L’expérience du confinement fait partie intégrante du métier d’astronaute. C’est d’ailleurs pour cela que les explorateurs et exploratrices de l’espace sont bien placés pour nous donner des conseils en cette période de confinement forcé, justifié par l’épidémie de coronavirus.
Quels types de confinement peuvent connaître les astronautes ? « Il y a des confinements sur Terre et en vol », explique à Numerama Jean-François Clervoy, ingénieur et astronaute à l’Agence spatiale européenne (ESA).
Les confinements au sol
L’astronaute commence par expliquer qu’il existe trois types de confinement au sol. Au cours de ses vols spatiaux à bord de navettes (en 1994, 1997 puis 1999), Jean-François Clervoy a expérimenté le premier, à savoir le confinement avant le vol. Son « objectif principal est d’éviter d’attraper un microbe au dernier moment », indique l’astronaute. Un autre objectif est de permettre aux astronautes de décaler leur rythme de vie, pour s’adapter au fuseau horaire de leur mission. Ce confinement aide aussi les astronautes à se concentrer avant le début de leur mission.
Le confinement après le vol a lieu dans deux situations.
- C’est d’abord le cas pour les astronautes qui reviennent d’un autre corps céleste. « C’est arrivé seulement aux équipages des missions Apollo, rappelle Jean-François Clervoy. L’équipage d’Apollo 11 est resté 17 jours en quarantaine, pour s’assurer que les membres de l’équipage ne contaminent personne avec un microbe éventuel ramené de la Lune. »
- Le deuxième cas est celui des vols de longue durée, comme ceux réalisés à bord de la Station spatiale internationale (ISS). « Le système immunitaire est très affaibli, car il a perdu l’habitude de se battre au quotidien contre des agressions extérieures (bactériennes, virus) », poursuit l’ingénieur. Le confinement sert ici à protéger l’astronaute lors de son retour.
Les principaux confinements en vol
Une fois dans l’espace, plusieurs types de confinements peuvent exister pour les astronautes. Jean-François Clervoy distingue des confinements principaux et d’autres secondaires. « Le confinement de base, c’est celui de notre vaisseau. On est confiné de base, par la nature de ce qu’est une mission spatiale », résume l’astronaute de l’ESA.
Jean-François Clervoy a fait l’expérience du confinement lors de ses vols à bord de navettes spatiales. L’habitacle est étroit. « C’est l’équivalent d’un cockpit d’avion pour le pont supérieur et le pont de vol. En dessous se trouve le pont moyen, qui est environ deux fois et demie plus grand : on peut avoir des missions avec 7 personnes là-dedans, pendant 15 jours », décrit l’astronaute.
L’expérience du confinement en vol est différente lors des missions de longue durée, comme celles qui ont lieu à bord de la Station spatiale internationale. « Il y a beaucoup plus de volume habitable, décrit Jean-François Clervoy. C’est l’équivalent d’un 400 mètres carré pour 6 personnes. » Chaque membre de l’équipage possède un espace individuel, qui peut être fermé. « Imaginez une armoire qui ferait 1,5 mètre carré au sol. Vous flottez dedans en apesanteur. C’est à la fois votre couchette, votre endroit pour lire, regarder des films, appeler votre famille. Quelques-uns ont la chance d’avoir en plus un hublot avec la plus belle vue au monde, sur l’univers », complète l’astronaute.
D’autres confinements secondaires en vol
À ces confinements principaux en vol, s’ajoutent ce que l’ingénieur nomme les confinements au second degré.
C’est d’abord le cas lors des sorties dans l’espace. Les astronautes doivent se confiner pour réaliser des paliers de décompression préalables, soit dans un scaphandre, soit dans un sas. « Le scaphandre est rempli en oxygène pur à faible pression. Si on ne fait pas de palier de décompression avant de sortir, il y a un risque très élevé de faire une maladie de décompression », décrit Jean-François Clervoy. L’astronaute compare cela à la plongée : les plongeurs doivent remonter à la surface en faisant plusieurs paliers, qui permettent de relâcher lentement l’azote qui s’est dissout dans leurs tissus.
« Pour une sortie dans l’espace, il faut faire un palier de décompression de 4 heures, à respirer de l’air pur dans un scaphandre pour se débarrasser de l’azote dans le sang », explique l’astronaute. Lorsque la sortie est prévue à l’avance depuis un vaisseau, il est possible de réduire d’abord la pression de l’habitacle. « C’était le cas de mon vol pour réparer le télescope spatial Hubble. Dès l’arrivée en orbite, on a réduit la pression de tout l’habitacle, aux deux tiers de la pression normale. Dans ce contexte là, le palier de décompression prend seulement une heure. »
Des paliers de compression qui peuvent prendre jusqu’à 4 heures
À bord de l’ISS, les astronautes qui vont réaliser une sortie sont placés dans un sas, équipé pour qu’ils puissent continuer à manger, dormir, faire du sport ou faire leurs besoins. La pression à l’intérieur du sas est réduite, ce qui évite aux astronautes d’avoir à réaliser des paliers pour sortir dans l’espace.
Un autre confinement peut avoir lieu au sein même de la station, lors d’un incident. « En cas de dépressurisation d’une partie d’un module, il faut se réfugier dans la partie de la station qui est isolée de la fuite. C’est arrivé dans la station Mir en 1997 », explique l’astronaute. Une partie de la station peut aussi devenir inhabitable à cause d’un feu, d’un produit toxique qui serait relâché ou d’une fuite. Le Soleil peut aussi émettre des particules à haute énergie, qui risquent d’irradier les astronautes. Dans ce cas, les zones de la station où sont stockés des liquides sont les mieux isolées et les astronautes doivent s’y confiner.
Un dernier cas existe, même s’il n’est jamais arrivé. Jean-François Clervoy le décrit : « Si un astronaute venait à développer une maladie très contagieuse, on devrait faire en sorte qu’il n’entre pas en contact avec ses collègues. Il sera alors confiné dans endroit réduit. »
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