L’avortement rendrait stérile. Les vaccins favoriseraient l’autisme. Les règles seraient sales. Au milieu de ces vidéos de fausses informations, plusieurs médecins américaines s’emparent de TikTok pour tenter de contrer leur propagation. Préservatifs, grossesses, coronavirus, vaccins mais aussi avortement, tous les sujets y passent. L’idée : toucher un public jeune, leur permettre d’avoir accès à une information vérifiée, vérifiable, déconstruire les fausses informations et faire de la prévention.
« Il y a deux sujets qui déchaînent les passions : les vaccins et l’avortement », nous raconte Danielle Jones, gynécologue aux Etats-Unis. « Mais sinon, globalement, les avis reçus sont très positifs ». Face caméra, blouse blanche sur les dos et stéthoscope autour du cou, Mama Doctor Jones explique que prendre la pilule ne rendra pas stérile, que les règles douloureuses, non ce n’est normal, ou encore qu’une femme ne peut pas être tenue pour responsable d’une fausse-couche.
« Sincèrement, ça manquait. On est recouvert de fausses informations, surtout dans le domaine médical », explique-t-elle à Numerama. « Et il fallait trouver un moyen de toucher les plus jeunes ». En quelques mois, elle a conquis plus de 240.000 abonnés, soit presque autant que sa chaîne YouTube, qui existe elle depuis 2017. « C’est très important pour les médecins de prendre du temps sur les réseaux sociaux pour expliquer notre travail et faire de la prévention », ajoute Rose Marie Leslie, médecin de famille (ce qui pourrait correspondre à généraliste en France). Pour ces 480.000 followers TikTok, Rose Marie Leslie décrit comment se comporte le corps quand il est malade mais aussi quels sont les effets des drogues sur l’organisme. « C’est une façon de nous challenger, mais aussi de questionner les plus jeunes sur l’importance des sources », souligne-t-elle auprès de Numerama.
@mamadoctorjones♬ Baby One More Time – corynation
« Le parfait endroit pour atteindre le jeune public »
À travers leurs vidéos, les deux trentenaires se mettent en scène, dansent et reprennent les codes de TikTok. « Je pense vraiment que c’est le parfait endroit pour atteindre le jeune public sur les questions de santé », continue Rose Marie Leslie. « On fait des vidéos funs, courtes et virales avec de vraies informations médicales dedans ! » Depuis, de nombreuses personnes les interpellent pour leur poser des questions sur leur santé. « Pour des questions de secret médical, je ne peux y répondre publiquement, et en privé je manque cruellement de temps, ajoute Danielle Jones. Je leur conseille donc de prendre rendez-vous avec un ou une médecin et je fais des vidéos sur des problématiques plus larges.»
Une façon aussi de se réapproprier les figures d’autorité, analyse Marie Desprès Lonnet, professeure en Sciences de l’information et de la communication (SIC) à Lyon 2. « Les rumeurs et fausses informations fonctionnent bien parce qu’elles nous confortent dans l’idée fausse que les faibles sont laissés dans l’ignorance. Que l’on nous ment en permanence », explique-t-elle. « En se présentant comme médecins, ces femmes se réapproprient les réseaux sociaux pour essayer de rétablir un lien de confiance, et donc de redevenir des figures d’expertises. »
Les risques du cyberharcèlement
Cette notoriété peut aussi engendrer des vagues de cyberharcèlement. C’est ce qu’a subi la pédiatre Nicole Baldwin. Dans une courte vidéo, elle décrivait ce contre quoi les vaccins pouvaient lutter et terminait son message par « les vaccins ne causent pas l’autisme ». Depuis ce sont des milliers de messages haineux qui ont envahi ses réseaux, dont des menaces de mort. « Cette vidéo était la quatrième que je postais sur TikTok. Et très vite, elle est devenue virale », raconte-t-elle à Numerama. « J’ai alors dû faire face à des attaques très virulentes des antivaccins. »
À son travail, les appels pour des demandes de rendez-vous sont remplacés par des menaces et des insultes. D’autres trouvent son adresse et viennent l’intimider. « Je ne peux pas porter plainte pour des menaces en ligne, aux Etats-Unis, ce n’est pas vraiment possible. La seule chose que j’ai pu faire, c’est demander plus de patrouilles de police dans mon quartier ». Pour autant, pas question pour elle de s’effacer et de devenir silencieuse. « Je suis pédiatre, et les vaccins sont très importants dans mon travail. Je vais continuer à faire de la prévention, ils ne me feront pas taire ». Après avoir mis ses réseaux sociaux un temps en quarantaine, cette pédiatre a repris les rênes pour parler cyberharcèlement et vaccins.
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