« Regardez ce point. C’est ici. C’est notre foyer. C’est nous. Dessus se trouvent tous ceux que vous aimez, tous ceux que vous connaissez, tous ceux dont vous avez jamais entendu parler, tous les êtres humains qui aient jamais vécu. La somme de nos joies et de nos souffrances. Des milliers de religions, d’idéologies et de doctrines économiques remplies de certitudes. Tous les chasseurs et cueilleurs, tous les héros et tous les lâches, tous les créateurs et destructeurs de civilisations. »
Vous l’avez sans doute compris, le point dont parle ce texte de l’astronome Carl Sagan, c’est notre planète, la Terre. Il y a exactement 30 ans, ce 14 février 2020, la sonde spatiale Voyager 1 éteignait ses caméras alors qu’elle était à plus de 6,4 milliards de kilomètres de chez nous. Mais avant, elle a pris un dernier cliché — peut-être l’un des plus importants de l’histoire des sciences et, plus largement, de l’histoire humaine. Cette photographie est essentiellement sombre, avec quelques reflets colorés issus des rayons du Soleil. Elle nous montre le vide cosmique. Mais lorsqu’on y regarde de plus près, on voit un petit point, minuscule : notre planète.
C’est alors que l’image — la plus lointaine jamais prise de la Terre jusqu’alors — inspire à Carl Sagan ce fameux texte culte, publié en 1994. Dans celui-ci, l’astronome et vulgarisateur baptise la photographie « Un point bleu pâle ». Il poétise sur la sensation d’immensité spatiale, dans laquelle notre planète paraît si petite. Sur cette base, il ironise sur l’histoire humaine, relativise nos maux, nos désires, nos craintes. « La Terre est une scène minuscule dans l’immense arène cosmique. Songez aux rivières de sang déversées par tous ces généraux et empereurs afin que, nimbés de triomphe et de gloire, ils puissent devenir les maîtres temporaires d’une fraction… d’un point. »
Puis il invite à l’humilité, dans une envolée qui revêt rétrospectivement une importance écologique fondamentale. « Notre planète est une poussière isolée, enveloppée dans la grande nuit cosmique. Dans notre obscurité, dans toute cette immensité, rien ne laisse présager qu’une aide viendra d’ailleurs, pour nous sauver de nous-mêmes. La Terre est jusqu’à présent le seul monde connu à abriter la vie. Il n’y a nulle part ailleurs, au moins dans un futur proche, vers où notre espèce pourrait migrer. Visiter, oui. S’installer, pas encore. Que vous le vouliez ou non, pour le moment, c’est sur Terre que nous nous trouvons. »
Une version en haute définition du point bleu pâle
Le « point bleu pâle » est longtemps resté le cliché le plus lointain de la Terre, jusqu’en 2017 et les photographies qui nous ont été envoyées par la sonde New Horizons. Mais ce point dont parle Carl Sagan a donné le vertige à toute une génération pour le symbole qu’il représentait alors — et qu’il représente d’ailleurs encore. C’est donc pour marquer les générations à venir que la Nasa a décidé de la remettre au goût du jour en proposant une version remastérisée dont les couleurs ont été corrigées.
En haute définition, l’image se veut plus claire, plus nette. Le point bleu pâle apparaît toujours autant au milieu d’un rayon, mais dorénavant il ressemble plutôt à un point brillant qu’à un point bleu pâle. On dirait presque une étoile. Le vertige est toujours là. Si on a l’habitude de regarder la voute céleste depuis la Terre, en imaginant bien que tous ces points brillants sont bien loin de nous, avec cette photo l’effet est inversé : c’est la Terre qui est lointaine !
« On dit que l’astronomie incite à l’humilité et forge le caractère. Il n’y a peut-être pas de meilleure démonstration de la vanité humaine que cette lointaine image. Pour moi, cela souligne notre responsabilité à cohabiter plus fraternellement les uns avec les autres, et de préserver et chérir le point bleu pâle, la seule maison que nous ayons jamais connue », concluait Carl Sagan en 1994.
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