Le meilleur moyen de soigner les patients atteints par la maladie Covid-19 est de percer le fonctionnement du nouveau coronavirus SARS-CoV-2. Il s’agit, plus spécifiquement, de comprendre la façon dont il s’attache aux cellules pour les infecter et s’y répliquer. Une équipe internationale de 120 chercheurs a publié dans Nature le 30 avril 2020 une nouvelle étude sur la façon dont le coronavirus attaque les cellules humaines. Et grâce à leurs résultats, ils ont pu en tirer quelques conclusions préliminaires, mais utiles sur certaines pistes médicamenteuses.
Dans leur expérience en laboratoire, les chercheurs ont cloné et marqué plusieurs protéines du coronavirus, avant d’identifier en parallèle les cellules humaines auxquelles ces protéines s’attachent. Combinant ces deux éléments, ils ont modélisé une carte englobant les protéines du coronavirus et les cellules humaines. Grâce à cela, les auteurs de l’étude ont identifié des centaines d’« interactions » entre le coronavirus et le corps humain. Chacune de ces interactions est un point clé du processus d’infection : un médicament efficace viendrait en quelque sorte se placer au milieu de ces interactions pour empêcher qu’elles adviennent, stoppant ainsi l’infection.
Les chercheurs ont travaillé sur des cellules de singes Grivet, souvent utilisées en lieu et place de cellules humaines, car elles agissent de la même façon. Pour l’étude, l’idée était donc d’infecter ces cellules, puis d’y injecter à chaque test une molécule faisant déjà partie de médicaments existants. Les scientifiques observaient alors la charge virale restante, mais aussi la façon dont ces molécules endommageaient ou non les cellules vivantes. Cela permettait de tirer des conclusions à la fois sur les effets bénéfiques et néfastes.
Des pistes efficaces
Les résultats de cette étude parue dans Nature montrent à la fois que des médicaments existants représentent bel et bien de potentielles solutions, mais aussi que d’autres contiennent un risque. Deux catégories de médicaments ont été identifiées comme ayant un effet direct sur les interactions protéines virales / cellules humaines.
Deux types de solutions médicamenteuses ont été identifiées comme efficaces
La première catégorie relève des inhibiteurs de la synthèse protéinique, c’est-à-dire qu’ils bloquent le processus de multiplication des protéines virales. D’après l’étude, la molécule la plus efficace en la matière est la zotatifine (actuellement testée contre le cancer) et la ternatine-4/plitidepsine (utilisée contre le myélome multiple). L’autre catégorie de molécules permet d’agir directement sur les récepteurs cellulaires, pour empêcher que les protéines virales s’y relient. Les chercheurs ont identifié pas moins de 7 médicaments et molécules qui interagissent efficacement sur ces récepteurs, essentiellement des antipsychotiques et des antihistaminiques.
Ce travail de recherche a aussi permis de découvrir qu’il existerait une piste très intéressante du côté de la molécule expérimentale PB28, une piste qui n’a pas encore été sérieusement creusée. Enfin, l’hormone stéroïdienne progestérone paraît jouer un rôle important pour freiner le processus de réplique du coronavirus dans le corps, ce qui pourrait expliquer en partie pourquoi les hommes sont statistiquement plus touchés.
Pourquoi certains médicaments pourraient empirer les choses
Les chercheurs ont élargi leurs observations aux potentiels risques sur les patients atteints de Covid-19, concernant des médicaments qui ont certes un effet lors des interactions protéines / cellules, mais qui peut se traduire par des complications. Le dextrométhorphane, utilisé dans certains médicaments contre la toux, semble par exemple accélérer le processus par lequel les protéines virales se multiplient, en leur facilitant la tâche. Les auteurs indiquent malgré tout qu’il est trop tôt pour empêcher l’utilisation de cette molécule, mais appellent à davantage de recherches urgentes sur ce risque, et à ce qu’il soit pris en considération dans la recherche médicale.
L’hydroxychloroquine, le fameux médicament ultra-médiatisé, a fait partie des médicaments testés dans l’étude publiée par Nature. Les résultats sont mitigés. La molécule se relie bel et bien aux récepteurs cellulaires visés par le coronavirus, mais les chercheurs ont également trouvé ce qui explique les effets secondaires dangereux provoqués par ce médicament : la molécule se relie au récepteur cellulaire hERG, qui joue un rôle fondamental dans la régulation du rythme cardiaque. Ce faisant, elle perturbe l’activité électrique du cœur. Pour les auteurs, ce n’est donc pas un traitement assez fiable face à d’autres pistes plus efficaces et moins risquées.
Il serait possible d’établir un médicament à l’épreuve des futures mutations
Dans un commentaire de leur étude, les chercheurs indiquent que leur travail offre de quoi être optimistes : oui, des médicaments déjà existants ont un effet prouvé sur le coronavirus. Et si cette idée commençait déjà à s’imposer, cette étude approfondit cette voie. « Nous n’avons pas seulement trouvé des médicaments qui peuvent combattre SARS-CoV-2, nous avons appris comment et pourquoi ». Mais ce n’est pas tout. « Les mêmes protéines que SARS-CoV-2 utilise pour infecter et se répliquer dans les cellules humaines et qui sont ciblées par ces médicaments obéissent au même processus que les coronavirus SARS-1 et MERS ». Cela signifie que si l’on identifie un ou plusieurs de ces médicaments comme efficace et non nuisible, alors cela pourrait s’appliquer à ces anciens coronavirus ainsi qu’à d’éventuelles mutations de SARS-CoV-2.
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