Pollution, changement climatique : les insectes subissent ces dérèglements anthropogéniques de plein fouet. En seulement trois décennies, la planète a perdu environ 45 % des invertébrés. Les lucioles, ces petits êtres lumineux irremplaçables, incarnent à elles seules ce danger, accusant un important déclin causé par la pollution lumineuse. Les bourdons, quant à eux, s’adaptent très mal au réchauffement planétaire. Si ce n’est plus un secret que les abeilles font partie des espèces menacées, une étude parue mardi 3 mars 2020 dans Proceedings of the Royal Society approfondit l’effet des pesticides particuliers sur les abeilles et, plus spécifiquement, sur leurs larves.
L’équipe britannique de sept chercheurs a utilisé une technique de microtomographie aux rayons X — une technique d’imagerie retranscrivant un échantillon en 3D — afin de mieux comprendre comment le cerveau des abeilles est atteint par certains pesticides. Il s’avère, selon leurs conclusions, que des parties spécifiques du cerveau ne grandissent pas correctement lorsqu’elles sont bébés, après que les adultes ont été exposés à ces pesticides. C’est la première fois qu’un travail de recherche démontre un effet des polluants sur les bébés abeilles.
Pour leur expérimentation, les chercheurs se sont concentrés sur une colonie, en laboratoire. Ils leur ont procuré un substitut de nectar auquel ils ont rajouté des néonicotinoïdes — ces substances toxiques très présentes dans de nombreux pesticides dans le monde. Les auteurs de l’étude ont ensuite attendu trois à douze jours avant de tester les capacités des abeilles nouvellement nées après que les abeilles adultes ont récupéré le nectar contaminé. Puis ils ont complété les observations avec l’imagerie cérébrale.
Ce sont plus de 100 abeilles qui ont, au total, été examinées durant ce processus. Les résultats obtenus ont été comparés avec ceux de colonies « saines », non contaminées par des pesticides. Il est apparu clairement aux scientifiques que le cerveau des abeilles nées après la contamination était plus petit, notamment sur une partie bien identifiée (appelée corpora pedunculata, i.e. corps pédonculés). Conclusion, l’effet de ces pesticides paraît plus prégnant encore chez les larves que chez les abeilles adultes ayant été exposées, et cet effet est permanent lorsque ces abeilles grandissent.
L’impact des pesticides sur une colonie est au long terme
Puisque ce sont les abeilles adultes qui sortent de la ruche, ce sont elles qui sont les plus exposées aux pesticides présents dans l’environnement. Alors comment leurs bébés peuvent-ils aussi être atteints ? La réponse est assez simple : ils sont contaminés par ce que rapportent les adultes dans la ruche. « Les colonies d’abeilles se comportent comme des superorganismes, donc quand des toxines entrent dans la colonie, elles ont le potentiel pour provoquer des problèmes dans le développement des bébés abeilles qui y sont », commente le chercheur en sciences de la vie Richard Gill, co-auteur de l’étude.
Parmi ces problèmes, celui qui a été identifié dans ce travail de recherche n’est pas des moindres, puisque le mauvais développement du cerveau chez les bébés conduit à une réaction en chaîne à l’échelle de toute la colonie. Ces larves ne meurent pas, elles grandissent, deviennent adultes, mais sans développer certaines compétences pourtant bien nécessaires. On se retrouve avec des individus aux capacités réduites. Les chercheurs indiquent que, par exemple, elles arriveront moins bien à trouver et ramener de la nourriture. La colonie se retrouve en danger sur le long terme.
« Ces résultats révèlent comment les colonies peuvent éprouver un impact par les pesticides des semaines après l’exposition [à ces pesticides] (…). Notre travail met en lumière un besoin pour des règles sur l’usage des pesticides en prenant en compte ce chemin d’exposition », estime Richard Gill, en conclusion de ce travail de recherche. Si, en France, les néonicotinoïdes sont interdits, ils restent très largement utilisés dans l’agriculture mondiale.
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