Comment l’intelligence artificielle peut-elle se mettre au service de la santé ? Si la question se pose régulièrement au sujet du traitement des données médicales, ces nouvelles perspectives technologiques s’appliquent aussi à la recherche fondamentale, pour prévenir tout comme guérir certaines maladies. Le MIT vient d’annoncer, ce jeudi 20 février 2020, que l’une de ses intelligences artificielles a pu concevoir un antibiotique surpuissant.
L’élaboration d’antibiotiques nécessite de grandes équipes scientifiques, mobilisant beaucoup de ressources financières, sur une échelle de temps plutôt longue. Comme le relève le MIT, la conception de nouveaux antibiotiques se fait donc rare et ce sont bien souvent des dérivés de composés existants. « Nous sommes confrontés à une crise croissante autour de la résistance aux antibiotiques, et cette situation est générée à la fois par un nombre croissant de pathogènes devenant résistants aux antibiotiques existants, et par une [réduction des canaux consacrés] à de nouveaux antibiotiques dans les industries biotechnologiques et pharmaceutiques », estime James Collins, l’un des concepteurs de l’IA.
L’équipe derrière cette innovation s’est appuyée sur d’anciens travaux dédiés sur des modèles de machine learning entraînés à reconnaître les structures moléculaires et à en déduire des capacités particulières — comme tuer une bactérie. Ce type d’algorithme existait donc déjà, mais aucun n’avait abouti à une découverte réelle, applicable sur le vivant. L’intelligence artificielle développée par le MIT est bien plus performante que tout ce qui avait conçu auparavant : elle a la capacité de « scanner des centaines de millions de composants chimiques » en seulement quelques heures. Et il lui a bel et bien fallu une poignée d’heures pour découvrir le puissant antibiotique. Voici comment s’est déroulée cette découverte, qui est une première dans l’histoire de l’IA et de la biologie.
Un nouvel antibiotique surpuissant : l’halicin
Un algorithme de machine learning fonctionne par apprentissage. Les chercheurs du MIT ont donc d’abord « entrainé » leur IA à identifier toutes les molécules capables de tuer des bactéries. Lorsqu’elle fut prête, ils l’ont programmé pour qu’elle passe en revue un catalogue de plus de 6 000 molécules dont on présuppose qu’elles pourraient avoir une utilité médicamenteuse. Ils lui ont plus précisément demandé de porter le focus sur des structures moléculaires qui n’avaient le plus possible rien à voir avec les antibiotiques existants, afin que l’antibiotique éventuellement trouvé ne puisse pas faire face au problème de la résistance bactérienne.
C’est ainsi que l’IA en est rapidement venue à identifier une molécule pertinente et à proposer sur cette base la structure d’un antibiotique particulièrement puissant. Les chercheurs surnomment ce dernier « halicin » en hommage à l’intelligence artificielle Hal dans le film 2001 L’Odyssée de l’Espace. L’halicin tue avec efficacité des bactéries en perturbant leur membrane cellulaire : elles peinent à maintenir leur gradient électrochimique, ce qui signifie qu’elles ne peuvent plus stocker de l’énergie. Les chercheurs relèvent que ce processus de destruction est d’autant plus pertinent qu’il est difficile pour un bactérie de muter suffisamment pour résister à une telle perturbation.
L’antibiotique a mis 24h à tuer une bactérie jusqu’ici indestructible
L’halicin a d’ores et déjà été testée in vivo sur des souris infectées par A. baumannii : de nombreux soldats revenant des guerres d’Irak et d’Afganistan sont revenus avec cette maladie bactériologique, contre laquelle aucun antibiotique n’a jamais pu être trouvé jusqu’ici. Or, chez les souris, il n’a fallu que 24h à l’halicin pour tuer A. baumannii. Les chercheurs ont aussi effectué des tests à partir de cellules prélevées sur des patients humains. Là encore, les résultats sont exceptionnels : l’antibiotique a pu détruire Mycobacterium tuberculosis, l’agent pathogène à l’origine de la tuberculose.
« Notre approche a révélé cette molécule incroyable qui est sans conteste l’un des antibiotiques les plus puissants ayant été découverts », affirme James Collins. L’algorithme de machine learning que le MIT offre une échelle de recherche qui serait trop couteuse pour les approches traditionnelles. Après avoir découvert l’halicin, les chercheurs ont programmé l’IA pour qu’elle scanne une base de données plus massive, comportant des millions de millions de composés chimiques. Les premiers résultats montrent que l’IA a dégoté 23 antibiotiques potentiels, dont deux seraient au moins aussi puissants que l’halicin.
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