Le cercle arctique connaît une vague de chaleur qui brise encore quelques records. Un météorologue nous livre une piste d’explication.

En Sibérie, au-dessus du cercle arctique, il faisait 25,4°C, ce vendredi 22 mai 2020. Cette température se situe tout simplement 25,4 degrés au-dessus de la température normale pour l’époque dans la région, habituellement de zéro degré.

Ces 25,4 degrés ont été enregistrés plus particulièrement dans la ville de Khatanga, qui bat au passage son record de chaleur en cette période, autrefois de 12 degrés. Le record mensuel est également battu : la température moyenne à l’échelle du mois est de 30 degrés, alors qu’elle n’avait pas dépassé 20 degrés jusqu’alors.

Cette vague de chaleur entraîne une fonte plus tôt que d'habitude (illustration). // Source : Pixabay

Cette vague de chaleur entraîne une fonte plus tôt que d'habitude (illustration).

Source : Pixabay

La fonte estivale a déjà commencé

Ces températures dans la péninsule de Taïmyr, partie arctique de la Sibérie, « dépassent l’imaginable » a noté le météorologue Gaétan Heymes sur Twitter, qui ajoute que cela pourrait encore durer. Même constat pour le chercheur finnois Mika Rantenen. S’il rappelle que la Sibérie peut connaître un été chaud, il précise que « 30.5°C au sein du cercle arctique en mai est vraiment exceptionnel ». La vague de chaleur touche en réalité tout le cercle arctique depuis la mi-mai. Car au-delà de la Sibérie, on enregistre même bien plus que les 25,4 degrés : les températures touchent les 26, 28, 30 degrés. Comme le rappelle le climatologue Martin Stendel dans le Washington Post, le pic est d’autant plus exceptionnel que l’on ne trouve pas d’équivalent depuis 1958, date à laquelle on a commencé à enregistrer les données climatiques dans la région.

Contacté par Numerama, Gaétan Heymes nous explique que cet « événement météo exceptionnel » est causé par « la formation d’un dôme d’air chaud et sec en altitude, un blocage anticyclonique, du même type que ceux qui génèrent les canicules en Europe l’été ». Si personne ne peut se prononcer sur un lien direct et irréfutable entre cet épisode et le changement climatique, Gaétan Heymes rappelle que la vague de chaleur a clairement des sources contextuelles.

Qu’est-ce qu’un albédo ?
Les rayons du Soleil procurent à tout corps qui les reçoivent une certaine quantité d’énergie. On désigne par albédo la part qui est réfléchie, contre la part absorbée. Un corps clair a un albédo fort car très réfléchissant. C’est le cas de la neige. Un corps sombre est peu réfléchissant et a donc un albédo faible.

« Le cycle de rétroaction positive via l’albédo et la forte absorption de la chaleur par les sols moins enneigés joue un rôle indéniable pour l’obtention de forte chaleur au-delà du cercle arctique », nous explique le météorologue. En clair, un hiver plus doux (donc plus chaud sur l’échelle des températures) a provoqué une moindre persistance des neiges en Sibérie sur le printemps. En l’absence de cette neige, la lumière du Soleil se reflète moins, le sol absorbe plus de chaleur, les températures augmentent, la neige continue alors de fondre davantage, et ainsi de suite.

Cet hiver plus doux dans le Nord est, quant à lui, causé une « anomalie de circulation en Arctique, l’oscillation arctique positive qui favorise une concentration du vortex polaire au-dessus du pôle ». Une anomalie de circulation provoque une persistance des anticyclones, lesquels favorisent un temps sec et ensoleillé. Ces anomalies dans la circulation de l’air ne sont plus vraiment surprenantes pour la région, nous précise Gaétan Heymes. « Elles s’inscrivent dans le schéma bien connu de l’amplification arctique. » En effet, face à un équilibre changeant, l’Arctique connaît un réchauffement plus rapide que la moyenne planétaire. En somme : la corrélation partielle entre le changement climatique et ce pic est clairement visible, mais la causalité n’est pas établie.

Cette vague de chaleur arctique de 2020 n’est en tout cas pas sans conséquence : les fortes chaleurs et le ciel dégagé par l’air doux accélèrent la fonte des glaces. Un résultat déjà observable concrètement, puisque la fonte estivale de la mer de Kara a d’ores et déjà commencé. Le climatologue Zack Labe a posté un graphique où l’on voit bien ce phénomène de fonte précoce : il représente les périodes de fonte des glaces de la mer de Kara de 1979 à nos jours. En rouge, c’est 2020.

En 2020, l'épisode de fonte de la mer glacée de Kara, comparé aux autres années. // Source : @ZLabe

En 2020, l'épisode de fonte de la mer glacée de Kara, comparé aux autres années.

Source : @ZLabe

Cet épisode s’inscrit dans la continuité des événements climatiques extrêmes qui secouent l’Arctique depuis quelques années. Dès l’été 2018, on parlait de températures largement au-dessus de la moyenne dans la région en août. En 2019, la communauté humaine la plus au nord du Canada relevait un record historique de température. Quant au Groenland, l’année 2019 a signé de son côté un record en matière de fonte des glaces en une seule journée, un phénomène qui pourrait se reproduire en 2020 puisque la vague de chaleur en Arctique touche le Goenland. Rappelons que ces fontes massives ont un impact sur le reste du monde, puisqu’année après année, cela contribue à l’élévation des mers.

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