Si les scientifiques cherchent à retracer les débuts de l’épidémie, jusqu’à finalement découvrir que SARS-CoV-2 circulait déjà depuis décembre, ils essayent également d’en décrypter les origines biologiques. Une étude sur ce sujet vient de paraître, ce 10 mai 2020, dans Current Biology. Les auteurs indiquent avoir identifié chez les chauves-souris un coronavirus, RmYN02, qui pourrait bien être le plus proche cousin du coronavirus SARS-CoV-2. Il ne s’agit pas de son précurseur immédiat, mais cela offre une meilleure vision des mutations chez les coronavirus.
Le coronavirus RmYN02 a été identifié à partir de plus de 200 échantillons génétiques provenant de chauve-souris issues de la province de Yunnan. Ces échantillons datent de mai à octobre 2019. Les résultats du séquençage montrent que des parties entières du génome de RmYN02 sont apparentées à SARS-CoV-2 — jusqu’à 97.2% d’ARN partagé. La petite différence repose notamment dans la protéine en forme de pointe, qui sert à attaquer les cellules humaines : RmYN02 diffère de telle sorte à ce qu’il ne puisse pas infecter des humains.
Mais ce qui est intéressant, ici, ce sont les points communs. Car les parties que les deux coronavirus partagent contiennent toutes deux des « insertions d’acides aminés » du même registre. Au sein de la protéine en forme de pointe de SARS-CoV-2, des acides aminés sont effectivement venus s’insérer à la jonction entre deux sous-unités nommées S1 et S2 — c’est un élément présent dans chaque échantillon du coronavirus à l’origine de Covid-19. On retrouve le même type d’insertion chez RmYN02. Le contenu de l’insertion diffère légèrement, ce qui montre par ailleurs que ce type de mutation survient aléatoirement en fonction d’événements variés pouvant toucher chaque coronavirus.
En quête de l’ancêtre direct
Cette insertion d’acides aminés a nourri pendant des semaines la théorie complotiste affirmant que le nouveau coronavirus a été conçu en laboratoire : cette idée fausse partait parfois du principe que cette insertion est rare chez les coronavirus, qu’elle n’a donc pas pu être naturelle et qu’elle était alors forcément le fruit d’une manipulation en laboratoire. Mais la théorie ne tient pas et cette nouvelle étude ne fait que le confirmer. « Notre papier montre très clairement que ces événements adviennent naturellement dans la vie sauvage. Cela apporte une preuve inébranlable contre l’idée que SARS-CoV-2 s’est échappé d’un laboratoire », note l’un des auteurs.
Au-delà de mettre en défaut une énième théorie fumeuse circulant sur les réseaux sociaux pendant cette crise sanitaire, l’étude est aussi et surtout une nouvelle pièce au puzzle de l’émergence de SARS-CoV-2, sur la façon dont ce coronavirus a pu devenir la maladie Covid-19 touchant les êtres humains. RmYN02 n’est pas l’ancêtre de SARS-CoV-2, et ce n’est pas non plus le cas de RaTG13, un autre coronavirus de chauve-souris plutôt proche, car il reste un trou dans cette évolution ancestrale, un chaînon manquant à identifier. « Mais notre étude suggère que continuer à échantillonner toujours plus d’espèces sauvages va révéler des virus qui sont encore plus proches de SARS-CoV-2 et peut-être même son ancêtre direct, lequel pourra nous en dire beaucoup sur comment ce virus a émergé chez les humains. »
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