont intégré une prothèse microélectronique sous le ventre de plusieurs spécimens de méduse lune (Aurelia aurita). L’appareil fonctionne avec une batterie au lithium et un microprocesseur. Il « contrôle » la nage des méduses à partir de petites impulsions électriques envoyées au sein des tissus musculaires. La prothèse n’est pas directement insérée au sein du corps de la méduse : c’est un petit boitier, maintenu par une épingle en bois et les deux électrodes.

La méduse de l'espèce Aurelia aurita, ou méduse lune. // Source : Pixabay

La méduse de l'espèce Aurelia aurita, ou méduse lune.

Source : Pixabay

Cette description du procédé n’est pas sans amener immédiatement quelques réflexions éthiques. Dans un annexe, l’équipe de recherche prend soin de préciser que les méduses sont des « animaux invertébrés sans système nerveux central ou nocicepteurs [récepteur sensoriel de la douleur, ndlr] déclarés ». Les méduses n’ont pas non plus de cerveau. Les chercheurs ont « pris des mesures » pour s’assurer « qu’aucun dommage tissulaire inutile ne se produise lors des expériences ». Par exemple, la seule réaction au stress connue de la part des méduses est la production de mucus : or, les chercheurs affirment que l’utilisation de la prothèse bionique n’en a généré aucune.

Une idée plus écologique ou une idée non-éthique ?

Sur les méduses testées, il s’est avéré que l’appareil a été capable de multiplier par trois leur vitesse, bien au-delà de ce qu’elles pourraient atteindre naturellement. Cette vitesse accrue n’entraîne qu’une augmentation de deux fois la dépense métabolique habituelle pour les méduses — ce qui signifie aussi qu’il ne faut pas mettre beaucoup d’énergie dans les impulsions pour qu’elles produisent l’effet escompté.

L’équipe de recherche veut continuer à développer leur idée de « robots biohybrides ». Parmi les projets : influer sur l’endroit où se rendent les méduses, mais aussi leur intégrer des caméras et des capteurs pour qu’elles enregistrent, au passage, de nombreuses mesures sur leur environnement (températures, salinité, nutriments…). Selon les auteurs de l’expérimentation, il y a deux applications concrètes à leurs travaux : améliorer l’hybridation entre la robotique et le vivant et améliorer l’étude des océans.

Il est vrai que les méduses vivent dans les océans depuis 500 millions d’années. Explorer les océans par ce biais est bien plus « propre » que l’utilisation d’un sous-marin ou de drones subaquatiques. Ceci dit, les arguments éthiques des chercheurs restent peu convaincants : les méduses sont une forme de vie et influer sur leurs mouvements par des impulsions électriques n’est pas loin de franchir la ligne rouge — si ce n’est déjà fait.

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