Les incendies dans la zone d’exclusion de Tchernobyl provoquent une forte hausse locale des radiations. Les feux pourraient être la conjonction entre une période très sèche et une forte présence humaine dans les lieux.

Depuis début avril 2020, d’importants feux de forêt, difficiles à maitriser, touchent la zone d’exclusion de Tchernobyl. Ces incendies ont inquiété les autorités à mesure qu’ils se rapprochaient du sarcophage qui protège les vestiges de l’ancienne centrale nucléaire depuis la catastrophe de 1986. Mais même s’ils n’ont pas finalement atteint ce lieu critique, les feux de forêt restent un problème environnemental : tandis que 20 000 hectares sont partis en fumée, cela a généré un pic dans les émissions radioactives, 16 fois plus hautes qu’habituellement. Autour du vendredi 17 avril, la pollution de l’air à Kiev était l’une des plus élevées du monde d’après l’historique des mesures satellites effectuées par IQAir.

Alors même que le 15 avril, les feux avaient été annoncés comme quasi éteints, grâce à l’aide de fortes pluies, des foyers se sont ravivés du fait des vents. Mais ils restent globalement « sous contrôle ». La région de Kiev est en tout cas, depuis lors, recouverte d’un « smog », une brume épaisse. Les niveaux de radiation du nuage ne sont pas suffisamment élevés pour causer un danger au long terme sur la santé, d’après les autorités sanitaires, mais ils restent nocifs, tant et si bien que les ukrainiens sont conviés plus que jamais à respecter le confinement, ainsi qu’à éviter d’ouvrir trop fréquemment leurs fenêtres. « Cette fumée peut provoquer des maux de tête, de la toux, des difficultés respiratoires, une irritation des yeux, une inflammation de la muqueuse du nez et du larynx, ainsi qu’un certain nombre de maladies et d’allergies », a indiqué le ministère ukrainien de la Santé, traduit par Reuters.

Les vents ont poussé les fumées à travers toute l’Europe, essentiellement par les courants Sud-Est, et ce jusqu’en France. Cela dit, le taux de concentration en radioactivité s’est affaiblie au fur et à mesure par dispersion. De fait, l’institut de radioprotection et de sûreté nucléaire indique dans un rapport que « l’estimation de l’impact résultant de l’inhalation de la radioactivité transportée par les masses d’air arrivant en France reste inchangée et sans conséquences sanitaires ».

La zone d'exclusion de Tchernobyl est un périmètre de 30 kilomètres autour de la centrale nucléaire. // Source : Pixabay

La zone d'exclusion de Tchernobyl est un périmètre de 30 kilomètres autour de la centrale nucléaire.

Source : Pixabay

Concernant l’origine de ces incendies, les feux sont vraisemblablement causés par la sécheresse et les vents dans la région, qui favorisent les départs et la virulence des incendies. Mais localement, une polémique enfle : les départs eux-mêmes pourraient être en grande partie d’origine humaine. En cette période sèche, des groupes humains clandestins sont accusés d’avoir provoqué ces feux. Ce sont les « stalkers ».

Qui sont les « stalkers » ?

Si certains lieux en bordure de la zone d’exclusion de Tchernobyl sont ouverts à un tourisme officiel, l’essentiel du périmètre autour de la centrale, dans cette zone, reste interdite. Toutefois des groupes n’hésitent pas à y entrer malgré tout et ils se font nommés « stalkers ». Le terme est inspiré par l’ouvrage de science-fiction Roadside Picnic, d’Arcadi et Boris Strougatski. Dans cet ancien roman, qui précède la catastrophe de Tchernobyl, des groupes nommés « stalkers » (qu’on pourrait ici traduire par « chasseurs », au sens d’une traque) pénètrent dans des zones contaminées pour y récupérer des artefacts aliens. Ceux qui entrent dans la zone d’exclusion de Tchernobyl se surnomment ainsi car ils pénètrent clandestinement dans ces lieux contaminés pour les explorer. Ils s’y sentent « libres de tout », ce qui n’est pas sans conséquences.

La relation entre les stalkers et les organes officiels (autorités, opérateurs touristiques…) sont parfois tendues. Les stalkers sont mus par une étrange fascination envers une « romance post-apocalyptique », au mépris du danger et de l’illégalité de cette pratique. Ils prennent des photos, créent des abris, entretiennent des appartements abandonnés et développent parfois toutes sortes d’activités y compris commerciales. C’est la sensation d’être dans un autre monde, n’obéissant pas aux règles habituelles, qui semble les animer.

Dans The Daily Beast et ABC, Olega Gnes, qui travaille pour un tour-opérateur officiel explique que « [les stalkers] nous détestent, nous et nos touristes », en précisant que certains déclenchent des feux dans la zone. D’ailleurs, dans une vidéo vue près d’un million de fois sur Youtube, publiée deux jours avant les derniers incendies, deux célèbres stalkers racontent comment leur campement a pris feu. Le journal The Times relate de son côté qu’un homme de 27 ans a récemment été arrêté pour avoir mis le feu dans la forêt « pour s’amuser ».

Si les soupçons se portent sur ces visiteurs clandestins, c’est parce que l’Ukraine est aujourd’hui en confinement du fait de la pandémie Covid-19. L’un des résultats est que les parties accessibles de la zone d’exclusion ont été entièrement fermées aux visites depuis le 18 mars. Cette disparition temporaire des tour-opérateurs officiels, et donc la réduction de la présence humaine localement, provoque selon Olega Gnes une résurgence des stalkers, mus plus que jamais par la sensation que les lieux leur appartiennent.

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