L’épidémie Covid-19 a atteint ce 28 février 2020 le stade de 83 700 personnes infectées. Si ce coronavirus nommé SARS-CoV-2 a causé 2 800 décès, on enregistre aussi plus de 36 000 guérisons. Certains patients semblent donc s’en sortir très bien après avoir été touchés par cette maladie, mais ce n’est pas le cas des plus fragiles : en fonction de l’âge, du passif de santé ou du système immunitaire, l’organisme subit différemment l’impact de ce virus — dont on ne comprend pas encore tout.
La recherche médicale est concentrée sur le coronavirus, à l’échelle mondiale. Il faut établir un vaccin, ce qui peut prendre du temps, mais aussi trouver des médicaments. À l’heure actuelle, la maladie est traitée symptôme par symptôme, alors qu’elle est systémique (elle touche plusieurs organes). Il serait préférable de trouver un à plusieurs composés ciblant directement SARS-CoV-2. Les chercheurs ont déjà pu séquencer le génome et cultiver la souche du coronavirus en laboratoire, ce qui était une étape décisive. Mais les phases suivantes prennent habituellement bien plus de temps, et cela pose un vrai problème face à l’ampleur épidémiologique de Covid-19.
De nombreux chercheurs essayent d’accélérer le processus pour répondre à cette urgence, notamment en se basant sur d’anciens traitements. C’est ainsi que l’idée de la chloroquine a émergé. Trois épisodes ont marqué le retour de ce médicament sur le devant de la scène dans le cadre de Covid-19.
Pourquoi l’intérêt est soudain porté sur la chloroquine
D’abord, il y a eu une première étude, chinoise, publiée dans Nature Cell Research le 4 février 2020. « Une approche efficace dans la découverte de médicaments est de tester si les antiviraux existants sont efficaces pour traiter des infections qui sont proches », disent les chercheurs pour expliquer leur démarche. Dans leur recherche, ils étudient les effets de cinq composés sur une souche de SARS-CoV-2 isolée en laboratoire. Il en ressort que deux d’entre eux, le remdesivir et la chloroquine, auraient la capacité d’inhiber le coronavirus — c’est-à-dire de l’empêcher d’agir ou, tout le moins, de réduire sa force de frappe.
Une seconde étude a été publiée dans BioScience Trends quelques jours plus tard en présentant des essais cliniques de la chloroquine. Ce médicament contre le paludisme aurait démontré, selon ces trois chercheurs, « une efficacité apparente et une sécurité acceptable contre la pneumonie Covid-19 dans les essais cliniques menés dans plusieurs centre en Chine ». Ils recommandent que le médicament soit incorporé dans la réglementation chinoise pour la prévention, le diagnostic et le traitement du coronavirus. Un consensus d’experts chinois se basant sur ces essais cliniques recommandent que ce médicament soit pris à hauteur de 500 milligrammes, deux fois par jour, sur une durée de dix jours.
C’est alors qu’intervient le professeur Didier Raoult, directeur de l’institut Méditerranée Infection. Il explique, dans une vidéo YouTube, que les recherches sur la chloroquine signent une « fin de partie ». L’institut a commandé tout un stock de ce composé afin de soigner potentiellement des malades touchés par Covid-19. Les défenseurs de ce médicament estiment que c’est une aubaine d’avoir en main un médicament déjà connu, peu couteux, et ayant montré son efficacité lors de tests.
Sauf que tout le monde n’est pas d’accord avec cette démarche et les objections sont solides.
Il faut rester pondéré sur ce potentiel médicament
Dépassant aujourd’hui les 300 000 vues grâce à la vidéo YouTube, les déclarations du professeur Raoult ont beaucoup tourné. À tel point que le gouvernement a décidé de réagir en publiant un post sur Twitter qui a tout d’un « debunk » : « Aucune étude rigoureuse publiée dans une revue internationale à comité de lecture indépendant ne démontre l’efficacité de la chloroquine (Nivaquine) pour lutter contre l’infection au coronavirus chez l’être humain. » De nombreux chercheurs se sont également exprimés dans les médias pour appeler à la prudence.
Même si le professeur Didier Raoult s’agace de ces critiques dans 20 Minutes, le fait est que la chloroquine n’est pas anodine. Il serait scientifiquement absurde de se précipiter dessus tel un remède miracle, alors que les preuves de sécurité et d’efficacité ne sont pas encore en quantités suffisantes. Comme plusieurs soignants ont pu le signaler à Numerama, en de trop grandes doses ce produit peut s’avérer dangereux voire létal. La double-dose de 500 mg chaque jour pendant 10 jours, comme suggérée par les chercheurs chinois, est bien au-dessus de l’utilisation habituelle du médicament. En général, ce médicament, quand il est préconisé, est pris à hauteur d’une seule dose de 500 mg par jour et pendant 5 jours.
Qui plus est, les essais cliniques sur 100 patients, même s’ils sont relativement concluants, sont bien insuffisants, non seulement à cause de l’échantillon — il faut davantage d’essais — mais aussi des conditions d’expérimentation. Ces travaux n’ont pas été revus par des pairs. De fait, une étude qui n’est pas confirmée par la méthode scientifique de révision n’est pas encore « factuelle ». En France, un médicament ne peut de toute façon pas être inoculé sans passer par de nombreuses phases de validation : le professeur Didier Raoult et l’institut, qu’ils commandent ou non un stock de chloroquine, ne pourront pas l’utiliser contre le coronavirus à l’heure actuelle.
Il faut donc rester modéré. Il ne s’agit pas de rejeter en bloc son potentiel intérêt, tant il y a besoin de trouver des solutions, mais les déclarations publiques ne doivent pas aller plus vite que la science. Pour l’instant, la chloroquine n’a pas prouvé à 100 % qu’elle pourrait faire office de médicament. La recherche est littéralement en cours, son efficacité est une possibilité. C’est la seule chose que l’on peut vraiment affirmer aujourd’hui.
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