Note : les chiffres indiqués dans cet article datent du 12 mars 2020 et sont susceptibles d’évoluer. Vérifiez le décalage avec la date à laquelle vous consultez l’article. Vous pouvez retrouver les dernières informations sur le sujet, par ordre chronologique, sur cette page. Toutes les informations essentielles à retenir sont quant à elles sur cette page.
Le coronavirus SARS-Cov-2, à l’origine de la pandémie Covid-19 appartient à une famille virologique très connue des scientifiques. Mais il n’en est pas moins « nouveau », raison pour laquelle il n’existe pas de médicaments ciblés ou de vaccin à l’heure actuelle. Le coronavirus obéit donc à certaines mécaniques que l’on connaît grâce à d’autres souches similaires, mais présente aussi son lot de variables inconnues. Cette double caractéristique engendre quelques confusions sur la façon dont il faut comprendre Covid-19.
Des déclarations de toute une variété de sources, de simples tweets à des articles de presse, s’attachent à comparer Covid-19 avec la grippe saisonnière, souvent pour affirmer une plus grande gravité proportionnelle de la grippe. En matière de symptômes et de mode de diffusion, oui, il y a en effet des points communs : toux, fièvre, maux de gorge, le virus peut se transmettre par postillons, etc.
Raison pour laquelle tout ce qui empêche de contaminer autrui quand on a la grippe est aussi valable dans la situation actuelle, à savoir se laver les mains régulièrement, éternuer dans la manche, utiliser des mouchoirs à usage unique, ne pas se faire la bise ni se serrer les mains, privilégier le télétravail dès les premiers symptômes.
Par contre, les comparaisons en matière d’échelle et de sévérité ne tiennent pas vraiment. En France, la grippe touche des millions de personnes et cause 10 000 morts chaque année. Aujourd’hui, Covid-19 a provoqué 2 200 cas et 48 décès sur notre territoire.
Si on fait un petit calcul en se basant sur ces chiffres, Covid-19 apparaît plus « anodin » que la grippe saisonnière. Sauf que cette interprétation est problématique, car ce n’est pas le bon calcul. Comme pour les comparaisons entre pays, les courbes et les chiffres ne peuvent pas être interprétés de manière isolée, sans rappeler les circonstances particulières qui y sont attachées. La grippe n’est pas plus « grave » que Covid-19 et la comparaison en elle-même est mathématiquement absurde.
Covid-19 a plus de variables inconnues que la grippe
La grippe saisonnière est une maladie de longue date. Elle est bien connue des autorités sanitaires et des professionnels de santé. On en maîtrise les chiffres, on sait identifier par une bonne assiette le nombre moyen de cas. Parallèlement, le nouveau coronavirus vient d’émerger et les scientifiques ne savent pas encore tout de lui. Aucune prédiction sur Covid-19 n’est pleinement étayée : on ne sait pas précisément combien il y aura in fine de cas dans le monde ni combien de décès nous devrons déplorer.
La détection en elle-même reste délicate. Comme le relevaitThe Atlantic il y a quelques jours au sujet des États-Unis, « le manque de tests signifie qu’il est presque impossible de savoir combien d’Américains sont infectés ». Ce constat est relativement consensuel dans la communauté scientifique. Il est assez clair que les chiffres actuels, quel que soit le pays, ne représentent pas entièrement l’ampleur de la contamination.
Toujours sur le plan médical, la grippe saisonnière dispose d’un vaccin à titre préventif, qui est tout particulièrement conseillé aux personnes de plus de 60 ans et aux personnes à risque. Rappelons que, du fait de sa nouveauté, le coronavirus SARS-CoV-2 n’est aujourd’hui contrebalancé par aucun vaccin ou médicament ciblé. Les chercheurs du monde entier sont mobilisés sur ce sujet, mais, comme l’explique cet article, établir un vaccin efficace et sécurisé peut prendre des mois. Il y a toutefois d’ores et déjà des pistes prometteuses. Quant aux médicaments, les déclarations tonitruantes de certains chercheurs au sujet d’un remède à trouver du côté de la chloroquine, un ancien antipaludique, sont remises en question par d’autres scientifiques.
Il faut se concentrer sur les bons chiffres
Au-delà des variables inconnues qui caractérisent pour l’instant Covid-19, comparer une grippe existant depuis des décennies avec un nouveau coronavirus existant depuis fin 2019 est en fait, de base, une erreur mathématique. C’est omettre, par exemple, l’efficacité du virus dans sa transmission. Celle-ci dispose d’un indicateur : le taux de reproduction (R0). Pour la grippe, il est autour de 1,3 : cela signifie qu’une personne infectée peut en moyenne en contaminer 1,3. Pour le coronavirus SARS-CoV-2, le R0 serait en moyenne, selon de premières études, de 2,4 — une personne contaminée peut potentiellement en infecter 2 à 3. Cela signifie que Covid-19 est plus contagieux que la grippe.
Concernant le taux de mortalité, il est à prendre en proportion au nombre de personnes détectées comme infectées, ce qui complexifie grandement les choses. Pour la grippe, sur les millions de personnes touchées, on se trouve avec une mortalité très basse de 0,1 %, alors même que des dizaines de milliers de personnes en meurent. Pour Covid-19, il n’y a « que » 120 000 personnes infectées et 4 700 décès, bien moins que pour la grippe. Sauf que son taux de mortalité à l’échelle mondiale est de 3,4 %. Ce pourcentage est très élevé, et bien au-dessus de la grippe.
Mais puisqu’on se doute qu’il y a davantage de personnes infectées que celles qui sont officiellement détectées, alors ce pourcentage est probablement moins important. Ce à quoi l’on peut ajouter un deuxième « mais », car même si l’on prenait en compte cette marge d’erreur, le taux resterait normalement plus élevé que pour la grippe.
En bref, s’il est compréhensible que de prime abord il soit tentant de comparer les chiffres de la grippe saisonnière et de Covid-19, cela n’a pas vraiment lieu d’être pour réellement saisir l’ampleur de la situation. D’ailleurs, que Covid-19 soit plus grave ou moins grave que la grippe n’est même pas, en soi, un sujet : le coronavirus SARS-CoV-2 est un cas particulier, appelant des mesures particules, en cela qu’il relève d’une pandémie, comme l’a déclaré l’OMS le 11 mars 2020. Les pandémies ne sont pas si courantes et la dernière en date était le H1N1, dont la vague principale a démarré en juin 2009 pour se terminer en août 2010.
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