À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Même l’Europe spatiale est obligée de réduire la voilure à cause de la propagation de l’épidémie du coronavirus. La décision la plus spectaculaire dans ce domaine a été annoncée le 16 mars : l’arrêt provisoire de toutes les campagnes de lancement depuis le centre spatial guyanais, près de Kourou, le temps que passe la crise sanitaire.
À court terme, la suspension des tirs affectera notamment la mission VV16, qui devait survenir à la fin du mois. Selon toute vraisemblance, un report au mois d’avril paraît inenvisageable, faute de visibilité sur la fin de la contamination. Arianespace, qui met en œuvre les lanceurs européens, indique que les tirs « reprendront dès que les conditions sanitaires le permettront ».
La mission VV16 a pour objectif de mettre sur orbite une grappe d’une cinquantaine de micro et de nanosatellites. Ce devait d’ailleurs être le premier lancement partagé (« rideshare »). Pour cela, un lanceur léger Vega devait être mobilisé. Ce vol était attendu, car la fusée a connu un grave échec en 2019 lors de la mission Falcon Eye 1, après deux minutes de vol.
12 vols en 2020 au centre spatial guyanais
Selon la durée et l’ampleur de la pandémie, d’autres vols sont susceptibles d’être reportés. Arianespace a prévu 12 lancements cette année depuis le centre spatial guyanais : 5 avec une fusée Ariane 5 (pour Eutelsat, ISRO, Sky Perfect JSAT, Kari, B-Sat, Intelsat, NGIS et Embratel Star One), 4 avec un lanceur Soyouz (Falcon Eye 2 , CSO-2 et OneWeb) et 3 avec Vega (VV16, SEOSat et Pléiades Neo).
En outre, 2020 est une année charnière pour l’Europe spatiale avec les vols inauguraux d’Ariane 6 et Vega-C, sous l’égide de l’agence spatiale européenne (ESA). Ariane 6, par exemple, doit décoller en juillet. Or, la fusée requiert un pas de tir dédié, en cours de construction. Mais du fait du confinement généralisé, la poursuite des chantiers est également stoppée.
En l’état actuel des choses, les deux cosmodromes russes, Baïkonour et Vostochny, restent opérationnels. Le 17 mars, Arianespace a annoncé la planification de la mission ST28 pour le 21 mars, qui consistera à consolider la constellation OneWeb (un réseau de satellites qui propose une connexion à Internet depuis l’espace). 34 satellites doivent être envoyés en même temps par un lanceur Soyouz.
Arianespace prévoit globalement en 2020 8 lancements depuis Baïkonour et Vostochny pour le déploiement de la constellation OneWeb. L’entreprise laissait également la porte ouverte à des tirs supplémentaires. Toutefois, il ne paraît pas envisageable de transférer les tirs qui devraient s’effectuer en Guyane française à l’un des deux cosmodromes, pour des raisons de confinement, mais aussi de l’absence de certains lanceurs spécifiques sur place ou d’incompatibilité avec les installations.
Plan de continuité activé
Dans un communiqué, le Centre national d’études spatiales (CNES) explique d’ailleurs que la décision a été prise « d’une mise et d’un maintien en sécurité des moyens opérationnels de la base, des lanceurs et des satellites en attente de lancement », ce qui a pour effet de figer la situation. C’est ce que confirme également une déclaration publiée sur le site dédié au centre spatial guyanais.
Plus généralement, le CNES a dû se réorganiser pour traverser la crise tout en respectant les consignes gouvernementales de confinement. Outre les décisions visant le centre spatial guyanais, des reconfigurations ont été actées pour le siège, la direction des lanceurs et le centre spatial situé à Toulouse, afin basculer le maximum de personnel en télétravail.
Le plan de continuité du CNES permet d’ailleurs de ne pas tout mettre à l’arrêt, car des activités demeurent essentielles : c’est le cas notamment de la surveillance de l’espace, du contrôle des satellites sous sa responsabilité ou encore des services et des missions de l’agence spatiale française, notamment les systèmes d’alerte et de secours par satellite : Cospas-Sarsat et Galileo.
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