Le méthane est un gaz à effet de serre dont la source peut être parfaitement naturelle. Les volcans, par exemple, émettent du méthane, tout comme les vaches et les bactéries. Mais sa production s’avère également anthropogénique — c’est-à-dire d’origine humaine. Un groupe de chercheurs en sciences environnementales vient de publier son travail dans Nature, ce 19 janvier 2020. On y découvre qu’il faut probablement revoir à la hausse les estimations sur notre part dans les émissions mondiales de méthane.
Moteur du changement climatique depuis des décennies, le méthane reste moins longtemps que le dioxyde de carbone dans l’atmosphère, mais il est plus néfaste au moment de son émission. Sur une période de 20 ans après sa libération, le méthane est 32 fois plus puissant que le dioxyde de carbone : cela signifie qu’il piège 32 fois plus de chaleur par unité de masse, raison de sa contribution en d’énormes proportions au réchauffement planétaire. Résultat, un quart du changement climatique d’origine anthropogénique provient des émissions de méthane.
Les sources du méthane se différencient grâce à un isotope
La concentration globale de méthane dans l’atmosphère est passée de 722 ppb, durant la période préindustrielle, à 1866 ppb en 2019. À l’image d’autres gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone, il s’agit de la valeur la plus haute depuis 800 000 ans. Le méthane a longtemps été assez problématique pour les scientifiques : il est difficile de calculer ses parts anthropogéniques puisqu’il y a aussi de nombreuses sources naturelles sur la surface de la planète. Le gaz a plus ou moins la même structure isotopique quand il est dans l’atmosphère.
Il n’est toutefois pas totalement impossible de différencier ces deux types de méthane. Lorsqu’il provient d’une source naturelle (volcan, bactérie, vaches…), il peut laisser derrière lui, au moment de sa libération, un isotope identifiable : le carbone-14. Les auteurs de la dernière étude parue dans Nature ont rassemblé des tonnes et des tonnes de morceaux de glace issus du Groenland ; utilisant aussi des données de l’Antarctique pour étayer leur analyse. Le but : s’en servir comme machine à remonter le temps dans l’atmosphère, afin de retracer la présence de l’isotope carbone-14 entre 1750 et 2013.
Les émissions sont 25 à 40 % plus élevées que prévu
L’analyse des morceaux de glace montre qu’il y a une période clé, autour de 1870. Auparavant, les niveaux de méthane sont assez faibles et leur source est avant tout naturelle. Ensuite, les niveaux bondissent et contiennent bien moins de carbone-14, ce qui tombe qui plus est en corrélation avec le développement à ce moment d’une industrie basée sur les combustibles fossiles (et donc la libération de méthane dans l’air).
En plus de représenter une énième confirmation de l’accroissement des émissions de méthane ayant une origine humaine, l’étude parue dans Nature indique aussi que notre contribution a été largement sous-estimée. L’écart n’est pas des moindres : les émissions anthropogéniques de méthane représenteraient 38 à 58 téragrammes de plus que ce qu’affirment de précédentes estimations, ce qui implique qu’elles sont entre 25 et 40 % plus élevées que prévu.
L’un des auteurs, Benjamin Hmiel, insiste toutefois dans le communiqué pour relever que ce travail de recherche n’est pas à prendre comme une mauvaise nouvelle en soi. Il rappelle qu’à partir du moment où les émissions de méthane sont essentiellement d’origine humaine, alors on a le plein contrôle sur elles, car le méthane a un comportement plus immédiat que d’autres gaz à effet de serre problématiques. « Si on arrêtait toutes les émissions de dioxyde de carbone, les hauts niveaux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère persisteraient pour un long moment. Le méthane est important à étudier parce que si nous faisons des changements dans nos émissions actuelles, cela se reflétera plus rapidement », explique Hmiel.
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