Pour retracer l’histoire du cerveau, les anthropologues sont face à un problème : si on peut retrouver des crânes fossilisés, ce n’est pas le cas pour les cerveaux. De fait, il est délicat pour les scientifiques d’étudier l’évolution de certaines fonctions, comme le langage. Ils doivent donc se baser sur les cerveaux actuels pour remonter dans le temps et percer à jour notre histoire.
C’est ce qu’ont fait des scientifiques britanniques pour retracer l’origine du langage. Dans une étude publiée le 20 avril 2020 dans Nature Neuroscience, ils expliquent qu’il faudrait dorénavant estimer cette origine à 25 millions d’années dans le passé. C’est 20 millions d’années de plus que les 5 millions d’années qui étaient jusqu’alors admis.
La clé d’un ancêtre commun
À partir d’une banque de données ouverte et en procédant à leurs propres scanners, les neuroscientifiques ont conjointement étudié les cerveaux de primates apparentés : les humains, les singes (babouins, macaques…) et les grands singes (gorilles, orangs-outangs…). En comparant le résultat des scanners, les chercheurs ont identifié des « voies homologues provenant du cortex auditif ». Ces voies concernent la liaison entre l’aire de Broca et l’aire de Wernicke. Ce chemin s’appelle le faisceau arqué, et il est crucial dans le traitement de la parole et donc du langage, pour comprendre, traiter et s’exprimer. Cela ne signifie pas que les humains et les autres primates partagent la même faculté langagière, mais bien qu’il y a une base évolutive commune. Cette homologie a « stupéfait » les chercheurs, d’après leurs propres mots.
Pour que ces voies soient homologues chez les primates humains et non-humains, cela signifie que l’origine phylogénétique (le moment qui précède les évolutions génétiques différenciées entre les primates) remonte au dernier ancêtre commun connu. Raison pour laquelle les auteurs de l’étude rembobinent l’origine du langage de plusieurs millions d’années. Ils estiment cette origine à 25 millions mais prédisent que cela pourrait être plus ancien encore. Reste à savoir quel ancêtre précisément, et à retracer plus de détails la phylogenèse de cette faculté langagière.
L’étude publiée dans Nature met aussi au jour une différenciation évolutive entre les primates humains et ceux non-humains. La partie gauche de la voie homologue que nous citions précédemment est plus « forte » sur son côté gauche, tout comme le côté droit, pourtant relié au cortex auditif, a évolué de telle sorte à se relier aussi à des parties non-auditives de la zone. Ces particularités n’ont pas été retrouvées par les chercheurs sur les autres primates.
En plus de faire avancer la recherche fondamentale sur le fonctionnement du cerveau et son évolution, cette compréhension nouvelle implique aussi des applications médicales, par exemple pour les personnes atteintes de troubles du langage. « L’étude a déjà inspiré de nouvelles recherches en cours, notamment avec des patients en neurologie », affirme Timothy Griffiths, l’un des neuroscientifiques à l’origine de cette étude.
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