Le Soleil n’est-il qu’une étoile comme les autres ? A priori oui, une étoile de taille moyenne qui a une petite particularité à ne pas négliger : il y a dans son orbite une planète qui abrite la vie. Et il semblerait que ce soit la seule différence.
Mais une étude parue dans Science apporte un autre éclairage. Les auteurs ont comparé l’activité magnétique du Soleil avec celle de 369 autres étoiles, et ils ont découvert que notre astre est très atypique. Il serait beaucoup moins actif que toutes les autres cibles étudiées. L’activité magnétique est ce qui fait vivre les étoiles. Elle est nourrie par une dynamo interne, une sorte de rotation de différentes couches de gaz au sein de l’étoile, qui crée un champ magnétique, une énergie. C’est ce champ magnétique qui provoque notamment des variations dans la luminosité des étoiles, mais aussi des pics d’activité comme des éruptions solaires.
Tout cela est scruté depuis des décennies et toujours assez mal compris puisque la structure de ce champ magnétique semble très complexe et changeante. Mais ces années d’observation ont permis de construire certains cycles du Soleil qui paraissent assez réguliers, ponctués çà et là de pics d’activité moins prévisibles. Les taches solaires qui correspondent à une activité magnétique particulièrement intense sont bien documentées depuis des siècles, dès l’apparition des premiers télescopes, ce qui permet de recréer un schéma dominant sur une très longue période.
Kepler et Gaia, les instruments pour regarder ailleurs
En revanche, pour ce qui est de comparer cette activité à celle des autres étoiles, c’est un peu plus délicat, car on dispose de beaucoup moins de données. Jusqu’à récemment en tout cas puisque le télescope spatial Kepler fournit de nombreuses informations sur des dizaines de milliers d’étoiles à travers la Galaxie. Son but était justement de rechercher des exoplanètes en analysant l’intensité lumineuse de 145 000 étoiles.
Cette intensité est censée varier lorsqu’une exoplanète passe devant — c’est la méthode des transits. Et en quatre ans de recherche, ce sont plus de 2 000 exoplanètes qui ont ainsi été repérées.
Mais au-delà de ces découvertes révolutionnaires, Kepler est une base de données unique pour qui veut savoir comment brillent les autres étoiles alentour. L’équipe de chercheurs dirigée par Timo Reinhold du Max Planck Institute en Allemagne a d’abord fait une sélection pour voir quelles étoiles pouvaient être comparées au Soleil. Quelques valeurs à prendre en compte : la taille, la luminosité moyenne, mais aussi la rotation.
Des variantes parfois difficiles à obtenir, notamment le temps de rotation puisque cela implique d’observer un astre pendant un temps assez long, ce qui n’a pas toujours été fait. Ils ont couplé ces données avec celles d’un autre instrument riche d’enseignement : Gaïa. Le satellite de l’Agence spatiale européenne lancé en 2013 pour réaliser une cartographie de notre Voie lactée et connaître plus précisément la position et le mouvement des étoiles. À la fin, nous arrivons à un échantillon de 369 étoiles.
Et le verdict est sans appel : les étoiles étudiées sont beaucoup plus variables que le Soleil, leur luminosité est par moment presque deux fois plus importante que la plus haute valeur jamais observée chez nous. Et cela avec une composition, un temps de rotation et une taille similaire.
«C’était une vraie surprise, reconnaît l’auteur principal de l’étude, Timo Reinhold. Nous pensions jusque-là que la température et la rotation étaient les principaux déterminants de l’activité magnétique, mais ici, avec des étoiles similaires, nous arrivons à de grandes différences. »
Cela signifierait donc qu’il y a d’autres facteurs qui rentrent en compte pour déterminer l’activité magnétique des étoiles. Lesquels exactement ? La question reste ouverte, mais la réponse pourrait cependant être trouvée dans les années qui viennent avec des mesures spectroscopiques des étoiles étudiées dans l’échantillon. Les futures générations de télescope pourront mener ces observations et aider à mieux connaître les étoiles de la Voie lactée.
Notre Soleil est unique ? Pas si sûr
Mais en attendant de telles trouvailles, il faut préciser que ces résultats, aussi surprenants soient-ils, restent finalement assez cohérents avec le reste de la littérature scientifique. En effet, de violentes éruptions avaient déjà été détectées sur des étoiles voisines, des événements jamais observés sur le Soleil. Donc si les autres étoiles sont effectivement plus actives, cela conforterait ces données.
Cette confirmation soulève une autre question : cela signifie-t-il que notre Soleil est unique dans la Galaxie ? Pas si sûr, son comportement correspond à celui d’autres étoiles à peu près similaires, mais qui avaient été mises de côté par les chercheurs puisque leur temps de rotation n’était pas connu. « Ce pourrait être lié aux cycles solaires, explique Timo Reinhold. Il est possible que ces cycles disparaissent petit à petit quand l’étoile prend de l’âge. » Selon cette théorie, notre Soleil aurait déjà fait sa transition, il serait passé d’un astre très actif comme les étoiles observées ici, à un stade plus tranquille tel qu’il est actuellement. Au contraire, les autres étoiles seraient encore dans leur phase agitée.
Si cette vision est juste, le Soleil pourrait donc à son tour devenir beaucoup plus actif, ce qui serait désastreux pour la vie moderne sur Terre. Les tempêtes solaires seraient plus fortes et bouleverseraient totalement le réseau de satellites et de télécommunications. Une telle activité mettrait en danger les astronautes, mais également les personnes voyageant dans les avions. Sans compter les dégâts économiques.
Mais avant que cela arrive, c’est bien plutôt c’est le calme relatif du Soleil qui a permis sans doute le développement de la vie sur Terre. « C’est un phénomène qui se joue à des échelles géologiques, précise Timo Reinhold, le Soleil tel qu’il est a pu être un atout pour le développement de la vie. »
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