La sixième extinction de masse est une réalité. Nombre d’études récentes ne font que confirmer ce phénomène de disparition d’espèces. Un nouveau travail de recherche, publié le 1er juin 2020 dans Proceedings of the National Academy of Sciences, participe à ce faisceau de preuves et vient même préciser que le mécanisme d’extinction s’accélère. L’auteur principal, Paul Ehrlich, avait déjà alerté sur l’imminence de ce phénomène, dès 2015.
Dans cette nouvelle étude, ce biologiste et son équipe ont porté leur attention sur 30 000 espèces de vertébrés, à partir des données de l’Union internationale pour la conservation de la nature. Le résultat : 515 d’entre elles sont menacées, car elles ne comportent pas plus de 1 000 individus. Or, comme l’indiquent les chercheurs, à l’échelle d’un siècle, donc depuis 1900, 94 % des espèces ayant atteint un tel seuil se sont finalement éteintes.
Sur les 30 000 espèces, 388 sont dans une situation intermédiaire où il ne reste plus que 1 000 à 5 000 individus. Mais ces 388 espèces sont tout autant en danger. Car les auteurs de l’étude alertent sur un effet de cascade, dû à l’interconnexion de la vie sur Terre : « (…) Les espèces sont reliées dans les écosystèmes, et, à mesure qu’elles disparaissent, les espèces avec lesquelles elles interagissent ont de fortes chances de disparaître à leur tour. Dans les régions où les espèces en voie de disparition sont concentrées, des effondrements de la biodiversité régionale ont de fortes chances d’advenir. » L’extinction engendre l’extinction, puisque chaque disparition détruit un peu plus la capacité d’un écosystème à abriter la vie. Et en raison de cette spirale, la sixième extinction de masse va, selon les chercheurs, plus vite que les modèles le suggèrent jusqu’à maintenant.
Les activités humaines en question
Les auteurs rappellent que le phénomène d’extinction provient des activités humaines. Mais ils indiquent que l’accélération du phénomène, tout autant. « Les pressions humaines sur la biosphère augmentent rapidement, comme en témoigne la pandémie actuelle de maladie à coronavirus 2019 (Covid-19), liée au commerce des espèces sauvages », écrivent-ils dans leur étude. S’ajoutent à cela, parmi les pressions humaines, l’accroissement des populations, la destruction des habitats naturels, la pollution et le changement climatique.
Pour Paul Ehrlich, co-auteur de l’étude, l’humanité « scie le membre sur lequel elle est assise, détruisant les parties fonctionnelles de notre propre système de survie ». Il s’avère effectivement, comme il est écrit dans l’étude, que lorsqu’une espèce devient presque éteinte, ses contributions aux fonctions et services apportés par un écosystème deviennent quasi insignifiantes, « et sa contribution au bien-être humain pourrait être perdue ».
Voilà pourquoi Paul Ehrlich précise qu’il faudrait que les gouvernements, que les institutions nationales et mondiales, élèvent la conservation des espèces menacées au même rang que l’urgence climatique. Pour qu’un climat soutenable puisse persister, la nature doit en effet se maintenir, puisque les écosystèmes forment un tout — la pollinisation est par exemple un ingrédient essentiel à la vie sur Terre.
Agir par un accord international contraignant
Si le constat est évidemment tragique, rien de tout cela n’est encore aujourd’hui irrémédiable. Les auteurs de l’étude insistent sur ce point. « Ce que nous ferons pour affronter la crise actuelle d’extinction au cours des deux prochaines décennies déterminera le sort de millions d’espèces », indique un co-auteur de l’étude, Gerardo Ceballos.
Dans leur papier de recherche, les scientifiques évoquent plusieurs pistes d’action afin d’éviter que ces espèces ne s’éteignent. S’ils appellent métaphoriquement à ce que les scientifiques « descendent dans les rues » pour informer sur le problème et appeler à agir, la solution fondamentale est avant tout juridique. Les auteurs souhaitent la mise en place d’un accord international réellement contraignant, tout particulièrement contre les commerces légaux et illégaux d’animaux sauvages. Cet accord ne serait que la première étape d’un programme 2020-2030 de conservation.
En bref : une approche juridique est nécessaire afin que la protection de la biodiversité devienne une obligation, et non plus une option. « Il reste du temps, écrivent les auteurs, mais la fenêtre d’opportunité est presque fermée. Nous devons sauver ce qu’on peut, ou perdre l’opportunité de le faire pour toujours. »
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