La mise en place de la constellation de satellites Starlink et le déploiement à venir de la 5G dans la téléphonie mobile menacent-ils la qualité de la recherche scientifique ? C’est ce que craint le député Cédric Villani, premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), et accessoirement en lice pour la maire de Paris lors des prochaines élections municipales.
Dans une question écrite adressée à Frédérique Vidal, qui officie en tant que ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, le mathématicien craint que le développement de ces deux projets nuise d’une part aux travaux des astronomes (à cause de la pollution visuelle engendrée par les satellites Starlink) et d’autre part aux prévisions des météorologistes (à cause des interférences de fréquences).
Catégorique, le scientifique jugeant de but en blanc que « ces deux événements, a priori distincts, vont rapidement perturber le travail des scientifiques du monde entier », il veut savoir ce que prévoit le gouvernement pour éviter que l’astronomie et la météorologie ne pâtisse de cette situation, d’autant que la France a investi plusieurs dizaines de millions d’euros dans des projets d’ampleur.
Dans le cas des satellites, Cédric Villani observe que cette constellation « dégrade la qualité du ciel nocturne en raison de la luminosité des satellites et de leur omniprésence dans le ciel ». L’ex-chercheur compare leur éclat avec celle de l’étoile Polaire, l’un des astres les plus lumineux dans le ciel nocturne. Quant à l’essaim que va déployer SpaceX, à l’origine du projet, il pourrait compter jusqu’à 42 000 engins.
Le but de SpaceX est de positionner une myriade de satellites en très basse altitude pour fournir une connexion à Internet par l’espace aux personnes situées dans des régions mal équipées en infrastructures terrestres. SpaceX, qui chapeaute le projet, souhaite ouvrir ses premiers services commerciaux en 2020. Plusieurs dizaines de satellites sont déjà mis en orbite et d’autres lancements arriveront dès mars.
« Cette constellation, similaire à des réseaux de lumières artificielles en orbite, empêchera l’observation de nombreux phénomènes astrophysiques d’intérêt, domaine qui a réalisé des progrès scientifiques et technologiques d’ampleur ces dernières années », regrette l’élu, qui craint pour le devenir des très grandes infrastructures de recherche (TGIR) dans l’astronomie et l’astrophysique.
«Ces deux événements vont perturber le travail des scientifiques »
Le problème soulevé par Cédric Villani anime la communauté scientifique déjà depuis des mois. Les premières critiques ont commencé à apparaître au printemps dernier et ont pris de l’ampleur depuis, notamment quand des observations ont été gâchées par le passage des satellites. De futurs observatoires, en cours de construction, pourraient ainsi devenir inutilisables ou ne pas fonctionner avec leur plein potentiel.
Et Starlink n’est que l’arbre qui cache la forêt : d’autres constellations en cours ou en projet (OneWeb, LeoSat , Kuiper, Telesat…) existent, avec pour chacune d’entre elles des dizaines ou des centaines d’engins, à des orbites relativement basses. Le député regrette que des « intérêts commerciaux et économiques » viennent nuire à des programmes en cours, et où la France « se positionne en pole position mondiale ».
Perturbations météorologiques à prévoir ?
Quant à la 5G, le problème que pointe le parlementaire est la similarité des fréquences avec les conditions d’observation de l’eau dans l’atmosphère.
« Ce choix, opéré en connaissance de cause, va diminuer la qualité des prévisions météo à court terme mais aussi des recherches à long terme, notamment celles liées au changement climatique », écrit Cédric Villani. « Cette situation pourrait entraîner des conséquences graves, comme l’impossibilité de prévoir la trajectoire d’un cyclone ou la survenue d’une inondation », argue-t-il.
Le problème concerne en fait les bandes hautes. Plusieurs sections du spectre vont être mobilisées pour l’ultra haut débit mobile, notamment une portion du segment située à 26 GHz. Or, il s’avère que les satellites météo utilisent des bandes adjacentes, entre 23,6 et 24 GHz. À tel point que cela a même posé la question du risque d’une dégradation d’alerte aux populations en cas d’épisode climatique extrême.
En la matière, toutefois, l’Autorité de régulation des communications électroniques se veut rassurante.
En décembre 2019, un mois après la Conférence mondiale des radiocommunications, le régulateur indiquait que cet enjeu a été résolu par un plan en deux étapes : la mise en place immédiate de critères de protection et, en 2027, le renforcement de ces critères. Ceux-ci ne sont « pas aussi stricts que ne le souhaitait initialement la météorologie », admet l’autorité, mais le sujet doit être suivi « avec beaucoup de vigilance ».
La question écrite n’a pas encore reçu de réponse du gouvernement.
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