C’est un sujet qui mêle inquiétude et espoir dans chaque pays concerné par la crise sanitaire liée au Covid-19 : l’hypothèse du deuxième vague. Mais le problème est bien là, elle est hypothétique. Les spéculations vont alors bon train et les épidémiologistes peuvent donner l’impression, quand ils s’expriment dans les médias, de répondre sans jamais vraiment répondre.
La raison est simple : donner une réponse tranchée ne serait pas scientifique, car il n’y a pas assez de variables déterminées pour estimer avec certitude la survenance ou non de cette deuxième vague. Ni même son éventuelle intensité. Par exemple, en France, les chiffres sont incontestablement à la baisse dans leur ensemble de semaine en semaine depuis le déconfinement (malgré quelques sursauts, mais souvent à cause de la temporalité du décompte). Que ce soit d’après les retours qui nous sont parvenus depuis le terrain médical, ou dans l’état d’esprit général, cette baisse suscite un espoir : sans que le coronavirus n’ait disparu, la crise sanitaire serait-elle en train de se résorber ?
La réponse est, dans un premier temps, oui. Elle est en train de se résorber. Ou en tout cas, le confinement a eu une efficacité qui commence à être attestée par les scientifiques et sur le terrain. C’est ce qu’a confirmé l’Institut Pasteur par exemple, à la mi-mai 2020, en ce qui concerne la France. À l’échelle mondiale, les études convergent dans ce même sens : les confinements ont bel et bien freiné la diffusion de la maladie Covid-19. Donc, à l’heure actuelle, aucune deuxième vague ne se dessine dans les jours à venir.
Malheureusement, le court terme n’est pas forcément un champ pertinent d’analyse : entre le moment du déconfinement, au 11 mai, et ce 26 mai, seules trois semaines se sont écoulées. Nous ne sommes qu’au début d’interactions humaines à nouveau plus larges, et le délai d’incubation est de 14 jours. D’autres éléments viennent complexifier l’analyse sur la potentialité d’une deuxième vague.
Les scénarios se confirment avec le temps
Dans un précédent article, nous décortiquons une étude épidémiologique dressant 3 scénarios possibles pour l’avenir de la pandémie, tant sur le nombre d’infections que les décès qu’elles engendrent
- 1) succession de moindres vagues dès cet été ;
- 2) deuxième vague très forte en septembre/octobre avant que cela se calme ;
- 3) absence de vague notable, mais un coronavirus malgré tout présent en toile de fond.
Ces trois voies laissaient poindre l’idée que le coronavirus allait de toute façon s’inscrire dans le temps. Mais ces scénarios contiennent aussi, plus subtilement, la réponse à l’incertitude épidémiologique qui entoure en ce moment une hypothétique seconde vague : aucun de ces scénarios ne pourrait être confirmé aujourd’hui.
- Le scénario n°1 implique d’attendre l’été pour le voir apparaître ;
- le scénario n°2 implique d’en faire le constat à la rentrée prochaine ;
- et le scénario n°3 a besoin que plusieurs mois passent pour que les autres scénarios soient évacués à son profit.
En bref, toute affirmation tranchante pourrait certes se voir confirmée dans quelques temps, mais reposerait au préalable sur une forme de loterie, car elle ne se baserait pas sur un faisceau suffisant de facteurs connus pour être fiable.
Quelles variables à prendre en compte ?
En revanche, cela ne veut pas dire que l’on ne connaît pas ces facteurs, qui sont en fait des variables. Au contraire, des études scientifiques ont identifié quelques-unes d’entre elles, qu’il convient justement de surveiller afin de déterminer si une deuxième vague se profile. Parmi elles, entrent surtout en jeu les mesures, leur étendue, leur mise en application. Une étude de l’AP-HP disponible en prépublication depuis le 5 mai en arrive par exemple à la conclusion que la distanciation physique et le port du masque ainsi que la protection des personnes vulnérables n’empêcheront pas forcément une seconde vague, mais éviteront en tout cas une nouvelle « crise sanitaire », avec saturation des hôpitaux et nouveau confinement.
« Les avantages seraient néanmoins nettement réduits si ces mesures n’étaient pas appliquées par la plupart des personnes ou si elles n’étaient pas maintenues pendant une période suffisamment longue, à mesure que l’immunité collective s’établit progressivement dans la population la moins vulnérable », dénotent cela dit les chercheurs français. Et de tels paramètres restent évidemment imprédictibles aussi peu de temps après le déconfinement.
En plus des mesures, les choix nationaux comptent dans la balance, à savoir la façon dont se déroule la sortie de confinement, son timing : est-ce progressif, à quel point, de quelle façon ? Ainsi, le choix français de rouvrir les écoles n’est pas sans implication dans les modèles épidémiologiques. Un travail de recherche de l’Inserm s’intéresse justement à ces réouvertures, à travers le cas pratique de l’Île-de-France. Les simulations suggèrent que ce choix mènera à une seconde vague, mais que son ampleur réelle dépendra finalement du nombre d’élèves à aller en cours sur la période du 11 mai à fin juin.
Les deuxièmes vagues dans le monde
La multiplicité des variables — et à quel point celles-ci ont un impact — s’illustre parfaitement avec les exemples internationaux. À la mi-mai 2020, l’Iran a connu une deuxième vague qui a impliqué un reconfinement dans la foulée. Les informations qui proviennent du pays suggèrent que, lors de la réouverture des commerces, une trop grande partie de la population n’a pas souhaité porter de masque et la distanciation physique a vite été oubliée. Une variable importante.
Les exemples de pays dont une seconde vague se profile, ou en tout cas un regain notable, ne manquent pas, comme la Chine ou l’Allemagne, et à chaque fois pour des facteurs relativement différents. En Chine, c’est moins le non-respect des mesures de protection qu’une question de circulation sur le territoire, car le regain est vraisemblablement causé par le retour de voyageurs étrangers sur le sol, comme l’explique une étude parue dans The Lancet qui modélise la forme que pourrait prendre la nouvelle vague d’infections sur le sol chinois.
De manière générale, en l’absence de vaccin pour l’instant, tout comme d’une vraie immunité collective, même si une fin temporaire de l’épidémie se confirmait au fil des semaines, le coronavirus existerait toujours et ni les politiques publiques, ni la population, ne pourront jusqu’alors relâcher entièrement leur prudence.
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