Pour la première fois, un patient a été opéré par le biais des ciseaux génétiques Crispr afin de lui guérir sa cécité. Les résultats ne sont pas encore connus.

C’est une première mondiale en médecine qui a été relayée le 4 mars 2020 par Associated Press. Une équipe de l’Oregon Health & Science Institute (États-Unis) a utilisé les « ciseaux génétiques » Crispr sur un patient aveugle afin de le guérir de sa cécité. Un changement génétique de cette ampleur ne peut pas être constaté immédiatement, il faudra donc au moins un mois avant de savoir si l’expérience est un succès ou non. Si elle est concluante, les médecins comptent élargir l’application de ce traitement à un échantillon de 18 personnes, adultes et enfants.

Le patient concerné est atteint par l’amaurose congénitale de Leber. D’origine génétique, car provoquée par la mutation originelle d’un gène, cette maladie grave déclenche ses premiers effets dès la naissance. La mutation concernée empêche la production d’une protéine essentielle à la vision, car elle relie la lumière au cerveau. Il existe d’ores et déjà des pistes de traitement sous forme de thérapie génique, visant à insérer le bon gène via un virus chez les patients, mais les résultats sont assez faibles, ne fonctionnant pas systématiquement.

La méthode CRISPR s'apparente à un « ciseau génétique ». // Source : SVG SILH/CC0, Pixabay (montage Numerama)

La méthode CRISPR, le ciseau génétique.

Source : SVG SILH/CC0, Pixabay (montage Numerama)

L’utilisation des ciseaux génétiques Crispr est une voie plus prometteuse. Elle permet non pas d’insérer simplement un gène, mais bien de modifier la structure de la cellule en ciblant spécifique la mutation, afin de la supprimer en la découpant, dans le but que l’ADN se reconnecte lui-même. Le résultat serait tout simplement une cellule retrouvant un état « normal », telle qu’elle aurait dû l’être dès l’origine. Cette technique d’édition génétique est « plus facile et plus efficace », selon les médecins.

L’opération n’est pas sans risques

Le patient a été placé sous anesthésie générale pendant une chirurgie d’une heure entière. L’opération consistait à insérer directement dans le globe oculaire un fluide contenant les fragments d’ADN de Crispr. Ce sont ces fragments qui, une fois au contact de leur cible, sont censés déclencher le mécanisme génétique de découpe. Pour ce faire, ils ont inséré, juste sous la rétine du patient, un tube extrêmement fin (la taille d’un cheveu) qui a délivré trois petites gouttes de ce fluide. C’est effectivement derrière la rétine que se situent les cellules photosensibles, c’est-à-dire là où la connexion est censée se faire entre la lumière reçue et l’interprétation par le cerveau.

Puisque ce type de cellules ne se redivise pas en permanence, l’édition des gènes par Crispr est censée être permanente. Par contre, quant aux risques encourus par le patient au moment de l’opération, ils ne sont pas inexistants. Cela tient d’abord à la chirurgie elle-même : opérer les yeux est toujours délicat, le danger d’infections et de saignements se pose toujours. Se pose également le problème typique des ciseaux génétiques Crispr : des effets secondaires si des changements génétiques imprévus adviennent. Mais les médecins en charge de cette première affirment avoir minimisé ce risque possible, en confinant le changement génétique à l’œil.

« Nous avons littéralement le potentiel pour permettre aux personnes aveugles de voir, affirme Charles Albright, l’un médecins. Nous pensons qu’on peut ouvrir la voie à un nouveau type de médicaments pouvant entrer dans votre ADN et le changer. » L’édition de l’ADN par les ciseaux Crispr est bel et bien considérée comme une piste de traitement contre les maladies génétiques les plus graves, comme le cancer. Mais Crispr ne fait pas l’unanimité dans la communauté médicale, au point que même sa co-créatrice, la biologiste Jennifer Doudna, a récemment appelé à un meilleur encadrement de ces ciseaux.

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