Si le confinement nous a permis de dormir plus longtemps, le stress causé par la pandémie a dégradé notre qualité de sommeil.

Depuis plusieurs mois, et dans nombre de pays, nos vies ont été énormément bouleversées tant par la pandémie elle-même, causée par la maladie Covid-19, que par le confinement visant à freiner la propagation du coronavirus. Durant le confinement, lecteurs et lectrices nous avaient fait part du profond impact que la situation avait sur leurs rêves et cauchemars. Mais, royaume des songes mis à part, la pandémie semble avoir altéré notre sommeil de manière générale.

Des scientifiques se sont pleinement penchés sur ces liens inédits entre le rythme du sommeil et la situation pandémique. Deux études ont été publiées sur ce sujet le 10 juin 2020 dans la revue Current Biology. Si l’on combine ces deux faisceaux de résultats, il faut en conclure que nous avons davantage dormi, car en meilleure adéquation avec le rythme biologique, mais pour un sommeil de moins bonne qualité.

Une étude montre que pendant le confinement, 92 % des étudiants interrogés faisaient les 7h de sommeil recommandés, contre 84 % avant. // Source : Pexels

Une étude montre que pendant le confinement, 92 % des étudiants interrogés faisaient les 7h de sommeil recommandés, contre 84 % avant.

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Moins de « jetlag social »

Comme l’expliquent les auteurs de la première étude, en temps normal la vie quotidienne induit un « jetlag social » et une « restriction sociale du temps de sommeil ». Ces deux phénomènes proviennent d’un décalage (période de la  journée, durée) entre le rythme du sommeil lors des jours de travail et le rythme du sommeil lors les jours non travaillés. Ce jetlag social, lorsqu’il est très prononcé — ce qui est le cas dans notre société — peut mener à une durée de sommeil bien insuffisante, voire un sommeil irrégulier et trop tardif. Pendant le confinement, ce décalage s’est effacé, conduisant à une homogénéité du sommeil, une harmonisation entre rythme social et rythme biologique individuel.

Les auteurs de la première étude, menée en Autriche, Suisse et Allemagne, écrivent que cette temporalité améliorée du sommeil « peut vraisemblablement être attribuée à une plus grande flexibilité des horaires sociaux », notamment en raison du télétravail mais aussi du fait que la vie publique soit réduite — ses plaisirs autant que ses contraintes. Selon leur sondage, ce rythme différent aurait étendu le temps de sommeil d’en moyenne 15 minutes supplémentaires par nuit.

La seconde étude, dédiée aux étudiants, montre une augmentation du temps de sommeil de 30 minutes en semaine et 24 minutes le weekend, ce qui est lié à l’adoption d’un emploi du temps plus stable et organisé. Pendant le confinement, 92 % des étudiants inclus dans l’étude atteignaient les 7 heures recommandées de sommeil, alors que 84 % atteignaient cet objectif auparavant. La différence entre la semaine travaillée et le weekend s’est globalement amoindrie, en réduisant le jetlag social.

Le jetlag social contribue et aggrave des problèmes de santé

Ces constats prouvent, selon Kenneth Wright, l’un des auteurs de la deuxième étude, que « les mauvais comportements liés au sommeil sont modifiables chez les étudiants ». Le jetlag social n’est pas qu’un état de fait, mais bel et bien un problème que de nombreux scientifiques mettent en avant en raison des conséquences que cela peut avoir sur la santé. Kenneth Wright cite quelques-uns de ces effets néfastes : « (…) Ces mauvais comportements (…) contribuent et aggravent des problèmes majeurs de santé et de sécurité, notamment les maladies cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux, la prise de poids et l’obésité, le diabète, les troubles de l’humeur tels que la dépression et l’anxiété, la toxicomanie et l’affaiblissement du système immunitaire, ainsi que la somnolence matinale, les troubles cognitifs, la baisse de productivité au travail, les mauvais résultats scolaires et le risque d’accident ou de somnolence au volant. »

La qualité du sommeil amoindrie

Le confinement a cependant généré un autre effet secondaire, bien moins positif, sur le sommeil. L’augmentation du temps de sommeil et l’harmonisation du rythme du sommeil n’ont pas mené à une augmentation de la qualité du sommeil. Du point de vue des auteurs de la première étude, il s’agit d’un paradoxe. C’est ce qu’écrit la neuroscientifique suisse Christine Blume, l’une d’entre eux : « Habituellement, on s’attendrait à ce qu’une diminution du décalage horaire social soit associée à une amélioration de la qualité du sommeil. Pourtant, dans notre échantillon, la qualité globale du sommeil a diminué. »

Pour les auteurs de l’étude, la raison est assez simple à identifier : la pandémie provoque un état d’anxiété très prégnant. « Nous avons observé une augmentation du stress subjectif et une diminution du bien-être mental et physique », écrivent les chercheurs, qui estiment que, dans l’ensemble, cette faible qualité du sommeil a pu prendre le dessus sur les effets bénéfiques d’un moindre jetlag social. Ils ajoutent cela dit dans leur conclusion que des stratégies comme l’exposition autant que possible à la lumière du soleil ou l’exercice physique ont pu rééquilibrer un équilibre et finalement rétablir chez ces personnes les effets positifs du jetlag social réduit.

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