La recherche médicale explore différentes pistes pour lutter contre Covid-19. Parmi elles, transfuser le sang — et plus précisément le plasma — de patients guéris chez des patients encore malades est une sérieuse possibilité. L’Établissement Français du Sang (EFS) vient de démarrer, ce mardi 7 avril 2020, un essai clinique basé sur ce principe. Aux États-Unis, le groupe de recherche National COVID-19 Convalescent Plasma Project est également mobilisé sur de telles expérimentations. Et la Food and Drug Administration (FDA) a également validé cette solution comme traitement expérimental, sous certaines conditions et en cas d’état très grave.
Sur le sol français, l’essai clinique de l’EFS va prélever le sang de près de 200 personnes pleinement rétablies de Covid-19 depuis au moins 14 jours, en Ile-de-France, dans le Grand Est et en Bourgogne-Franche-Comté. L’objectif est de prélever 600 ml de plasma chez chaque patient convalescent impliqué. Les prélèvements seront ensuite répartis en 600 unités de 200 ml. L’essai clinique inclura 60 patients, sous forme d’étude randomisée en double-aveugle : seule la moitié recevra la transfusion. Les patients qui accepteront de participer à l’essai recevront deux doses de 200 à 220 ml au bout du sixième jour d’apparition des symptômes cliniques puis, en l’absence d’effets indésirables, deux nouvelles doses seront administrées 24h plus tard.
Les premiers résultats seront connus au bout de deux à trois semaines. Si une efficacité certaine transparait de l’essai, le groupe des patients transfusés se verra élargi.
L’enjeu des anticorps
Quand le corps est attaqué par un agent pathogène, le système immunitaire produit des protéines appelées anticorps, une immunoglobuline présente dans le sang. Ces anticorps vont détecter et neutraliser le virus. Pour cette raison, après que l’infection soit guérie, on est immunisé contre une nouvelle attaque du virus, car les anticorps ont déjà été produits et peuvent réagir rapidement, comme un bouclier. En l’absence de mutation du virus, cette immunité peut persister des années voire des dizaines d’années. C’est aussi cette immunité active que produit un vaccin.
Lorsqu’on transfuse du plasma convalescent, et donc que l’on transfuse du sang d’un patient guéri vers un patient encore malade, on espère générer un « transfert d’immunité passive ». On insère les anticorps créés pour lutter contre l’infection chez une personne encore infectée afin qu’ils puissent agir immédiatement contre la maladie. Ce transfert peut provoquer une réaction de défense plus rapide encore qu’avec un vaccin. En revanche, puisqu’ils n’ont pas été produits directement par le corps, les anticorps transférés ne perdureront pas et ne permettront pas une immunité à long terme. Mais cela accélère la guérison et, dans le cas de Covid-19, l’espoir est d’éviter que la maladie ne s’aggrave.
Ce ne sont pas forcément des patients en état très sévère ni hospitalisés qui seront impliqués dans l’essai clinique, mais plutôt des personnes fragiles en raison d’un système immunitaire affaibli ou de comorbidités (souffrant déjà d’une maladie primaire), et à un stade intermédiaire ou aigüe de Covid-19. Ces profils de malades sont ceux qui ont le plus de risque de ne pas développer d’eux-mêmes une défense immunitaire rapide et solide. Raison pour laquelle la transfusion trouverait alors d’autant plus son intérêt.
Une forme prometteuse de traitement
Ce type de traitement, appelé sérothérapie, n’est pas du tout nouveau. Son utilisation est advenue dans la cadre de la pandémie grippale de 2009 ou encore contre l’épidémie d’Ebola en 2014. Cette stratégie était même récurrente avant l’apparition des vaccins au XXe siècle. Et comme le relèvent deux chercheurs dans The Journal of Clinical Investigation, elle a déjà montré son utilité à plusieurs reprises, y compris lors de la grippe espagnole en 1918.
Mais concernant Covid-19, rien ne peut être certain par avance, et une transfusion de sang n’est pas un acte léger. Les essais cliniques français, menés par l’EFS, ou encore les essais américains validés par la FDA, visent à déterminer le niveau d’efficacité réelle d’une sérothérapie appliquée contre le coronavirus SARS-CoV-2. Il s’agit aussi de déterminer sur quel profil de patient cela peut fonctionner le mieux.
En Chine, un essai clinique basé sur ce principe et impliquant cinq patients a permis de guérir trois d’entre eux et de stabiliser les deux autres, mais l’essai incluant également des antiviraux, il est donc difficile de discerner quelle solution a eu le plus d’impact. L’essai clinique français Coviplasm espère éclaircir de nombreuses inconnues, afin de généraliser au plus vite cette méthode si elle s’avère efficace.
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